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9 décembre 2020 3 09 /12 /décembre /2020 15:52
Les Echos de Vitória n°95 : sur les pas de Gaby au Brésil

Ça y est ! Le N° 95 des EV est disponible !

44 pages pour vous partager 24 jours passés au Brésil et tout particulièrement dans le Grand Vitória, sur les pas de Gaby, assassiné 30 ans auparavant.

 

Il est téléchargeable au format PDF sur le site du diocèse de Saint-Claude en France.

Un clic ici !

 

Et si vous voulez recevoir la version papier, merci d’en faire la demande en participant aux frais : 7€50 port compris.

 

Vous pouvez dès à présent réserver le 2ème livret qui relatera les commémorations en France, avec plus de témoignages des Brésiliens. (parution au printemps 2021)

 

Les amis de Gabriel Maire

8 Clos Jules Grévy

39380 Mont-sous-Vaudrey

amisgaby@yahoo.fr

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13 mars 2020 5 13 /03 /mars /2020 13:00
Brésil, ce pays de cœur, ce pays d’adoption

Partie de France en juillet 2018 pour aller à la rencontre de "Jardiniers de la Paix" dans différents pays du monde, Rachel Lamy a fait une escale en France pendant l'été 2019, avant de terminer son périple au Brésil et plus précisément à Vitória pour le 30ème anniversaire de l'assassinat de Gabriel Maire. Elle a rencontré notamment beaucoup de personnes qui luttent pour que les enfants, les adolescents, les jeunes trouvent une autre alternative à la violence qui est leur quotidien.

Elle témoigne au nom de ces jardiniers de paix, dans son blog : "Citoyens du Monde, Jardiniers de Paix".

Nous vous invitons à découvrir André, Geovane, Fernando, Lia, Moacir, Lula, Meyrieli, Joselio, Vinicius... en cliquant sur ce lien. 

Voici l'introduction de son message :

 

Brésil, ce pays de cœur, ce pays d’adoption

Après ma grande escale en France cet été, je suis repartie en octobre au Brésil, ce pays que j’affectionne tant.

J’aime l’énergie de ce peuple, leur positivisme, leur résilience, leur légèreté et à la fois leur sérieux. J’aime leur manière de toujours transformer le difficile en une pensée remplie d’espoir. Leur manière de ne pas tout critiquer mais au contraire de valoriser ce qui se fait et ce qui est possible. Leur manière de célébrer et de reconnaître ce qui est beau.

Pourtant, comme pour tout pays, tout lieu, toute personne, il y a aussi tous les défis et les contrastes. Là-bas, dans un contexte politique particulier, j’ai pu rencontrer des hommes et des femmes, qui agissent à leur échelle, avec tout leur cœur, pour plus d’Humanité : respect des droits de l’Homme, lutte contre les discriminations et les préjugés, lutte pour plus de justice et d’égalité,…

 

Vitória

Je suis retournée à Vitoria, là où se trouve « ma famille de cœur » depuis enfant. Vitória fait partie de l’état de l’Espirito Santo.

Le cœur de la ville est très développé économiquement. Mais dans la « périphérie » et les villes avoisinantes, beaucoup de pauvreté et de misère sociale demeurent. La drogue est très présente et des règlements de compte ont lieu fréquemment entre différents gangs, ainsi que des affrontements avec la police, laissant au sol, sans vie, de nombreux adolescents qui ne percevaient aucun avenir.

Pourquoi en est-on là ? C’est un peu comme l’histoire de l’œuf et de la poule. Est-ce que c’est parce que ces jeunes sont investis dans ces trafics de drogue qu’aucun avenir ne leur est donné et qu’ils sont stigmatisés ? Ou est-ce parce qu’ils n’ont aucun avenir et sont stigmatisés qu’ils ne voient comme seule issue les trafics de drogues ?

Grande question. Le plus important, pour les personnes que j’ai rencontrées, c’est d’agir, pour tenter de modifier ce cercle infernal. En voici quelques exemples :

 

La suite en cliquant ici

Brésil, ce pays de cœur, ce pays d’adoption

Elle poursuit :

Commémorations des 30 ans de la mort de Gabriel Maire

 

Ce voyage s’est terminé en apothéose avec les commémorations de celui qui m’a énormément marquée et inspirée depuis enfant : Gabriel Maire. 

Gaby était un ami de la famille. Il est parti travailler dans les années 80 au Brésil, en pleine dictature. Il s’est engagé auprès des plus pauvres pour les accompagner à prendre conscience de leurs droits et lutter pour les défendre. Il a beaucoup dérangé, et s’est fait assassiné le 23 décembre 1989. Un groupe du Jura est venu au Brésil pour les commémorations des 30 ans de sa mort.

Lors de ces trois semaines, nous avons rencontré de multiples personnes qui ont connu Gaby et qui ont été marquées à vie par lui. Ce temps a été très fort…

Terminer mon voyage en voyant ce qu’un « jardinier de la paix » continue de produire comme fruits 30 ans après sa mort, cela me pousse à croire que chaque graine plantée est précieuse…

Et que chacun, à notre échelle, nous pouvons en semer…

Rachel Lamy

Brésil, ce pays de cœur, ce pays d’adoption
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12 mars 2020 4 12 /03 /mars /2020 13:01
Photos François Phliponeau exceptée la photo des séminaristes en vélo. Gaby est au centre, le plus petit de tous, il porte des lunettes.

Photos François Phliponeau exceptée la photo des séminaristes en vélo. Gaby est au centre, le plus petit de tous, il porte des lunettes.

Vitoria, 23 décembre 2019

 

« VERITE ET JUSTICE QUOIQU’IL EN COÛTE »

(Gaby Maire De Port-Lesney

citant Pierre Chaillet de Scey en Varais,

fondateur de Témoignage Chrétien)

 

Nous arrivons à l’endroit où la fresque réalisée par le peintre Luiz Quintanilha immortalise cette station du chemin de croix de Gaby. Ceux qui venaient de te tuer pour 30 pièces d’argent ont essayé de cacher la vérité, de la dissimuler.

 

Monsieur  Ewerton que nous sommes allés visiter ce matin au cimetière São Pedro, a tout fait, pensé, écrit, pour que la vérité soit bien découverte. La lutte fut intense au Brésil et en France afin que l’on sache, et en sorte que la vérité ressurgisse de là où elle a été enfouie et dissimulée.

La veillée de ce soir 23 Décembre se veut révélatrice et signifiante, que ta vie, Gaby, celle-là que tu as appris à recevoir et à donner, est plus forte que la mort.

La force d’aimer et d’être vrai, que nous avons toujours vue habiter en toi et dans tes comportements, ne pourra pas être effacée par la détermination assassine et odieuse de te faire mourir et disparaitre.

Tu avais dit :   « que tu préférais une mort qui mène à la vie, plutôt qu’une vie qui mène à la mort » tu avais dit encore : «  je préfère mourir debout que vivre à genoux ».

Luiz, le réalisateur de la fresque est là. Il est en train de jouer de la flute au moment où nous arrivons, et nous nous retrouvons avec les membres des associations.

 

 

 

Il y a aussi beaucoup d’autres personnes que nous voyons pour la première fois.

C’est Raquel qui joue de la guitare, tout le monde chante. Je tends tout mon être qui est très fragile, afin de correspondre au souffle et à l’enthousiasme que tous ces amis de Gaby sont en train de nous communiquer.

Je me demande où Joana et Raquel vont chercher ce qu’elles nous donnent. A notre tour nous aurons à faire sortir de nous-mêmes ce qui nous habite et nous relie. Je pense aussi à tous ceux qui vont nous demander compte de notre voyage. Je sens combien notre présence à cet acte de reconnaissance est importante. C’est exprimer à nos amis qui ont découvert la « pédagogie des opprimés » grâce à Gaby, que nous sommes avec eux pour lutter contre l’impunité.

Nous sommes venus avec vous, aussi parce que, à la ressemblance de Gaby, nous avons tant à apprendre de vous.

Dans cette intense moment de communion avec toi Gaby, avec toi, ami Jésus, avec vous tous les résistants à la violence et à l’oppression, nous sommes venus pour être témoins.

Nous nous voulons être aussi artisans de cette résistance au cœur de cette nuit, à deux pas du regard lumineux de Gaby, Marielle, Alexandre, Paulo, et Sœur Cleusa.

 

Une femme très fragile est en train de s’écrouler. Dans l’immédiat de cette découverte, Rachel s’approche de cette femme avec délicatesse et respect. Toutes deux  s’assoient sur les marches du petit escalier qui est en dessous de nous.

Toutes proches l’une de l’autre, au travers de la force de la musique et des chants, elles trouveront moyen de se parler, de s’écouter, à tel point que, quand Joana nous appellera à danser la libération de la mort que Gaby expérimente, de même, cette femme se lèvera ainsi que Rachel, elles se mettront à danser en disant et en écoutant : « Padre Gabriel a baptisé mes enfants »

Jovanir m’a invité à exprimer en communion avec le groupe des français : « comment tu as été témoin durant ton enfance et ton adolescence avec Gaby, que Gaby transformait les relations humaines et apportait du nouveau dans les rencontres. »

 

Je m’approche tout près de la fresque, je dis :

C’est une grande chance pour moi d’avoir été enfant et adolescent avec Gaby,  je ne garde pas cette joie pour moi tout seul.

Déjà, quand nous étions enfants, Gaby ne nous laissait pas comme il nous avait  trouvés, lorsque la rencontre avait commencé.

C’était déjà un garçon  qui continuait et cher

chait à terminer ce qu’il avait commencé, Gaby était très exigeant.

Devant une injustice, il ne supportait pas que nous soyons indifférents à ce qui éprouvait les autres. Quand quelqu’un ne comprenait pas le cours expliqué par le professeur, lui Gaby, qui avait compris, prenait le temps d’expliquer à celui qui ne savait pas.

Quand quelqu’un n’avait pas beaucoup à manger pour goûter, et que d’autres avaient abondamment, il faisait établir la justice et l’égalité.

Parfois, il y avait des copains qui étaient humiliés par d’autres, Gaby ne supportait pas que quelqu’un soit abaissé.

Sur son appel, on arrêtait de se moquer, d’humilier, et de mettre plus bas que terre.

Ces faits créaient quelque chose de nouveau, de neuf, qui n’existait pas auparavant, c’est l’enthousiasme. Le souffle de Dieu, l’Esprit de Jésus se répandaient dans la Communauté.

Ceux qui avaient donné de leur temps, de leur savoir, de leur avoir, étaient heureux de créer quelque chose de nouveau.

Ceux qui avaient reçu des autres ressentaient qu’ils avaient du prix à leurs yeux. Ils étaient reconnus dans la dignité de leur personne. Avec de l’avoir, nous avions créé de l’être.

Une fois que nous sommes devenus prêtres à Dole dans le Jura, Gaby nous a aidés à découvrir que le respect de la vie et de l’amour entre les hommes et les femmes que nous sommes :

- Tu ne tueras pas

- Tu ne voleras pas

- Tu ne violeras pas

était un commandement, non seulement de personne à personne, mais aussi de classe sociale à classe sociale, d’état à état, de continent à continent.

Un jour nous apprenons que la France qui a fabriqué des Mirages porteurs de bombes, cherche à les vendre au Brésil.

Gaby, avec des amis, « Citoyens du Monde », avec les jeunes de la JOC  Internationale écrivent un tract pour empêcher la vente des avions de la France au Brésil. Gaby renvoie son livret militaire pour protester contre la fabrication, la possession, et  l’expérimentation de l’éclatement de la bombe nucléaire dans le Pacifique.

Ce qui est interdit entre les personnes l’est aussi entre les états, voilà comment je pense que Gaby transformait les relations humaines et apportait du nouveau dans les rencontres entre nous tous.

Je pense que nous avons beaucoup appris au séminaire. Mais c’est  lorsque nous avons été confrontés à la violence de la guerre en Algérie, alors que nos comportements étaient emprisonnés dans l’armée, que nous avons appris à résister, à entrer en objection de conscience.

C’est en Algérie que nous sommes nés à la non-violence.

Tout cela préparait Gaby à ne pas supporter les blessures faites aux petits et aux pauvres. En venant au Brésil, il se donne à fond, il choisit de se solidariser avec les exclus de la société, il s’engage dans : « l’option prioritaire des pauvres » du CELAM (Conseil Episcopal Latino-Américain de Medellin et Puebla)

Des gens détenteurs de pouvoir n’ont pas supporté, et ont commandité de faire taire Gaby en le tuant. C’est ici même que l’on retrouve son corps.

Voilà ce que j’ai essayé d’écrire avant la célébration-manifestation devant la fresque.

