Jean Fugeray n'était pas retourné au Brésil depuis dix ans.
"Je savais combien est magnifique l’accueil des Brésiliens. (…) L’Eglise bouge. J’ai vu beaucoup de prêtres jeunes. A Noël j’ai concélébré avec un jeune prêtre récemment ordonné originaire comme trois autres d’un quartier dont j’étais responsable. Je n’ai pas eu le temps d’analyser la vie de l’Eglise dans le diocèse, mais le souci de la vie des gens demeure au coeur de beaucoup de chrétiens affrontés comme nous à des transformations énormes de la société
(…) En dix ans, cette région du Brésil où j’ai vécu a connu comme l’ensemble du pays un développement considérable. Il est vrai que l’Etat de l’Espirito Santo, à cinq cents km au nord de Rio est un Etat riche. La ville de Vitoria est le terminal d’un des plus grands ports minéraliers du monde. (…) Une sidérurgie est accolée au port. On a découvert des gisements importants de gaz et de pétrole. Les plantations d’eucalyptus ont permis une industrie florissante de pâte à papier ; la canne à sucre, de l’alcool pour les voitures. Ce qui frappe c’est la nette amélioration des infrastructures : grandes artères en ville, rues goudronnées dans les quartiers, même dans les quartiers populaires où dominaient jadis les rues de terre ou, au mieux, de pavés. Je sortais de France à l’heure de Copenhague. En voyant le nombre considérable de voitures je me suis dit que si la Chine et l’Inde en faisaient autant, la planète serait irrespirable sous peu. Et le Brésil n’a que 190 millions d’habitants. Bien sûr, avec Internet, le téléphone mobile, la société de consommation est envahissante.
Autre choc, le paysage a changé. Jadis Vitoria avec ses îlots était un coin magique. En dix ans le bord de mer où se trouvaient quelques gratte-ciel en est rempli de centaines à touche-touche, de quinze à vingt étages, le loyer d’un appartement dépassant là quatre fois au moins le salaire minimum. Ce sont des foules partout. Le salaire minimum est à 510 réals, le litre de gazole à 1,99, celui d’essence à 2,10. D'où le contraste énorme entre cette nouvelle classe moyenne et la population des travailleurs en bas de l’échelle… Les travailleurs un peu spécialisés sont un peu mieux lotis… Mais il y a toujours cet immense petit peuple qui souffre, peine dans les transports collectifs bien organisés mais longs, se nourrit comme il peut, travaille avec courage mais s’entasse dans les quartiers périphériques toujours plus loin. Et cherche à survivre. On m’a dit plusieurs fois qu’un des grands problèmes chez les jeunes était la prostitution et la drogue. Dans une rencontre faite avec les ouvriers de la pastorale ouvrière il a tout de suite été question des conditions de travail, du chômage dû à la multiplication des entreprises intérimaires .Les syndicats, a-t-on dit, ne sont guère branchés avec cette immense foule d’ouvriers et se politisent. (…)"
A un autre moment, Jean dit : "Il faut absolument soutenir les Brésiliens. On ne peut pas les laisser seuls affronter ces assassins."…
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