20 novembre 2010
Monseigneur,
Ayant appris que le Centre Diocésain a programmé une conférence " Regard sur l¹Amérique Latine Les défis d¹aujourd¹hui " par Mgr Oscar Rodríguez Maradiaga, je souhaite vous faire part de mes réflexions à ce sujet.
Pourquoi ce projet retient-il mon attention ? Depuis trente ans je m¹intéresse à l¹Amérique Latine, et plus particulièrement à la vie des populations en difficulté.
En 1980 notre fils aîné partit au Nicaragua avec l¹intention de participer au développement de ce pays au côté des paysans. Il y vécut des années exaltantes, mettant ses modestes compétences au service de ces gens qui, après une longue dictature, découvraient une vie plus digne en s¹organisant pour réaliser ensemble des améliorations sociales.
En 1986 notre fils fut assassiné - avec beaucoup d¹autres par les éléments criminels chargés de détruire les efforts de la population. Notre chagrin fut grand, mais grande aussi notre fierté que ces quelques années de sa vie aient été consacrées à aider les plus pauvres à se mettre debout.
Il nous écrivait que la désinformation est une arme redoutable et nous encourageait à la combattre. Actuellement cette désinformation est toujours la plaie de notre société, et concernant l¹Amérique Latine, je rédige chaque mois, pour les adhérents d¹une association de solidarité, plusieurs pages d¹information traduites des agences latino-américaines, afin d¹apporter d¹autres éléments à nos lecteurs.
J¹ai eu également la joie de traduire, en 2008 et 2009, l¹Agenda latino-américain aux réflexions profondes, coordonné par le théologien José María Vigil avec Dom Pedro Casaldáliga.
Excusez ce long préambule qui n¹a pour but que de vous expliquer mon intérêt pour l¹Amérique Latine, et l¹Amérique Centrale en particulier.
L¹objet de ma lettre est de vous dire ma préoccupation au sujet de votre projet de conférence.
Le Honduras est un petit pays à coup sûr mal connu par la majorité de nos concitoyens, qu¹ils soient croyants ou non. Il est donc aisé de leur apporter une information tendancieuse, de leur dissimuler certains faits.
Le Cardinal Maradiaga est-il vraiment la personne la plus indiquée pour présenter les défis de l¹Amérique Latine ? Les nombreux articles que j¹ai pu lire le présentent comme proche du pouvoir hondurien actuel, il appuie un pouvoir usurpé.
Proche également de l¹oligarchie, qui exploite les pauvres, au lieu de partager les richesses. Quand il est mal accueilli par la population qui lui reproche sa prise de position en faveur des puissants qui violent la démocratie, au lieu de dialoguer il fait appel à la police. ( Qu¹en penserait Jésus ? ?)
Le Cardinal Maradiaga ne soutient nullement le peuple en résistance, ce peuple courageux qui ne craint pas d¹affronter les risques pour affirmer son attachement à une vraie démocratie.
Je ne veux pas multiplier les exemples mais je crains que votre invité ne donne aux croyants qui l¹écouteront une fausse idée de ce qui se passe réellement au Honduras actuellement.
Que cherche-t-on en l¹invitant ? A faire oublier que l¹an dernier sa visite à l¹Institut Catholique fut annulée ?
Si l¹Eglise catholique veut retrouver une crédibilité qu¹elle a perdue pour de nombreuses raisons, elle est mieux inspirée, comme le fait le CCFD par exemple, quand elle invite des gens du peuple pour parler de leur vie quotidienne, de leurs difficultés, de leur sens du partage.
Espérant vous avoir apporté quelques éléments de réflexion, je vous prie d¹agréer, Monseigneur, mes respectueuses salutations.
Bernadette Fieux