En même temps durant cette célébration devant la fresque, je m’adresserai aussi à Gaby pour lui exprimer qu’il continue de nous aider à nous engager avec lui et comme lui.

Vraiment, après avoir chanté Profeta Gabriel, nous aurons raison de dire intensément et fortement, Padre Gabriel … Présente !

Gaby, tu as traversé la mort, tu es vivant !

Lucien Converset dit Lulu

Soirée à Cobi de Cima, jour anniversaire de la mort du Padre Gabriel
Soirée à Cobi de Cima, jour anniversaire de la mort du Padre Gabriel
Soirée à Cobi de Cima, jour anniversaire de la mort du Padre Gabriel
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10 mars 2020 2 10 /03 /mars /2020 20:47

Vitória lundi 23 décembre 2019

 

« JE PREFERE UNE MORT QUI MENE A LA VIE,

QU’UNE VIE QUI MENE A LA MORT »

 (Padre Gabriel … Presente !)

 

Nous avions décidé de nous retrouver autour de la tombe de Monsieur Ewerton, le premier avocat de Gaby. Nous voilà arrivés au cimetière São Pedro où repose le corps de cet homme que j’ai eu la chance, la grâce, de connaitre il y a 20 ans. Nous attendons Carlita qui doit venir en accompagnant les 3 fils d’Ewerton. J’ai lu il y a quelques jours, lorsque nous étions chez Carlita, qu’Ewerton est reconnu dans les grands hommes de Vitória. Bernard qui a préparé cette rencontre avec Elisabeth et Carlita nous dit : « Je propose qu’on écoute le poème : « Envoie-nous des fous » (Clic ici). Ewerton a été une espèce de fou. Il fallait l’être pour s’engager dans le procès de Gaby comme il l’a fait. Il s’y est donné jusqu’à la fin, décidé à ne jamais trahir la vérité.

 

Bernard nous dit aussi que le pape François vient de faire hier une sorte de poème pour dire ses vœux de Noël au monde entier. Les vœux et souhaits du pape François nous arrivent au Brésil par l’attention de Bernard. François nous demande ainsi qu’à lui-même d’être le « Cadeau de Noël » pour les gens que nous rencontrons, « l’arbre illuminé », « la cloche de Noël annonciatrice ». François dit encore à chacun de nous et à lui-même : « Sois la lumière dans la nuit, sois l’étoile qui réussit à faire prendre un autre chemin, sois la carte de Noël envoyée jusque très loin, sois le repas de Noël qui nourrit celui qui a faim … » Il y a parmi nous, un autre François : notre ami photographe. Discrètement il prend en photo un homme qui dans la rue où nous sommes, accomplit un travail analogue à celui que Jeannot fait dans la ville de Lons-le-Saunier : prendre soin des rues et des trottoirs de la cité, pour que ça aille bien entre les gens qui y circulent. Cet homme a déjà sarclé beaucoup d’herbe, celles-là qui poussent entre les pavés de la chaussée. Il vient de s’arrêter. Il a trouvé sans doute que sa pioche ne coupait plus les racines des herbes comme il le fallait. Il a installé une petite enclume portative à même le sol, et le voilà en train de  « rechapeler » sa pioche avec une adresse étonnante, qui me rappelle celle de mon papa lorsqu’il rechapelait sa faux.

 

Nous entrons dans le cimetière, très bien entretenu comme le sont souvent les cimetières. Pourquoi ? Guidés par un agent de la ville à qui nous avons demandé où se trouvait la tombe de M. Ewerton, nous voici dans cet endroit où ses fils ont fait ramasser ce qui restait de son corps abimé par la mort. Nous pouvons lire sur la pierre :

Ewerton Montenegro GUIMARAES

06-04-1949    22-05-2002

 

Pendant que nous attendons la venue des 3 fils d’Ewerton, en mon cœur je dis le psaume 129. Arrivent les 3 fils d’Ewerton avec Carlita : André, Bruno, Claudio et trois de ses petits-enfants. Une profonde émotion nous travaille en nous retrouvant avec les enfants et petits-enfants de cet homme qui nous a tant donné pour que surgisse la vérité à propos de la mort de Gaby. Il me revient que Bruno et André sont venus en France il y a quelques années. Je les ai rencontrés chez Paul et Claudette Clemens. Nous nous reconnaissons. Ils conviennent avec nous que le poème proposé par Bernard soit exprimé : « Seigneur, donne-nous des fous ». Eux proposent aussi à notre méditation un texte tiré d’un livre écrit à propos d’un homme qui a beaucoup marqué la ville de Rio : « Gentileza » c’est un grand penseur. Il peignait ce qui lui traversait l’esprit, en grandes lettres, sur les murs de la ville de Rio, pour cela, il montait sur une échelle. Comme M. Ewerton, cet homme était un peu fou pour entreprendre d’exprimer aux gens de la cité les messages qu’il avait à donner à l’humanité.

Nous écoutons alors les enfants d’Ewerton. Ils ont tant de choses à nous dire à propos de leur père dans sa relation avec Padre Gabriel.

Bruno dit « La vie de Padre Gabriel a été semence de justice et de paix pour notre père. »

Claudio : « J’ai beaucoup admiré l’engagement de Padre Gabriel Maire pour un peuple qui n’était pas le sien. Son désir de paix nous fait voir sa volonté de changer l’inégalité qui est au Brésil. Notre père n’appartenait à aucune église. Padre Gabriel a changé notre père. Il a été tellement charmé par le travail de ce prêtre qu’il avait mis dans son bureau sa photo en grand. C’était une sorte d’affiche. Ça inspirait notre père. Il a fait son travail d’avocat mais aussi quelque chose de plus. »

André : «  Un jour, quelqu’un a dit à notre père : Avec ce que tu fais pour Padre Gabriel, ça signifie que tu crois en Dieu ? »

  • Non, je suis athée.
  • Comment une personne comme toi peut être athée !

Notre père est devenu croyant, il allait à la messe plus d’une fois par semaine. Il avait d’abord été journaliste. Il a lutté contre les Escadrons de la mort, puis il est devenu avocat. »

Afin que ce qui pousse chez vous, ça pousse chez nous !

Il me vient la pensée de ramasser un peu de terre qui est sur la tombe d’Ewerton. J’explique aux amis réunis en ce lieu que j’emporte un peu de cette terre qui recouvre le corps d’Ewerton, afin de la déposer sur le corps de Gaby, dans le cimetière de Port-Lesney. Je la ramasse et je la mets dans un petit sac.

Lucien : « Je déposerai cette terre sur la tombe de Gaby chez nous afin que ce qui pousse de vérité et de justice chez vous, ça pousse chez nous. »

A vous Ewerton, à vos enfants et petits-enfants, à vous tous gens de Cariacica, à vous Carlita, je dis : C’est beau comment tous ensemble vous avez étayé, charpenté, construit notre humanité. Un grand désir et une volonté ardente habite en nous : c’est que nous fassions pareil. »

Quelle profusion de vie et d’amour a jailli de l’endroit où est tombé et repose ce qui reste à nos yeux de l’être d’Ewerton, avocat de Gaby.

 

Lucien Converset dit Lulu

Ces 2 Photos :  F. Phliponeau
Ces 2 Photos :  F. Phliponeau

Ces 2 Photos : F. Phliponeau

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9 mars 2020 1 09 /03 /mars /2020 22:03

Il est bien difficile de tout dire sur le voyage fait au Brésil pour la commémoration du martyr de Gabriel Maire. Il y aurait tellement de richesses à partager. Le 5 décembre 2019, nous partons cinq français pour rejoindre une autre française déjà présente au Brésil depuis quelques mois. Merci à Bernard Colombe, prêtre à Lyon qui a vécu quelques années au Brésil, accueilli Gabriel à son arrivée au Brésil et vécu proche de lui de 1980 à 1982. Il fut pour nous un guide précieux qui nous a permis quantité de rencontres avec des témoins de la vie de Gaby au Brésil.

 

Deux dimensions ont marqué ce voyage : tout d’abord la rencontre de témoins qui vivent encore de manière très simple dans une diversité d’engagements ce qu’ils ont vécu avec Gaby. Ils nous ont donné de découvrir ce que Gaby vivait avec eux. Il partageait avec eux la vie quotidienne, dans les mêmes conditions de vie qu’eux. Et puis différents moments du séjour ont été marqués par des célébrations du souvenir de Gaby.

 

La rencontre des témoins de Gaby : qui était-il ?

La principale préoccupation pastorale de Gaby, c’était les communautés ecclésiales de Base, les Ceb’s. Pour Gaby la paroisse n’était pas le lieu central qui décide de tout. Gaby écoutait ce que disaient les communautés, intervenait pour des formations, mais surtout invitait à faire partie de groupes de jeunes, de travailleurs/ses, de femmes. Avec les différentes Ceb’s, il se trouvait au cœur des luttes pour réclamer une baisse du prix sur les transports en commun, un meilleur état des rues dans les quartiers, de meilleurs salaires, le respect des droits, des élections plus claires… Il avait lancé une enquête sur les enfants exceptionnels (c’est ainsi qu’on appelle souvent en Amérique latine les enfants handicapés) : une institution a vu le jour au temps de Gaby et elle est aujourd’hui la 3° institution la plus importante du pays pour accueillir des enfants exceptionnels ; et quelle émotion de voir les plus anciens d’entre eux animer une soirée en hommage à Gaby à la Municipalité de Cariacica.

 

Quelle surprise de rencontrer dans la rue, le siège de association des habitants d’un quartier qui s’appelle tout simplement : « Association des Habitants Gabriel Maire ».  Et les gens racontent comment ils s’organisaient pour occuper des terrains et obtenir les services publics : c’était une période de fort exode rural et les municipalités avaient beaucoup de difficultés à organiser des lotissements surtout que les propriétaires ne voulaient pas lâcher un pouce de terrain. 

Gaby s’est également beaucoup engagé dans le groupe Foi et Politique : il veillait à organiser et à coordonner des petits groupes pour faire avancer le bien commun sans corruption et éliminer les votes achetés.  Il était préoccupé de la culture des habitants.

 

Avec les Ceb’s, il avait poussé à la mise en place du ‘jour C’ ! Le ‘jour C’ c’était la fête des Ceb’s mais aussi la fête de tous, avec le Carnaval, la mise en valeur de la Conscientisation, de la Culture, du ‘Companheirismo’ (le fait d’être Copain), de la Créativité, de la Communauté. 

 

Il y avait aussi un mouvement « Paix et Démocratie » à Cariacica. C’était une coordination entre prêtres et pasteurs engagés dans les luttes du peuple, ou dans des actions de solidarité des différentes Eglises.  Et en plus Gaby trouvait le temps de participer à la rédaction hebdomadaire d’un feuillet liturgique diocésain pour les Ceb’s, de ‘Ferramenta’, bulletin d’information pour les travailleurs.

De plus, il enseignait la Théologie pastorale au Séminaire et était, à la demande de l’évêque, le principal célébrant de la messe dominicale depuis les studios de la télévision.

 

Les célébrations de la mémoire 

Si les gens des quartiers font mémoire de Gaby, les institutions publiques ne l’oublient pas non plus. Depuis quelques années, une ‘comenda’ à la Municipalité de Cariacica a lieu maintenant en hommage à Gaby à une date proche de l’anniversaire de la déclaration des Droits de l’homme (10 décembre). Une ‘comenda’ est une récompense, et ici à Cariacica, c’est une remise de diplôme pour des actions en faveur des droits de l’homme ou pour la défense de la vie. La commune de Cariacica organise cette soirée début décembre et cette manifestation est animée par un groupe musical d’adultes formé par des adultes handicapés. Etonnant encore la croix de Taizé en bois remise à tous les participants de cette soirée : souvenir de cette ‘comenda’ avec la même croix de Taizé que Gaby portait habituellement et que le sang avait collé sur lui après l’assassinat.

Même soirée de remise de médailles et diplômes lors d’une session extraordinaire de l’Assemblé Législative de l’Etat de Vitória en hommage à Gabriel Maire. De beaux témoignages sur Gaby par des gens engagés dans la politique mais aussi des services à la population ou comme bénévoles dans les associations et qui parlent de leur engagement, de leur foi ou de la flamme trouvée chez Gaby pour donner sens à leur vie. 

Un autre moment intense a été la rencontre avec l’évêque de Vitoria. Il nous a reçu à l’évêché, nous a dit qu’il avait confié à la pastorale des jeunes de recueillir des témoignages sur Gaby afin de voir la possibilité d’engager une cause de béatification, et nous avons célébré avec lui à la cathédrale le dimanche avant Noël. La messe du dimanche à la cathédrale a lieu très tôt parce qu’il fait chaud mais ce jour-là une autre messe avait été ajoutée pour faire mémoire de Gaby. Ce n’était pas pour faire bande à part mais l’heure plus tardive permettait aux gens des quartiers périphériques (où vivaient Gaby) de pouvoir venir à la cathédrale plus facilement. Les temps de parcours en ville sont toujours assez longs…

 

Les moments les plus intenses ont été les trois jours de mémoire de l’assassinat du 23 décembre 1989 : le 21, à Castelo Branco, le lieu où Gaby a célébré pour la dernière fois, le 22 l’endroit où sa voiture a été interceptée et où il a été assassiné, et 23 décembre à l’endroit où Gaby agonisant a été retrouvé dans sa voiture.  Le 21, à Castelo Branco pour la dernière célébration (c’était un mariage), Gaby avait demandé un chant ; où Jésus dit « C’est mon dernier repas, je vais vous quitter ». Et la responsable des chants lui fait remarquer que ce n’est pas adapté pour un mariage, ni pour le temps de l’avent. Et pourtant Gaby demande qu’on prenne ce chant. Prémonition ? Chacun reste avec la question.

Le 22, sur le terrain vague en bordure de la route où sa voiture a été déviée, c’est là que Gaby a été assassiné. La mort de Gaby est rappelée parmi d’autres martyrs (Gaby est toujours rappelé avec d’autres martyrs – il a donné sa vie comme bien d’autres). 

Le 23, à Cobi de Cima où sa voiture a été retrouvée. Le véhicule a été abandonné là pour faire croire à un crime crapuleux. Dernière célébration des trois jours de mémoire.

Toutes ces célébrations ont rappelé la mort de Gaby, mais ont aussi laissé entrer en chacun une soif d’engagement, une dimension de résurrection. C’est bien toi Gaby qui nous redisait avec tant d’autres : « Je préfère mourir pour la vie que vivre pour la mort. Grâce à l’accueil des amis brésiliens, nous avons marché sur les pas de Gaby au Brésil et le 31 décembre, 2 jours après notre retour, c’était à nous d’accueillir un groupe de Brésiliens. Ils venaient marcher sur les pas de Gaby en France, et bien souvent redire ensemble  « Padre Gabriel presente ! » et chanter ensemble :

"Ils ont fait taire un prophète. Un frère encore est tombé.

Ton cap nous le maintenons : éclosion d'un monde nouveau

Ton rêve Gaby ne meurt pas Le Royaume avec nous se construit. "

 

Jean-Marie Bouhans

Merci à François Phliponeau pour les photos

Cet article a été publié sur le site de la Mission Universelle de l'Eglise Catholique.

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8 mars 2020 7 08 /03 /mars /2020 22:22

Vitoria, dimanche 22 décembre 2019

 

« EN SANG SEMENçANT »

 

Messe à 10 heures à la Cathédrale.

 

Tu as du venir en ce lieu de temps en temps cher Gaby. Nous avons reconnu en ce jour et nous l’avons chanté que ton sang versé sur le terrain où tu as été tué, l’a été comme celui de notre ami Jésus.  Non pas usurpé et capturé, mais donné, versé dans la terre pour que de cette terre pousse une sacrée espérance de vie. C’est ce que nous signifions le soir, sur le terrain en nous donnant la main les uns aux autres.

 

« Ton sang, profeta Gabriel, est semence de vie »

Parole de Tertulien. Parole de Helder Salomão. Parole que nous nous sommes donnée les uns aux autres ce soir.

 

En plantant la croix de Jésus là où tu as versé ton sang Gaby, je t’ai demandé, je t’ai fait cette prière :   «Continue de m’apprendre à aimer, à me relier à fond à celles et ceux avec qui j’ai à être solidaire. Donne-moi le respect de me relier corps et âme sans capturer les autres, sans les attacher à moi, mais en cherchant à ce qu’ils réussissent eux aussi d’aimer comme tu as su aimer. Que nous soyons   « libérateurs les uns des autres parce que nous sommes alliés les uns aux autres. » (Psaume 143, 1 et 2)

 

Au retour de la veillée sur le terrain vague, pas si vague que ça, depuis que la terre, notre mère y a reçu et recueilli ton sang Gaby …

 

Je ne voyais pas, je ne reconnaissais pas beaucoup les gens que nous retrouvions. Mais je crois que l’essentiel je l’ai reçu. Pourquoi ? Parce qu’il nous était donné. Je ne voyais pas avec mes yeux ta vie donnée, ton sang versé coulant de ton cœur blessé par le révolver du jeune commandité. Mais je voyais au profond de moi que ce qui s’était passé pour toi Gaby, était à la ressemblance de ce qui s’était passé pour notre ami Jésus, son sang coulant du côté ouvert par la lance du soldat.

 

Je ne voyais pas avec mes yeux, je n’entendais pas beaucoup de paroles exprimées, mais dans mon cœur et ma conscience j’entendais ta parole Gaby, tellement ressemblante à celle de notre ami Jésus. Elle était de même veine ? En elle coulait le même sang, porteur d’appel à donner la vie, ma vie en aimant jusqu’au bout comme tu as fait Gaby, faisant comme ce qu’a fait Jésus, faisant, accomplissant comme tant de témoins-artisans l’ont fait par après.

Lucien Converset dit Lulu

 

« Ton sang, profeta Gabriel, est semence de vie » photos de François Phliponeau.
« Ton sang, profeta Gabriel, est semence de vie » photos de François Phliponeau.

« Ton sang, profeta Gabriel, est semence de vie » photos de François Phliponeau.

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5 mars 2020 4 05 /03 /mars /2020 13:53

Vitoria-Flexal, le mercredi 18 décembre 2019

 

COMMENT TU AS FAIT GABY, POUR SAVOIR QUE JESUS ETAIT LA-DEDANS ?

 

Aujourd’hui nous sommes prêts à partir marcher là où Gaby a marché et tracé, aux abords du marais en plein FLEXAL. Ce territoire porte ce nom parce qu’il y a très longtemps il y avait là une forêt de bambous. C’était un endroit où vivaient des Indiens. Avec ces bambous, ils faisaient leurs arcs et leurs flèches : Fléchas.

 

Nous partons rencontrer des gens avec qui Gaby a vécu. J’ai envie de lui dire dans notre prière de contemplation et d’émerveillement : « Comment tu as fait, pour savoir que Jésus était là-dedans ? » Et je l’entends qui me répond : « Partout où il y a des gens qui sont solidaires et qui s’aiment, Jésus est là-dedans. » Et nous allons en rencontrer des gens qui s’aiment et qui sont solidaires les uns des autres ! Comme Gaby, ils continuent de donner leurs vies pour ceux qu’ils aiment. François, notre ami photographe dit : « Là où il y a un chemin, il y a une volonté. »

Nous quittons la maison de Penha et Gelso vers 8h45. C’est Ailton qui nous accompagne. Si j’ai bien compris, cet homme est responsable dans la communauté ecclésiale, et il a à dessein de se présenter aux prochaines élections municipales.

 

JUSQU’A AUJOURD’HUI, PADRE GABRIEL N’EST PAS MORT. IL EST VIVANT AVEC NOUS.

Aiton nous emmène chez une femme, où il faut passer par un tout petit jardin planté de rosiers blancs. Cette femme s’appelle Dona Laura. Elle nous raconte qu’elle est une des premières habitantes de ce coin de terre. Après avoir bâti leur petite maison, avec quelques membres de leur famille et des voisins, ils ont voulu bâtir un petit habitacle pour s’y rassembler et prier. D’emblée, elle nous dit que Gaby avait donné à cette petite maison en planches, le nom d’un homme qui avait été tué en raison de ses engagements sociaux : Santo Dias. Cette femme, Dona Laura, est très peinée, parce qu’aujourd’hui les responsables de la communauté ont arrêté d’appeler ainsi leur église. Ils lui ont donné le nom de : « Eglise du Christ-Roi ». Pendant que Dona Laura nous raconte cela, arrive Isabela, chez qui on descendra tout à l’heure.

 

 

Dona Laura continue en nous disant : « Vous êtes les amis du prêtre que je considérais comme mon papa. » Dans ce quartier, quand nous avons commencé d’y habiter, il n’y avait pas l’eau, ni l’électricité, ni les bus pour aller au travail. Il y avait à peu près 3 ans que l’on habitait là, j’ai dit un jour à quelques voisins : «  Il n’y a pas non plus d’église ici, il faut qu’on trouve des planches pour faire un abri. C’est ce qu’on a fait. C’était sur la terre battue. C’est à ce moment-là que Padre Gabriel est venu nous voir. On était heureux qu’il vienne nous voir. Il a dit : « On va donner un nom. » Il a proposé Santo Dias « parce que cet homme avait été tué à cause de ses engagements. Quand Padre Gabriel a été tué, on a enlevé notre Padre Gabriel, mais pas de notre cœur. Tout le monde a été dans la peine. »

 

 

Quand on a commencé de bâtir l'église, j’étais aide-ménagère chez des gens riches. Nous étions pauvres comme Job dont on parle dans la bible. Mais Padre Gabriel était notre père, j’étais seule avec 5 fils. Mais Dieu, avec l’Esprit-Saint nous a aidé tous les jours jusqu’à maintenant. Padre Gabriel reste en nous. Jusqu’à aujourd’hui Padre Gabriel n’est pas mort, il est vivant avec nous.

 

  « C’EST JESUS QUI EST NOTRE SECURITE »

Les nouveaux responsables de la communauté ont voulu donner un nouveau nom à cette église. Ils l’appellent : « Christ-Roi » pour moi elle dit : « C’est toujours Santo Dias » D’ailleurs, la rue porte le nom de cet homme. Je suis la dernière de l’époque à rester ici. Je prie Dieu pour que le Brésil puisse continuer longtemps… Aujourd’hui, c’est la guerre. Il y a beaucoup de violences. Les gens s’enferment chez eux. J’ai peur. C’est Jésus qui est notre sécurité.»

François notre ami photographe propose que ce témoignage soit écrit, comme d’autres et qu’il soit mis dans le dossier pour la béatification de Gaby. Il explique que l’on a rencontré l’évêque de Vitoria, Don Dario… Dona Laura dit : «  Ce que je sais, je le dirai »

Elisabeth offre à cette femme la croix de Taizé que Gaby portait sur lui et qu’il avait offerte à beaucoup de gens lors de ses retours de congé en France.

 

GABY N’A-T-IL PAS ETE « PEDAGOGUE DES OPPRIMES » ? ! (Paolo Freire)

Nous entrons dans la petite église qui est en face de la maison de Dona Laura. Je repense, en écoutant ce que cette femme vient de nous dire, à ce que les gens des Minerais dans mon village de Dampierre dans le Jura, avaient fait avec Marcel Blondeau leur curé en 1957. Sa pédagogie, sa façon de vivre avec les gens était très ressemblante à celle de Gaby qui était son ami. Les gens du hameau des Minerais et Marcel avaient réalisé ensemble une petite chapelle dont il ne reste rien hélas aujourd’hui. Il me revient aussi ce que Jésus avait dit à François d’Assise : « François, répare mon Eglise »

Puis, les gens qui sont arrivés au moment où nous sommes entrés dans l'église se mettent à chanter. Nous nous présentons les uns aux autres. J’ai l’impression que nous sommes en train de célébrer ce que nous venons d’entendre raconter par Dona Laura et ce que nous allons voir encore et reconnaitre de la « pédagogie des opprimés. » Gaby et tant d’autres ont su inventer, réaliser et susciter un nombre incroyable de « communautés ecclésiales de base » dans le sillage de Medellin et Puebla. Nous sommes en pleine « théologie de la libération ». Je suis venu chercher les traces de cette théologie et je me trouve devant la même constatation quand je cherche ce qu’il reste de ce que nous vivions en équipe JOC, ACE, ACO. Des hommes et des femmes qui vivent en conformité avec l’évangile de Jésus et qui ont grandes difficultés à continuer de trouver la communauté où coule la source qui nous a tant alimentés dans nos luttes : ta présence aimante Ami Jésus. Je crois que tu continues d’être là au milieu de nous. Il y a une même pédagogie à inventer aujourd’hui pour que nous trouvions le souffle qui nous permette de nous libérer de ce qui nous opprime. Nous sommes dans une société de consommation qui nous enferme et nous broie. Elle nous casse les uns des autres. Elle nous enfouit et nous annihile. Elle empêche de faire germer, pousser et porter du fruit. Comment ensemencer et planter tout cela ? Comment le chanter aussi ? Nos amis brésiliens entonnent alors un chant que Gaby aimait beaucoup :

 

« Vient un jour nouveau où il n’y aura plus ni esclave ni homme libre, ni femme, ni homme… »

Et quelqu’un dit : «  On chantait ce chant à toutes les messes avec Padre Gabriel… »

« … Le noir ne sera plus prisonnier, l’indien ne sera plus méprisé et spolié de sa terre, le blanc …

tous nous mangerons au même plat

la femme aura des droits

aux décisions elle pourra participer

ce n’est que quand nous serons réunis comme nous l’étions à Jérusalem,

que l’Esprit-Saint sera avec nous. »

 

Au moment où nous allons dire au revoir à ces gens qui viennent de nous aider à chanter notre libération, la leur et la nôtre, celle de toute la terre, Dona Laura sort de chez elle et vient à notre rencontre. Elle a plein de roses sur les bras et nous en donne une à chacun, une belle rose blanche sur sa tige, auréolée de feuilles vertes. En nous les offrant, elle nous raconte ce que Gaby lui avait dit un jour : « Dona Laura, fais un jardin dans la terre devant chez toi. Plante dedans des roses blanches. Un jour, tu pourras offrir des roses à des gens que tu n’avais encore jamais rencontrés… » Parole prophétique de Gaby une fois encore. Qu’en ferons-nous ? Quand ferons-nous de même ?

 

 

 

 

QU’EST-CE QUE NOUS EN AVONS APPRIS DES CHOSES AVEC PADRE GABRIEL !

Et nous voici chez Isabelle et son père Serge, dans leur maison. Nous demandons à Serge : «  Quels sont vos souvenirs avec Gaby ? »

Serge : Padre Gabriel nous a appris à nous rassembler et à savoir comment aller vers les autres. Il a célébré notre mariage ma femme et moi. Son objectif et le nôtre, c’était d’apporter la paix à Cariacica.

Les politiciens ne nous regardaient pas avec importance.

Ailton, qui a été cité par Gaby dans les « Echos de Vitoria » prend beaucoup la parole chez les gens chez qui il nous conduit. Cependant il nous aide à rencontrer des gens qui vivent vraiment en grande précarité. Ces gens que nous rencontrons ont appris à lutter grâce à Gaby, pour sortir de ce qui les opprimait. Comment se continue cette lutte ? Car l’oppression est toujours là. Dans nos cœurs, nous voudrions bien qu’Ailton se présente dans ces visites que nous réalisons, non comme un leader mais comme celui qui aide les gens qui l’éliront, à se sortir d’où ils sont enfoncés par Bolsonaro le nouveau président de la république.

 

Serge continue à nous dire : « Padre Gabriel nous avait demandé d’écrire ce que nous vivions sur un cahier. » Les gens sourient en me regardant écrire sur mon cahier ce que Serge est en train de nous partager. Savaient-ils que leurs témoignages étaient souvent écrits par Gaby dans les échos de Vitoria qui nous parvenaient dans le Jura ?

Serge continue à raconter comment Gaby les a beaucoup accompagnés dans leur vie : « Il a célébré notre mariage et le baptême de notre fille Isabelle qui est là. Avec lui nous avons créé une école pour nos enfants… »

Isabelle : « Je suis coordinatrice de la communauté du Christ-Roi. Beaucoup de gens qui ont connu Gaby sont entrés dans des groupes évangéliques… »

La petite fille Espérance nous habite en remontant ce chemin qui a pour nom Santo Dias, que la pédagogie de Gaby, sa façon de vivre avec les opprimés, se maintienne.

 

AVEC PEU, ON PEUT TRANSFORMER BEAUCOUP DE CHOSES !

Nous voici chez Lia, une jeune avocate et journaliste, qui reste dans ce quartier et qui, avec des moyens simples, essaye de promouvoir le souffle culturel que des gens voudraient faire entrer dans leur vie.

Elle n’a pas connu Gaby mais sa façon de vivre lui ressemble beaucoup. Elle est avocate. Elle a fait le choix de rester dans son quartier pour être au service des plus démunis, afin de promouvoir dans sa cuisine des cours ménagers, dans son jardin une façon de cultiver, et dans ce qui lui reste de temps, des animations de cirque. « Nous n’avons de l’eau que la nuit » nous dit-elle. Elle est en partenariat avec l’école, pour la radio, la littérature, la cuisine, le cirque et la décoration. En ce qui concerne la radio, elle cherche à donner la voix et la parole aux personnes de la communauté, et à révéler l’image du quartier. Elle nous dit : «  Je ne viens pas de la pauvreté, je viens de la misère… J’avais 8 ans quand une voix m’a fait comprendre qu’il fallait que j’étudie beaucoup, afin de ne pas rester dans les difficultés familiales et sentimentales… agir pour que les enfants ne soient pas ce que j’ai été… qu’ils ne vivent pas ce que j’ai vécu… Notre population a doublé mais les structures : eau, égouts, électricité, n’ont pas été développés en conséquence de l’augmentation de la population… »

 

 

C’est avec une profonde émotion que nous nous disons au-revoir Lia et nous. Elle nous dit alors : «  Notre maison est encore plus bénie maintenant que vous êtes venus »

 

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1 mars 2020 7 01 /03 /mars /2020 21:38

áJeudi 12 décembre 2019 sur la route qui va d’Almaço-Nositio à Vitória

 

« C’ETAIT DANS LA NUIT BRUNE, SUR LE CLOCHER JAUNI, LA LUNE COMME UN POINT SUR UN I » (Paul Verlaine)

 

Nous revenons de la montagne Almaço-Nositio, nous nous sommes arrêtés à Santa-Tereza, la ville où est né Dárcio. Il y a très longtemps que nous connaissons Dárcio. Nous l’avons rencontré pour la première fois en France lorsque Gaby était revenu vivre quelques semaines dans sa famille en 1983. Comme Port-Lesney, le village natal de Gaby, le coin de la terre où est né Dárcio est, lui aussi, très beau : les oiseaux, les colibris, les serpents et les fleurs nous émerveillent dans le jardin botanique que nous sommes en train de traverser… Et nous voilà remontant dans notre minibus. Nous savons que nous descendons faire la fête chez Oscarina. Il y a grande joie en nos cœurs de vivre ces moments de fête mêlés aux temps culturels que nous offrent « les amis de Gaby ». Merveilleux partage entre Brésiliens et Français que nous sommes. L’ambiance est enjouée dans ce petit véhicule. Nous avons encore un bon moment de trajet à réaliser avant d’arriver chez Oscarina.

 

La nuit vient de tomber. Le chauffeur du minibus, Carlos, enclenche dans le poste de télé, une clef USB. Nous voyons et entendons des chanteuses et musiciens brésiliennes et brésiliens que connaissent nos amis. Ma voisine, Cleunice, chantonne de temps en temps l’une ou l’autre des chansons que les artistes sont en train de nous offrir. Et juste à ce moment-là la lune est en train de se lever à l’horizon sur notre gauche. Tout à coup, nous entendons de la bouche des amis brésiliens assis à côté de nous, une ovation : « Oh ! Nascer da Lua ! » et ils se mettent tous à chanter avec joie « A Lua nasceu tão linda... ! » . Je dis alors à Cleunice : « C’est une chanson que vous connaissez bien ?! » Et Cleunice me dit : « C’est Jovanir qui a écrit le texte de cette chanson ! »

 

La lune a illuminé plus encore notre voyage. De temps en temps, nous en apercevons un quartier, puis la voilà dans toute sa plénitude.  Et à nouveau la voilà qui se cache. Il me revient ce que racontait le Père Duval dans son livre : « L’enfant qui jouait avec la lune ». Cet astre a beaucoup joué dans le travail de libération de l’emprise impérialiste de l’alcool sur lui, le Père Duval et sur ses amis de l’association des AAA.

 

Je me dis en moi-même : Il te faut continuer à jouer avec la lune et écouter comment nos amis brésiliens ont déjà joué une partie de leur existence sous la vigilance et l’attraction de ce petit astre.

 

Je demande à Jovanir :

Lucien : Comment t’es venue l’inspiration d’écrire cette chanson sur la lune : Nascer da Lua ?

Jovanir : Il y a à peu près 8 ans, peut-être plus. Nous étions à une fête du groupe Congo sur la montagne du Mochuara. C’était au moment de la fête de la naissance de la pleine lune, que nous faisions chaque mois. Le meneur-leadeur de ce moment festif, peut-être à cause du clair de lune qu’il faisait à ce moment-là, et en raison de l’ambiance qui régnait entre nous, cet homme dit : « Pour la prochaine fête vous êtes tous invités à écrire un poème sur la naissance de la lune, sur la pleine lune … » Alors j’ai écrit Nascer da Lua, ce qui signifie : « Surgissement de la pleine lune ».

Paroles et musique sont nées ensemble. J'ai montré ma composition à Raquel et à d'autres amis; ils l'ont beaucoup aimé. A la rencontre qui suivit avec le groupe Congo, nous avons présenté la chanson. Elle a été adoptée. Elle s’est propagée et popularisée par le disque que Raquel a lancé quelques mois plus tard.

Lucien : Et voilà comment elle nous est offerte à nous ce soir, groupe français des Amis de Gabriel Maire, grâce à vous groupe brésilien, Amis du Padre Gabriel.

 

Dans le bus nous continuons à entre-mêler nos voix en prenant conscience dans cette évocation de l’influence de la lune sur la terre, qu’« on n’est jamais trop petits pour le dire aux grands ». C’est ce que nous chantions avec les enfants de l’ACE (Action Catholique des Enfants) lorsque nous étions les aumôniers de ce mouvement à Dole avec Gaby dans les années 1963-1969.

 

La lune continue de s’élever dans le ciel. Le lien entre Gaby et le Père Duval continue de se développer en mon cœur. La lune aura été vigilante sur l’un et l’autre, sur toutes celles et ceux qui se sont laissé interpeler par ces prophètes, afin de bâtir un monde où les petits et les enfants puissent trouver leur place au cœur de l’humanité. Il y a une question qui me travaille et parfois me hante : « Est-ce qu’aujourd’hui, ce soir, je suis au point voulu par la vie et par Dieu ? Est-ce qu’aujourd’hui, je me suis poussé, est-ce que je me suis déplacé pour faire de la place à ceux que je croise et qui n’ont pas encore trouvé la leur ? »

 

Nous ne tardons pas à arriver chez Oscarina. En grimpant l’escalier qui nous permet d’entrer à la chambre haute où elle va nous recevoir, une intense et forte musique, jouée et accompagnée à la guitare par Raquel nous convie à la fête. Oscarina est radieuse de nous accueillir chez elle. Ça se voit sur son visage. Beaucoup de gens arrivent. Parmi eux, une petite fille accompagnée par sa maman. Je dis à la petite fille :

Lucien : Quel est ton beau prénom ?

Joanna qui fait la médiatrice : « C’est Luna »

 

Nous la saluons, émerveillés que nous sommes. En effet, pendant que la lune continue son gravissement dans le ciel étoilé du Brésil, voici que nous est offerte l’apparition dans la casa d’Oscarina de son arrière-petite-fille, Luna. Elle est accompagnée par sa maman que Jean-Marie avant même que soit prononcé son nom, appelle : « Et vous, c’est le soleil ! » La maman de Luna s’appelle Thaïna. Et voici que son papa arrive, il s’appelle Rafael.

Nous rions tous aux éclats devant la multitude de ces correspondances.

 

J’ai été très touché de me laisser raconter et chanter par nos amis brésiliens Nascer da Lua, la naissance de la lune. Ça s’est mis à faire naitre en moi une plénitude d’approfondissements. J’ai continué de découvrir que ce petit astre influence et fait naitre de grandes choses dans le ventre de la terre. La lune y est pour beaucoup dans ce qui pousse à la surface de la terre.

Lulu (Lucien Converset)

Nascer da lua
Nascer da lua
Nascer da lua
Nascer da lua
Nascer da lua

Ça me fait penser à toi Gaby !

 

Tu es un petit enfant de notre humanité. Et tu as fait naitre quelque chose de grand dans le mouvement de la théologie de la libération, au sein des Communautés Ecclésiales de Base (CEB’s). Tu t’es inculturé au sein du peuple brésilien. Ta foi t’a poussé en politique. Tu t’es implanté dans la population brésilienne sans t’y imposer. C’est merveilleux ce que tu as fait pousser de résistance et de résilience que nous font voir nos amis brésiliens.

 

Tu ressembles Gaby au Père Duval qui s’est relié à beaucoup d’amis bouleversés par la dépendance de l’alcool. Il est tombé très bas avec eux et au milieu d’eux. Son témoignage ramassé dans le livre  « L’enfant qui jouait avec la lune » a permis à beaucoup de gens bouleversés par cette maladie, d’entrer dans le mouvement des AAA. Comme lui et avec lui, ils sont sortis libérés et libérant de cette dépendance qui les opprimait.

 

Tu es Franc-Comtois Gaby, du même pays que les sœurs Léonie Duquet et Alice Domon. Elles se sont enfouies, petites graines d’espérance, dans l’immense et grand mouvement des Mères de Mai, marchant et manifestant à la recherche de leurs enfants disparus et capturés par la dictature d’Argentine.

A propos de toutes ces personnes et de ces mouvements de libération, je t’entends dire, ami Jésus, durant la nuit où tu fus livré : « Ceux-ci, Ceci est mon corps … Le sang de ceux-ci est mon sang »

Quelques temps auparavant, pressentant de quelle mort tu serais enlevé de devant nos yeux, la mort de la croix, tu nous avais dit : « Le fils de l’homme, quand il sera élevé de terre, attirera tout à lui »

 

A lua nasceu tão linda por detrás do Mochuara,
Tornando mais belo ainda o céu de Roda d’Água!
Oh, lua tão linda no Mochuara! Oh, gente bonita de Roda d’Água!

Foi como um cantar de sereia: o céu se encheu de esplendor!
A noite enfeitou: lua cheia! Encheu Roda d’Água de amor!

O sol emprestou sua luz e no horizonte pousou,
A lua enfeitou seu vestido com a luz que o sol lhe deixou!

Ecoutez cette belle chanson de Jovanir, interprétée par Raquel !

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26 février 2020 3 26 /02 /février /2020 15:05

Jeudi 5 décembre 2019, en partance pour le Brésil

 

« NE SOMMES-NOUS PAS TOUS, LES MEMBRES DE SON CORPS ? ! »

 

C’est impressionnant de quitter son pays natal pour réaliser un si grand voyage. C’est afin de parvenir au Brésil que je me prépare depuis plusieurs semaines. Je pars marcher sur les pas de Gaby Maire en compagnie de quelques amis. Nous ramasserons là-bas, sous les arbres de la liberté et de la justice, en compagnie d’une multitude de gens, les graines de non-violence que beaucoup ont fait pousser ensemble avec Gaby. Nous y célébrerons le 30ème anniversaire de sa vie donnée à nous tous. Rosaline me facilite le départ. Elle m’emmènera tout à l’heure à Dole rejoindre Jean-Marie Bouhans et Elisabeth Lamy avec qui je pars. Juste avant, afin de nous préparer à un tel voyage, nous allons célébrer la messe à l’abbaye d’Acey.

 

REUNIR LES TRAITS D’UNION

A travers l’eucharistie, nous approfondissons notre conscientisation. Là-bas au Brésil, en nous laissant travailler par le souffle qui animait Gaby, nos amis brésiliens nous feront découvrir et reconnaitre que tous les humains sont les membres du corps du Christ Jésus. C’est cette bénédiction que nous recevons de Jean-Marc, Benoit, Philippe et tous les frères. Nous prions en union avec Joëlle Amiet, ses enfants et petits-enfants. Avec eux nous communions avec Serge son mari, leur papa, leur papy, mort accidentellement il y a dix jours, à leur retour de Mont-Roland du Sénégal. Joëlle et Serge avaient préparé avec nous ce voyage afin de recevoir ce que Gaby et tous les témoins d’Amérique latine, d’Afrique et de la terre entière, veulent continuer à nous donner. Nous croyons qu’ils nous aiment à la ressemblance de Jésus et nous interpellent à nous engager à faire de même.

 

MAINTENIR LES RESURGENCES

Le frère Benoit de l’abbaye d’Acey nous permet de créer beaucoup de traits d’union entre les moines de son abbaye et nous, ainsi qu’avec les moines de Midelt au Maroc. En effet, c’est là que Jean-Pierre Schumacher avec Jean-Pierre Flachaire, Nuno, Antoine et José-Luis, vivent et agissent ensemble pour que humblement, leur communauté de Midelt soit une résurgence de Tibhirine. Ces frères cherchent comment « rester », s’enraciner, s’inculturer dans une terre, un milieu, une culture autres que celles où ils ont plongé leurs racines premières. Et n’est-ce pas cela que Gaby a cherché à réaliser « en restant » au Brésil alors qu’il était menacé de mort en raison de ses engagements ? N’est-ce pas à la ressemblance de Jésus que tous ces témoins ont donné leur vie pour celles et ceux qu’ils aimaient ?

 

NOUS METTRE EN CONDITION D’APPRENTISSAGE

C’est à 9 heures que nous arrivons chez la famille de Jean-Marie-Bouhans : son frère Pierre et leurs deux sœurs, Marie-Françoise et Anne. C’est là que nous retrouvons Elisabeth Lamy que Jean-Marie est passé chercher à Mont-sous-Vaudrey. Autour de la table familiale, savourant le café et le gâteau, nous entendons déjà des messages d’amitié de la part de Roberte et Patrice, Claude et Brigitte, Marie-Françoise et Claude, Antoinette et Rosine … Ils nous racontent chacun à leur manière comment ils se sentent emportés dans nos cœurs, du Jura jusque là-bas à Vitória. Un message de Rachel nous parvient par sa maman, nous disant qu’elle prépare notre rencontre avec les Brésiliennes et Brésiliens dans ce merveilleux pays où elle est déjà depuis quelques semaines. Ils nous signifieront comment en ces lieux, leurs vies se sont entremêlées avec celle de Gaby il y a un peu plus de 30 ans. L’Esprit de Jésus, qui les a fait se rencontrer et vouloir transformer leurs comportements et accéder à une existence digne et humaine, cet Esprit continue à souffler. Nous aurons des chances de le sentir nous proposer d’entrer chez nous aussi et de revenir avec nous, si nous nous mettons en condition d’apprentissage.

Après avoir salué les sœurs de Jean-Marie et Pierre ainsi que Rosaline, nous voilà en partance pour l’aéroport de Lyon Saint Exupéry. C’est Pierre frère de Jean-Marie qui nous y conduit. Quelle délicatesse là-aussi de faciliter ainsi notre voyage. Avant de prendre l’autoroute à Bersaillin, nous repassons par Mont-sous-Vaudrey car Babeth avait préparé des morceaux de fromage de comté qu’elle avait oubliés sur la table de la cuisine. Ce serait dommage de ne pas faire goûter ce si merveilleux produit de nos coopératives-fruitières à nos amis brésiliens.

 

JOURNEE DE GREVE ET MANIFESTATIONS

Nos billets d’avion, par souci d’économie, ont été pris il y a un peu plus de 6 mois. J’aurais préféré partir un autre jour que ce jeudi 5 décembre, car c’est le jour où en France beaucoup de gens vont faire grève à la SNCF et dans bien des domaines. Les manifestations auront pour but d’empêcher que leurs conditions de travail se détériorent, que baisse leur pouvoir d’achat, que perdure leur temps de travail, et soit raccourcie leur espérance de retraite. J’aurais bien voulu manifester en solidarité avec mes nombreux amis de Dole.

 

JEANNOT ET ERIC, SŒUR MADELEINE, MADAME MONTESSORI et CELESTIN FREINET.

Jeannot me gardera les articles de journaux qu’il sait si bien lire et ramasser grâce à ce qu’il a appris en compagnie d’Eric et de combien d’autres, par la médiation de leur institutrice la sœur Madeleine, à l’institut éducatif Jean Bosco au 27 de la rue Pasteur à Dole, là où l’abbé Gaby Bourgeois était directeur. Dans cette école, durant les années 70-80, arrivaient beaucoup d’enfants dont les parents avaient eu grande difficulté de leur trouver normalement une place. Afin que la sœur Madeleine Crespin devienne jardinière d’enfants, ceux auprès de qui elle s’était formée, l’avaient dotée d’outils et de méthodes qui nous émerveillaient. Sans qu’elle nous en dise expressément les noms, nous sentions que les personnes à qui elle se référait étaient à la fois cette grande dame qu’est Maria Montessori et aussi ce grand homme qu’est Célestin Freinet.

 

GREGORY ET PAOLO FREIRE

Durant l’année que nous venons de vivre, Grégory, mon jeune voisin, m’avait fait souvent mémoriser vitalement les paroles que j’avais tirées du livre  « Pédagogie des opprimés », il y a de nombreuses années : « Personne ne libère quelqu’un à sa place. On ne se libère jamais seul. On se libère ensemble. » Les paroles tombées de la bouche de Grégory que j’avais ramassées sur mon cahier-journal, étaient devenues comme une petite fiole d’huile essentielle. J’aimais en déposer quelques gouttes sur les endroits blessés ou tordus de nos affrontements humains, chaque fois que je rencontrais une personne blessée ou laissée seule. J’aimais beaucoup adjoindre ces deux noms : Grégory et Paolo Freire.

 

AEROPORT SAINT EXUPERY. BERNARD, FRANCOIS ET PERE JOSEPH WRESINSKY.

Le voyage dans la voiture de Pierre depuis Dole à Lyon Saint Exupéry se passe bien sans encombre. Nous voilà arrivés à l’aéroport. Nous repensons bien sûr à Antoine de Saint-Exupéry dans son avion mais aussi à Jeannot dans son petit camion (camion sur lequel Jeannot a mis une image du Petit Prince). Nous cassons la croute avec Pierre sur les coups de midi. Nous sommes dans un de ces espaces immenses de l’aéroport où je me sens appelé à penser que beaucoup de gens sont là pour des raisons semblables aux nôtres, afin que s’élève notre humanité. Nous sommes un « peuple immense », chantait le père Aimé Duval. Ce n’est pas toujours que ça va chantant. Nous sommes bien souvent pleurants. J’écris encore quelques lettres avant que nous ne partions et voici qu’arrivent pour nous rejoindre Bernard et François. Ça fait très exactement 20 ans que Bernard Colombe et moi nous nous connaissons. (Bernard était un prêtre fidei donum à Vitória comme Gaby). Nous avions réalisé du 16 au 30 Septembre 1999 la célébration du dixième anniversaire de la mort de Gaby au Brésil avec Yves Patenôtre, notre évêque, et une trentaine de Jurassiens.

Déjà, Bernard avait assuré un sacré lien entre les Brésiliens et nous.

Nous avions apprécié sa façon de nous faire découvrir quel souffle prophétique avait animé Gaby dans sa façon d’être homme et pasteur durant leurs années de ministère commun à Vitoria entre 1980 et 1984.

 

François, engagé comme volontaire dans le mouvement ATD Quart Monde, était venu à Dampierre en 2007, accompagné des familles en vacances à la Bise. Nous avions réalisé une ballade au pas des ânes, le long du chemin de halage. Il avait été le photographe de cette ballade.

Il m’avait offert un beau petit album de ses photos. François, apprenant que nous effectuons ce voyage sur les pas de Gaby Maire, afin de commémorer le trentième anniversaire de son assassinat, s’était inscrit il y a quelques mois pour venir vivre cet événement avec nous. Il nous proposait si nous le voulions bien, d’en être le témoin photographe, ce qui nous réjouissait beaucoup.

 

Durant la longue marche que nous faisons afin de parvenir à l’aire d’embarquement, François nous raconte comment le souffle du Père Joseph Wrezinsky le marque.

François : « J’ai retenu du Père Joseph qu’il faut sans cesse être dans un triple refus :

- la misère n’est pas une fatalité

- les gens qui sont dans la misère ne sont pas coupables

- il ne faut pas se priver de la science développée qui nous fait voir les capacités de chacun » .

 

Nous parlons beaucoup ensemble des personnes auxquelles nous nous référons : à Gaby Maire, à celles et ceux qui nous ont formés, particulièrement à Paolo Freire, dont j’amorce la lecture de son livre : «  Pédagogie de l’Autonomie ».

En attendant à la zone d’embarquement K 49 boarding, François nous cite une autre parole du Père Joseph: « la misère est l’œuvre des hommes. Seuls les hommes peuvent en s’organisant , la supprimer »

 

Il est environ dix-huit heures quand nous montons dans l’avion. Il nous faut un peu plus d’une heure pour aller jusqu’à Roissy. Et de là nous embarquons aux environs de 23 heures, nous voyagerons toute la nuit et nous nous réveillerons à peu près au moment où le soleil se lèvera sur le Brésil …

 

Nous atterrissons à Rio de Janeiro aux environs de sept heures. Marcel Renou et sa femme Teresa nous accueillent avec Carlita venue tout spécialement de Vitória. C’est Odilon, chauffeur de taxi qui les a amenés. Ils tiennent une petite banderole, avec ces mots : « Nous sommes très heureux de cœur et porte ouverte pour vous accueillir. »

Lucien Converset

Départ de Lyon, arrivée à Rio, puis chez Marcel et Teresa avec le portrait de Paulo Freire (Photos E. Lamy, et F. Philiponeau)Départ de Lyon, arrivée à Rio, puis chez Marcel et Teresa avec le portrait de Paulo Freire (Photos E. Lamy, et F. Philiponeau)Départ de Lyon, arrivée à Rio, puis chez Marcel et Teresa avec le portrait de Paulo Freire (Photos E. Lamy, et F. Philiponeau)

Départ de Lyon, arrivée à Rio, puis chez Marcel et Teresa avec le portrait de Paulo Freire (Photos E. Lamy, et F. Philiponeau)

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19 février 2020 3 19 /02 /février /2020 13:30
WE de partages et rencontres avec Pedro et Teresa A. Ribeiro de Oliveira. Dimanche au Centre Biblique. Photo François PhliponeauWE de partages et rencontres avec Pedro et Teresa A. Ribeiro de Oliveira. Dimanche au Centre Biblique. Photo François Phliponeau
WE de partages et rencontres avec Pedro et Teresa A. Ribeiro de Oliveira. Dimanche au Centre Biblique. Photo François PhliponeauWE de partages et rencontres avec Pedro et Teresa A. Ribeiro de Oliveira. Dimanche au Centre Biblique. Photo François Phliponeau

WE de partages et rencontres avec Pedro et Teresa A. Ribeiro de Oliveira. Dimanche au Centre Biblique. Photo François Phliponeau

Vitoria, dimanche 15 décembre 2019

 

« QU’ETES-VOUS ALLES VOIR AU BRESIL ? UN PROPHETE ! » (Luc 7, 26)

 

Au moment où nous quittons la maison de Teresa et de Pedro, je prends intensément conscience du don qui nous est fait d’avoir entendu de leurs bouches, quel a été le travail de Gaby et des Communautés Ecclésiales de Base (Ceb’s). Teresa et Pedro ont connu Gaby au moment où il arrivait à Cariacica. Teresa avait une responsabilité dans la paroisse. Pedro a rencontré Gaby pour la première fois dans une évaluation où Gaby l’avait invité en tant que sociologue.

 

Et hier, durant toute la journée, nous avons écouté Teresa et Pedro. Nous avons reçu d’eux ce qu’ils avaient recueillis de Gaby : son intuition de la relation qui existe fondamentalement entre « foi et politique. » Ce que Gaby a donné et ce qu’il a su recevoir d’eux, c’est ce qui a beaucoup contribué à instaurer le mouvement « Foi et Politique »

 

J’ai envie de te dire Gaby : «Dans l’éducation de ton être, il t’a été beaucoup donné. Tu as su aussi recevoir la capacité d’analyser ce qui nous opprime et en même temps projeter ce qui va nous libérer et nous rendre heureux. Tu nous as appris comment y travailler dès aujourd’hui en nous relayant les uns aux autres. Tu me fais beaucoup penser à Jésus lisant Isaïe. Tu as fait de même en lisant Jean Jourdain qui lisait Henri Godin qui nous ont tant marqués durant nos années de séminaire dans le Jura. C’est pour cela que nous t’appelons et te chantons « Profeta Gabriel ».

 

Ce que j’ai retenu et que je ferai conforter par ce qu’écrivent Xavier de Maupeou, Gustavo Gutiérres et Léonardo Boff :

  • Comment au tout début se sont formées les premières communautés ecclésiales de base.
  • Comment, au moment où Gaby arrive à Cariacica, les CEBs font un travail très intense. Gaby y est pleinement engagé pour continuer à les animer et en instituer d’autres, et les coordonner les unes aux autres.
  • Comment j’aurai le souci de mieux connaitre la situation politique du Brésil et l’attitude de l’Eglise notamment dans sa hiérarchie : Le pape Jean-Paul II, le cardinal Joseph Ratzinger, qui risquent de contribuer à étouffer le souffle des communautés par l’institutionnalisation du mouvement charismatique. 

 

Nous arrivons au CEBI (Centro de Estudos Bíblicos). La célébration de la messe se prépare : Joana, Cleunice, Jovanir et Angela ainsi que Penha y travaillent intensément.

Je me trouve à côté d’Angela professeur de français à l’Université. Je lui demande si elle a connu Gaby. Elle me répond : « J’ai connu Gaby lorsque j’étais jeune. C’était un de nos formateurs. Les CEBs existent encore, mais ce n’est plus la même chose. On n'a plus les mêmes chemins dans nos luttes pour la défense de l’égalité et de la justice comme nous le faisions à l’époque de Gaby … »

 

La célébration est commencée. Après l’évangile, il y a un partage de ce que chacun ressent. A un moment je dis : « Quand nous avons quitté la France pour venir chez vous sur les pas de Gaby Maire, des amis nous ont dit : « Qu’est-ce que vous allez faire au Brésil, à propos de Gaby Maire ? ». De même, Jésus demande aux foules à propos de Jean : « Qu’êtes-vous allés contempler au désert ? Qu’est-ce que vous êtes allés voir ? Un prophète ? Oui et bien plus qu’un prophète. » De même, nous sommes venus depuis le Jura à Vitória… Nous faisons une sacrée démarche, un déplacement de nos êtres. Nous venons chercher notre héritage. Nous sommes venus voir, entendre, comprendre, que Padre Gabriel, de chez nous est venu chez vous. C’est chez vous qu’il a été et demeure un prophète. Il l’était déjà chez nous, nous avons eu du mal de le reconnaitre : Profeta Gabriel. C’est là, chez vous qu’il est devenu pleinement disciple de Jésus et que vous cherchez toujours à continuer à le devenir avec lui, en sa compagnie. Qu’est-ce que nous apporte le fait de devenir disciples de Jésus ? Continuer à laisser créer des liens entre Jésus et nous, entre nous tous, afin que nous parvenions ensemble à l’héritage. Commençons par la reconnaissance des plus démunis, tendant à ce qu’il n’y ait « pas d’exclus pour la fête » comme nous le chantions à la JOC. Ainsi nous découvrons et apprenons à relier « foi et politique » dans chacun de nos comportements.

 

Dans cet intense moment de prière, je me dis : « Qu’es-tu venu faire au Brésil ? » Je suis venu chercher comment ne rien laisser de côté, ni les plus petits, ni les plus éprouvés. Je suis venu pour apprendre à nous rencontrer hommes et femmes, comme toi Jésus, tu as su envisager et rencontrer les femmes et les hommes qui étaient sur ton chemin. Tu as su voir les femmes que tu rencontrais dans le respect de leur dignité. Tu as su te laisser envisager et reconnaitre par elles, dans la merveilleuse dignité de ton être d’homme, fils de Dieu. Tu nous communiques la manière dont tu as regardé et rencontré les femmes que tu trouvais sur ton chemin en compagnie de tes disciples. Tu nous donnes ce que tu es devenu sous le regard de ces femmes.

 

Qu’est-ce que je suis venu faire au Brésil ?

Je suis venu sur les pas de Gaby Maire ramasser sa façon d’envisager les femmes et jeunes filles dans toute leur merveilleuse dignité.  Qu’est-ce que vos façons de regarder, voir et envisager les êtres humains, se ressemblent, Jésus et Gaby !

Il y a quelqu’un aussi qui sait réaliser tout cela, c’est le pape François qui dit ces mots que je trouve mis en valeur dans la bibliothèque du Cercle Biblique (CEBI).

« A mulher tem uma sensibilade particular pelas coisas de Deus sobretudo para nos ajudar a comprehender a misericordia, a ternura e o amor que ele tem por nos. » (Francisco.)

«La femme a une sensibilité particulière pour les choses de Dieu surtout pour nous aider à comprendre la miséricorde, la tendresse et l'amour qu'il a pour nous. » (François.)

 

Je suis heureux d’entendre et reconnaitre au profond de l’eucharistie que Jésus et Gaby nous regardent avec confiance et amitié et qu’ils disent à propos de ce que nous disons et faisons : « Prenez et mangez, ceci est mon corps … Prenez et buvez, ceci est mon sang … »

Lucien Converset

Affiches du CEBI de Vitória (Photos E Lamy)
Affiches du CEBI de Vitória (Photos E Lamy)

Affiches du CEBI de Vitória (Photos E Lamy)

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10 février 2020 1 10 /02 /février /2020 16:48

Vitória-Cariacica, le samedi 21 décembre 2019

 

« SOYEZ TOUS LES ACTEURS DE VOTRE HISTOIRE »

(cf. : la journaliste de la télévision de Vitória qui interviewe Gaby le 21 décembre 1989)

 

En ces jours historiques où nous sommes venus célébrer et reconnaitre à Vitória au Brésil, le prophétisme du Padre Gabriel Maire, il y a ce jour-là du 21 décembre 1989. En effet il y a 30 ans aujourd’hui, Gaby était interviewé par une personne de la télévision locale. Cette personne, émerveillée et étonnée par ce que Gaby venait de donner comme parole de vie, lui exprimait sa reconnaissance en lui disant à la fin :  « Gabriel. Merci. Soyez toujours l’acteur de votre histoire. » Gaby pressentait-il que sa mort était déjà décidée à ce moment-là ?

 

Paroles prophétiques de cette personne à l’adresse de Gaby. En effet, Gaby continue d’être l’acteur de son histoire en nous interpelant à l’être de la nôtre. N’est-ce pas ça faire entrer en nous l’esprit de Noël ? Gaby dira : « Noël, c’est Dieu avec nous Emmanuel. Et le Christ incarné dans la chair, Jésus-Christ prisonnier au milieu de la lutte du peuple … Le capitalisme est universel. Il sait très bien faire dévier le sentiment religieux des gens, occuper l’espace, profiter de toutes les fêtes religieuses pour en faire un commerce… Comment devenir levain dans la pâte ? C’est le rôle de ceux qui suivent le choix de Jésus-Christ, qui font le choix des pauvres. »

 

A nous aussi est envoyé un sacré cadeau de Noël !

Nos amis brésiliens nous font comprendre que les paroles, les actes, les moments de vie que Gaby leur a offerts et qu’il savait recevoir d’eux, étaient de sacrés cadeaux. A les entendre tous ces jours nous raconter ce qu’ils ont réalisé avec et grâce à Gaby, nous avons la réelle impression, qu’à nous aussi, est envoyé durant ce jour, un sacré cadeau de Noël. Nous comprenons en effet que ce que ces gens ont reçu par la médiation de Gaby il y a un peu plus de 30 ans, c’est toujours actuel, c’est toujours vivant. Par eux, nous parvient ce message : « Soyez tous les acteurs de votre histoire » Il y a comme un envoyé qui nous dit dans nos tourments :   « Rassurez-vous, car voici qu’aujourd’hui, pour votre vie de maintenant, un sauveur vous est né qui est le Christ Seigneur. » (Luc 2, 11)

 

« S’engager sur le terrain politique, c’est s’engager à aimer » (Pie XI 1931)

Nous voici dans la voiture conduite par notre amie Lourdes. Cette femme est toujours habitée et porteuse d’une parole forte et abondante, afin de renverser ce qui n’est pas juste, à l’égard des femmes et des pauvres. Tout le long du trajet qui nous emmène chez Claudio et Tereza, Lourdes n’arrête pas de faire sortir d’elle une parole libératrice. Une fois parvenus chez nos amis, nous retrouvons dans une maison très accueillante, de nombreuses personnes, assesseurs travaillant à se relever des épreuves traversées au parti des travailleurs (PT). Heureux de retrouver Claudio et Tereza, de les rencontrer chez eux, à « la barre de Jugu ». Nous reparlons de leur venue en France en 2002, probablement quand Dominique Voynet alors ministre de l’environnement les avaient accueillis. Nous les avions reçus aussi dans le foyer Emergence du CAT de Dole. Nous reparlons de Paul et Claudette Clémens qui nous traduisent leurs messages et nous les font parvenir par Elisabeth.

 

Il s’en alla avec ses disciples de l’autre côté du « torrent du Cédron » (Jean 18, 1)

Nous entrons durant la soirée dans ce moment où Gaby venait d’être témoin de l’amour d’un homme et d’une femme en célébrant leur mariage… Nous sommes dans les abords de la chapelle de Castelo Branco. Que s’est-il passé dans l’être de Gaby pour qu’il demande à la fin de la célébration de chanter avec lui ce chant prémonitoire "Eu quis comer esta ceia agora" (Luc 22) C’est de la même veine que ce que dit et fait Jésus le soir du Jeudi Saint après avoir lavé les pieds de ses disciples, partagé le pain et le vin pour signifier qu’il nous donne tout son être… certains lui tournant les talons, il part traverser le Cédron et tombe à terre en agonie au jardin des oliviers, à Gethsémani…

Lors de la célébration dans l'église de Castelo Branco le 21 décembre 2019
Lors de la célébration dans l'église de Castelo Branco le 21 décembre 2019

Lors de la célébration dans l'église de Castelo Branco le 21 décembre 2019

 

Gaby à la manière de Jésus, tu donnes toute la vie, toute ta vie depuis le commencement !

C’est étonnant comment tu nous as appris à remonter en amont des situations injustes, à énoncer et dénoncer ce qui abime notre humanité,

  • tu nous as provoqués à ne pas rester à ce que nous voyons et constatons,
  • tu nous as appelés avec respect et exigence à nous engager à briser les chaines de servitude. Qu’est-ce que la servitude ? Ce qui fait qu’un être pense légitime le fait d’avoir du pouvoir sur un autre, sur beaucoup d’autres. Et il le justifie (les Etats font de même pour partir en guerre en accaparant ce qui ne leur appartient pas)
  • Gaby, nous n’aurions jamais dû partir en guerre en Algérie. Rien ne le justifiait réellement. Nous l’avons appris là-bas.
  • Gaby, tu nous as appris à continuer ce que nous avions entrepris et commencé.
  • Gaby, tu nous as appris à aller jusqu’au bout du don.
  • Gaby, toi qui es arrivé, fais que mes amis et moi nous continuions à nous donner à celles et ceux avec qui nous avons commencé d’envisager de nous tenir par la main, de nous maintenir sans nous prendre.
  • Gaby, fais que je ne prenne pas pour moi, fais que nous ne prenions pas pour nous, celles et ceux avec qui nous nous sommes embarqués.
  • Gaby, fais que je les aime comme tu les as aimés, ces femmes et ces hommes de Vitória, ces femmes et ces hommes du Jura.
  • Gaby, tu avais commencé de les aimer en France avant que tu ne partes pour le Brésil.
  • Gaby, aide-nous à aller jusqu’au bout de ce que nous avons commencé.

 

 

* L'interview de Gaby est visible ici ! Clic ! Interview en portugais, traduite par Marcel Cortey, et lu par Jean Fugeray pour la verson française.

 

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9 février 2020 7 09 /02 /février /2020 16:20
Naitre à l'objection de conscience

 Vaudrey, vendredi 17 janvier 2020

 

« A PROPOS DE LA GUERRE D’ALGERIE JE VOULAIS ENCORE DIRE… » (Gérard Mouquod)

 

Quelques jours après, venant chez Gérard et Marie-Thérèse à Vaudrey pour la réunion de Siloé, nous constatons que nous avons encore beaucoup à recevoir les uns des autres, suite à ce qui fut initié par la venue de nos amis brésiliens lundi dernier. Gérard me dit : 

Gérard : Tu es venu pour la réunion de Siloé, mais à propos de la guerre d’Algérie, j’ai encore des tas de choses à dire.

Lucien : Je prends mon cahier afin de ramasser ce que tu vas nous partager.

 

Gérard : Quand je suis parti à l’armée, j’étais contre la guerre d’Algérie. Un gars de Parcey qui avait quelques années de plus que moi… ses parents et les miens étaient très amis … ce gars était parti soldat en Algérie, comme ça allait bientôt m’arriver… Quand il est revenu en permission depuis l’Algérie, au moment où il est arrivé en gare de Dole, au lieu de continuer jusque chez lui à Parcey, il s’est jeté dans le Doubs… Un autre, Marcel de Villette parti soldat lui aussi en Algérie… quand il est revenu en perm, il nous avait invité chez lui. Il nous a montré des photos. C’était des photos de ses copains morts, des photos de cercueils… triste, il est revenu… triste, il ne s’est jamais remis de cette guerre.

Marie-Thérèse : Dans ma famille, j’avais deux frères soldats en Algérie : Pierre et Jacques …

Lucien : A partir de 1956, il y eut en permanence en Algérie 400 000 soldats …

Gérard : Il y a eu aussi un gars de Goux qui est parti soldat en Algérie en même temps que moi. Il a dû lui aussi voir des horreurs. Il ne s’en est jamais remis. Il est mort jeune.

 

Lucien : Beaucoup d’entre nous, nous avons fait la moitié de ce temps de service en France, nous devions accomplir la deuxième moitié en Algérie où sévissait une guerre coloniale. En arrivant en Algérie, nous découvrions que nous devenions complices du maintien de ce pays sous l’empire et l’emprise de la France. L’opinion de la majorité des Français nous poussait à maintenir que les départements d’Algérie demeurent et restent des départements français.

 

Nous continuons Gérard, Marie-Thérèse et moi à nous dire que si nous en avions eu le temps, on aurait pu dire encore à nos amis brésiliens quel était l’état de l’opinion de la France au moment où nous partions soldats en Algérie. Beaucoup de gens de nos familles, de nos villages et de nos villes, prétendaient que la France allait de Dunkerque à Tamanrasset. Cet esprit impérialisant et colonialiste imprégnait l’opinion d’une grande partie des Français. Une sorte de fatalisme guidait l’attitude du gouvernement de la nation française, des politiques, de l’armée, à qui le gouvernement avait remis un temps tous les pouvoirs. Une part importante de l’Eglise catholique consentait à cet état d’esprit et s’y compromettait.

 

Cependant, dans le peuple français, dans certains partis politiques, le PSU, Le MLP, le PC, dans certains mouvements d’Eglise, les mouvements d’Action Catholique, et beaucoup grâce à un hebdomadaire comme « Témoignage Chrétien » (TC) se référant à l’évangile du sermon sur la montagne où Jésus nous interpelle à être des artisans de paix, nous nous refusions d’être inféodés à ce colonialisme envahissant et criminel. Un général de l’armée française Jacques de Bollardière, en pleine « bataille d’Alger » alla affronter le général Massu puis plus tard le général De Gaulle. Il exprimait sa réprobation devant les méthodes employées par l’armée française durant ce conflit. Il refusa de continuer à servir. Il y eut aussi plus d’objecteurs de conscience que nous ne le pensons.

 

Astreints à ce damné service militaire, nous allions mettre du temps à nous laisser travailler par la non-violence, à devenir objecteurs de conscience. Nous n’avions pas encore découvert que nous n’aurions jamais dû partir dans un service national, qui était en fait nationaliste et asservissant, inféodé au colonialisme qui empestait la France.

 

Jeunes Français, nous partions en fait continuer d’occuper un pays : l’Algérie, où une multitude d’habitants luttaient pour réaliser l’indépendance et l’autonomie de leur pays. Ils étaient le peuple algérien.

 

Afin de justifier notre acte d’occupation militaire et violente, voici comment s’y prenaient les détenteurs de l’autorité civile et militaire qui nous commandaient, nous, soldats du contingent. Nous étions tenus au service militaire de 28 mois. Voici comment nous l’accomplissions : moitié en France ou en Allemagne, avec des stages pro-AFN (Afrique Française du Nord) et la deuxième moitié dans le djébel algérien. Ceux qui pensaient être nos chefs essayaient pour la plupart de nous persuader que tous les résistants algériens étaient des terroristes.

 

Lucien : C’est dans cette terrible guerre que nous allions apprendre à devenir objecteurs de conscience. Je dirai un jour (quand je serai le 8 décembre 2018 à Oran pour la béatification des 7 moines de Thibirine et de leurs 12 compagnons, témoins-martyrs) que « l’Algérie est le pays où je suis né … à l’objection de conscience. » Je dis aujourd’hui que nous n’aurons jamais fini de naitre, renaitre, se reconnaitre dans la non-violence.

 

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8 février 2020 6 08 /02 /février /2020 13:22
Bernard Colombe, prêtre Fidei Donum, a connu Gaby au Brésil.

Bernard Colombe, prêtre Fidei Donum, a connu Gaby au Brésil.

Lettre de Gabriel Maire du 21 décembre 1989

 

Bien cher Bernard,

 

Le temps passe, et j'ai bien peu de temps pour écrire. Peut-être ne sais-je pas bien m'organiser. Je te remercie pour tes deux lettres arrivées après ton séjour au Brésil (en juillet), la dernière étant du 9 décembre.

On a un temps terrible : beaucoup de pluie, des inondations un peu partout au Brésil...C'est dommage qu'il faille attendre le 15 mars prochain pour que Collor vienne mettre un peu d'ORDRE au Brésil. Les militaires sont très contents...beaucoup de « chrétiens » aussi (Collor parle beaucoup de « Dieu »), même si beaucoup d'autres sont très déçus. La CNBB commence à montrer que les semonces de Rome portent des fruits : quelques évêques ont ouvertement pris position... mais si peu ! Suffisamment tout de même pour que, quand le nouveau président aura montré ce qu'il est (un dictateur), l'Eglise puisse dire que la hiérarchie ne l'a pas privilégié.

Vieille histoire du conflit entre le prophétisme et la prudence non-évangélique !

En tous cas, les moyens utilisés par Collor, la TV Globo, l'ensemble des supporters, ne sont guère à l'honneur du nouveau président.

Belle occasion perdue ! Pourtant la lutte a été belle ; et qu'un tourneur ait pu faire trembler si fort l'armée, le pouvoir économique, la bourgeoisie, les vieux politiques, les bons chrétiens pratiquants, etc... c'est déjà un pas énorme. Et finalement prendre les rênes d'un pays qui a un taux d'inflation de 54 % par mois (décembre) n'est pas si enthousiasmant.

La fête de l'installation de la paroisse St François d'Assise a été très belle. Pour le moment, le rythme est plus lent (heureusement!) mais les fruits seront cueillis peu à peu. Seu Zelino  dont tu me parles a voté Lula au ler tour, mais il a rejoint sa  famille naturelle au second, disant : « finalement les évêques ont dit qu'on pouvait voter l'un ou l'autre, qui ont presque le même programme ».

Je pense que j'irai en France en 90, de la 2ème quinzaine de juillet à la 2ème quinzaine de septembre. Darcio a déjà programmé d'aller en France (en réunissant l'argent de son salaire et des membres de sa famille) du 14 février à septembre. Pour avoir droit à un visa temporaire (et pas seulement de tourisme), il lui faudrait être inscrit à un cours, par exemple). J'en ai parlé à mon frère Bernard, mais je n'ai pas encore de réponse. Connais-tu quelque chose ?

Un bon Noël ! E feliz ano novo. Abraço   Gaby

 

PS Pourquoi tant de timbres ?! L'enveloppe était prête dès octobre...mais les tarifs augmentent 2 fois par mois... et l'ECT ne fait pas de timbres correspondants. Alors... !

Le 21 janvier 2020

 

Bien cher Gaby,

 

Il est temps de répondre à ta lettre du 21 décembre 1989 qui me souhaitait un bon Noël et un feliz ano novo. Mais les choses ne se sont pas du tout passées comme ça...

Deux jours après, une embuscade du coté de Castelo Branco, où tu  venais de célébrer un mariage, t'a fait entrer instantanément dans le monde nouveau pour lequel tu travaillais.

Tu avais curieusement demandé aux participants de chanter un cantique prévu pour le Jeudi-Saint ! Ce repas est le dernier, je vais vous quitter... Trente ans après, les gens reparlent encore de ce choix qualifié de prémonitoire. Les menaces que certains t'avaient faites à visage découvert dès le mois de juin, reprises en novembre je crois, t'avaient douloureusement ébranlé mais tu avais dit que tu voulais rester sur place par fidélité aux gens de Cariacica.

 

Tout cela est revenu à nos oreilles lors d'un voyage organisé par l'association fondée dans le Jura, ta terre natale, dès 1990. Tes amis jurassiens s'engageaient alors pour soutenir financièrement l'avocat contracté par ta famille afin d'essayer de déposer une plainte pour homicide, alors que la thèse de la police était celle d'un hold-up ayant mal tourné. Personne parmi tes paroissiens de Castelo Branco et de Porto de Santana n'ont cru une minute à cette fable et tous t'ont appelé martyr et prophète dès l'annonce de ta mort et aujourd'hui encore.

 

Mgr Legrez alors évêque à Saint-Claude, lors du 20ème anniversaire de ton assassinat, était étonné, lors de sa visite à Cariacica, que les gens se souvenaient encore de toi et il se demandait avec humour qui se souviendrait encore de lui 20 ans après sa mort ! Dix ans ont encore passé et notre petit groupe de 6 personnes (Elisabeth Lamy de la présidence collégiale, sa fille Rachel revenant d'une tournée à la rencontre d'acteurs de paix dans différents pays, les Pères Lucien Converset, ton ami d'enfance, et Jean-Marie Bouhans ancien Fidei Donum d'Argentine, François Phliponneau d'ATD, notre précieux photographe) a recueilli les témoignages émus de ceux que tu as mariés ou baptisés, et aussi de toutes ces personnes que tu as mises en route par une prise de responsabilité dans les communautés : il y avait déjà des ministres du baptême ou des témoins qualifiés du mariage, choisis par les communautés et formés de manière adaptée. Et puis nous avons écouté ceux et celles qui, par le biais de la pastorale de la jeunesse, issue de la JOC locale ou par la pastorale ouvrière, avaient pris goût à l'engagement social ou politique, ce qui, quelque temps auparavant, leur paraissait bien lointain ou décourageant.

 

L'un deux, Helder Salomão, aujourd'hui député fédéral et qui a été maire de cette grosse commune de Cariacica (400.000 hs aujourd'hui), créait, dans la semaine qui a suivi ta mort, une chanson que beaucoup connaissent par cœur et qui a été traduite depuis :

Je préfère mourir pour la vie que vivre pour la mort

(une phrase que tu avais prononcée quelques temps avant)

Parmi les gens qui souffrent, ta voix résonne encore très fort

Ton rêve de paix ne meurt pas

Démocratie est à l’œuvre aujourd'hui.

 

Ref  - Prophète Gabriel, ta lutte n'a pas été vaine.

Ton sang est semence de vie

Vienne le jour de la libération.

 

Ta foi et tes engagements ont dérangé les puissants

pour défendre le droit à la vie ou la lutte du travailleur

Ton rêve obstiné ne meurt pas,

Dieu toujours accompagne son peuple.

 

Ils ont fait taire un prophète. Un frère est encore tombé.

Ton cap nous le maintiendrons : éclosion d'un monde nouveau

Ton rêve Gaby ne meurt pas

Le Royaume avec nous se construit.

 

C'est un chant-symbole qui a été repris depuis trente ans dans les célébrations nombreuses qui ont marqué l'histoire de ta vie désormais dans la Vie. Elles sont ponctuées d'un : Gabriel, presente ! qui peut se lire à deux niveaux : ta présence comme celle d'un héros de cette histoire de libération qu'on ne veut pas oublier et celui de la foi qui croit à la vie après la mort. Et c'est vrai que ce voyage de trois semaines dans l'agglomération de Vitoria nous a fait vivre dans le passé, dans le présent et dans l'avenir.

 

Le passé a une forte note nostalgique car cette décennie des années 80 que tu as parcourues   a été celle des acquis de la précédente, de la structuration du diocèse en communautés ecclésiales de base et des pastorales sociales, de la forte participation des laïcs à tous les niveaux et dans le mouvement populaire qui renaissait déjà sous la dictature militaire. On allait tous vers un mieux... Donc les gens rencontrés parlent de ces années glorieuses avec saudade.

Pourtant tu sentais bien des réticences chez des laïcs et certains prêtres. Tes Echos de Vitoria adressés à tes amis du Jura et d'ailleurs (une équipe autour de Jovanir Poleze et de Dárcio Mosquem les a traduits et publiés il y a quelque temps) en sont le témoin. Et ta lettre le montre bien : tous n'ont pas eu ta vision politique et ecclésiale dont tu as, semble-t-il, hérité de ton père Henri, conseiller municipal pendant 25 ans (on vient de l'apprendre à Port-Lesney, lors de l'inauguration d'une place Gabriel Maire devant l'église de ton baptême).

 

Le présent est douloureux pour ceux que nous avons rencontrés. Et quand tu évoques le président Collor élu en 1989, et les inquiétudes qu'il te causait, en surimpression on lit Bolsonaro… Je me suis demandé si on ne se trouvait pas devant un champ de ruines : les militants sont perdus devant la politique autrement de cet ancien capitaine, les réseaux sociaux qui sont apparus depuis avec leur montage de fake-news difficiles à contrer, la montée de groupes chrétiens adeptes de la théologie de la prospérité ou grands amateurs de miracles ou de dévotion, l'abandon fréquent de la formation biblique chère à ton cœur, malgré des efforts méthodiques comme ceux du CEBI (centre d'études bibliques) que nous avons longuement rencontré. Heureusement, beaucoup cherchent des réponses à ces nouveaux défis, dont, paradoxalement, l'amélioration du niveau de vie individuel qui, ici comme ailleurs, a encouragé les solutions individuelles. Le combat collectif qui n'avait rien d'évident à ton époque s'est encore éloigné. Nous croyons avoir compris que la recherche porte sur le projet politique national, les politiques publiques y compris au niveau municipal, le retour à un lien entre les militants et la base, non sans inclure désormais l'écologie, bien remise au centre avec les pluies diluviennes de ces derniers jours.

 

On est déjà dans l'avenir avec ces relectures politiques et ecclésiales. Il ne faudrait pas oublier, pour ceux qui le désirent, la vision chrétienne de l'articulation entre vie personnelle, vie politique et Royaume. On pourrait revisiter utilement le vieux concept de Royaume pour ne pas se priver d'une dimension humaine fondamentale, celle de la Révélation, et que d'aucuns s'approprieraient volontiers pour ne rien changer. Je sens que tu serais à l'aise pour t'engager dans ces recherches et soutenir les jeunes qui s'y intéresseraient.

 

A propos des jeunes, on a cité là-bas avec un sourire ta manière d'encourager et d'améliorer leurs pratiques :

C'est bien ! Mais, tu pourrais faire mieux !

 

Parmi les jeunes que nous avons rencontrés, il y a ceux qui t'ont connu par leurs parents et qui gardent de l'admiration pour ton service pastoral avec eux. Certains ont développé une vision critique de la réalité et une foi communautaire. D'autres sont pris par les études, y compris universitaires, favorisées au temps du gouvernement Lula et qui leur ouvrent des professions et des rémunérations bien au-delà de celles de leurs parents des années 80. Les loisirs se sont sophistiqués aussi, avec leurs normes qui semblent s'imposer même dans les quartiers populaires. Là encore, nouveau défi pour l'évangélisation. Les communautés nombreuses dans chaque paroisse seront-elles encore un lieu-source pour cette jeunesse ?

 

Ces communautés que tu évoques dans ta lettre en te réjouissant de la fête de la création de la paroisse St François d'Assise à Porto de Santana-Flexal sont bien vivantes. Penha Lopes que tu as connue adolescente et qui est maintenant grand-mère ! et ses amies se sont mises en 4 pour nous faire rencontrer les communautés du Morro Aparecida, Flexal I et Flexal II, Porto Novo, Sao Sebastiao : partout la joie d'être membres d'une communauté, d'y avoir des responsabilités (baptêmes, mariages, liturgie, homélie, enfance, finances, groupe de couples, apostolat de la prière etc...). Le contexte ne favorise pas un engagement social, mais l'expression dominante de la foi des catholiques c'est la participation à une vie communautaire. Le denier de l'Eglise est organisé pour l'autonomie financière de la communauté et la participation aux charges paroissiales et diocésaines. Je crois que ça donne une identité aux gens et une légitime fierté.

 

Bien sûr, ta volonté d'une paroisse sans église principale, avec des communautés égales en responsabilité n'a pas tenue longtemps : les vieux démons du prestige et d'un modèle plus clérical en ont eu raison. Mais selon le talent et la volonté de l'équipe prêtres et diacres, on peut éviter la perte d'une si belle richesse. Reste la question des chrétiens formés « à l'ancienne » très mal à l'aise dans le style charismatique encore dominant.

 

A la suite du voyage de 3 semaines au Brésil, qui a inclus une belle messe à la cathédrale avec l'évêque Dom Dario, fort engagé depuis son arrivée dans cette mémoire vivante de ta vie, et l'évêque émérite Geraldo en retraite à Vitória (et de tant d'autres choses organisées par le groupe Ecos de Gaby et l’association Padre Gabriel Maire pour la défense de la vie), les Jurassiens ont accueilli dans le diocèse de Saint-Claude une délégation de 7 brésiliens, dont le Père Manoel qui t'avait connu au séminaire et qui t'a remplacé un temps à Castelo Branco. J'ai été avec eux la plupart du temps, logé chez Joëlle Amiet dont le veuvage récent l'avait empêchée de participer au voyage.

 

Ils venaient découvrir le Gabriel français, comme nous avions découvert ou redécouvert le Gabriel brésilien. Penha Lopes, Penha Dalva, Raquel Passos, Joana, Oscarina d'Itaciba qui ne t'a pas connu, Jovanir Poleze qui parle français et le Père Manoel, ont circulé de Port-Lesney (où ta sœur Marie Thérèse nous a reçus au milieu de mille souvenirs de toi), à Saint-Claude en passant par Dole, Lons, Mont sous Vaudrey, Montmirey, Acey, Poligny (accueillis par l'administrateur diocésain) et j'en oublie peut-être. Ils ont découvert la campagne et le froid, le pain, le fromage et le vin, les villes historiques et leurs magnifiques églises, les quartiers populaires, le monastère des trappistes où tu allais faire des retraites, les Clarisses qui ont accueilli une étonnante célébration brésilienne tout près des reliques de Ste Colette, des engagés politiques du Jura et de vieux amis de l'armée touchés par ton engagement contre la torture. Une conférence de Rémy Gaudillier nous a fait découvrir à tous l'avant-Brésil de ton histoire. Lulu nous avait déjà branché sur la continuité entre tes engagements de jeune au petit séminaire, de soldat du contingent, de secrétaire général du Mouvement Populaire des Citoyens Du Monde, et cela nous avait éclairé et chassé quelques erreurs d'interprétation comme celle de croire que tes engagements au Brésil dataient de ton arrivée là-bas.        

 

Le groupe des 7 a été amené à se présenter à de nombreuses reprises, ce qui nous a permis à nous aussi les « Brésiliens » de mieux les connaître, de découvrir l'impact de ta vie sur la leur, la durée de cette influence, mais aussi les nouveaux défis que tu ne pouvais prévoir et qui sont de leur responsabilité aujourd'hui. Ils ont apporté un très beau livre de témoignages recueillis au Brésil lors des célébrations de décembre. A lire, bientôt !

 

Faire mémoire, recueillir tous les éléments possibles de ce puzzle, peut-être demain faire des travaux plus historiques, là-bas et ici, te situer dans une phase de l'histoire du Brésil et de l'Eglise du Brésil, en particulier de cette Eglise remarquable de Vitória, tout cela va demander des talents et du temps. A la suite de Dom Luiz, l'ancien évêque, Dom Darío reprend l'idée d'un éventuel procès en béatification pour cause de martyre. Il demande de recueillir des témoignages et selon la moisson il verra s'il est bon de nommer un postulateur de ta cause. Sans doute le livre des témoignages  aura une bonne place dans ce processus.  Je ne sais pas comment tu prends cela... mais il ne dépend pas de toi de t'en occuper cette fois !

 

Et puis la vie continue : dans quelques jours commencera la Campagne de la Fraternité pour le carême 2020. Tu y attachais beaucoup d'importance. Cette initiative de la Conférence épiscopale brésilienne depuis 50 ans s'appuie cette année sur l'épisode évangélique du bon Samaritain :

Il vit, il a eu de la compassion et s'en est occupé Lc 10, 33-36.

J'ai parcouru le matériel produit et distribué dans les communautés et les paroisses. On m'a dit que beaucoup n'en font rien, car la dimension sociale de la foi n'intéresse pas beaucoup de prêtres. Cependant pour qui veut fouiller, en particulier le gros document, appelé manuel, il y aura des chrétiens pour y puiser le courage de regarder la réalité, de se sentir touchés et la force d'agir. Certes l’image de la charité samaritaine est celle de Sr Dulce de Salvador (1914-1992) récemment canonisée qui n'est pas celle d'un martyr des conflits sociaux... et dont la liste est pourtant longue. Mais plutôt celle d'une charité compassionnelle (et efficace) sur les conséquences de la misère. Je veux croire que ce point de départ sera fécond, lorsqu'on se souvient qu'Helder Câmara, que tu appréciais et qui a guidé ton départ pour l'Amérique Latine, a été bousculé par notre Cardinal Gerlier de Lyon après le congrès eucharistique de Rio, qui s'inquiétait de la prolifération des favelles. Plus tard il dira : Lorsque je donne à manger à un pauvre, je suis un saint, lorsque je demande : Pourquoi a-il faim ? On me traite de communiste.

 

J'ai pensé à toi et à quelques autres, en Amérique Latine et maintenant en Afrique de plus en plus fréquemment, en lisant  le pape François dans sa  Lettre aux prêtres du 4 août dernier :

Il serait injuste de ne pas être reconnaissant pour tant de prêtres qui, de manière constante et honnête, donnent tout ce qu'ils sont et ce qu'ils possèdent pour le bien des autres (cf 2 Co 12, 15) et développent une paternité spirituelle capable de pleurer avec ceux qui pleurent. Ils sont innombrables les prêtres qui font de leur vie une œuvre de miséricorde, dans des régions ou des situations si souvent inhospitalières, éloignées ou abandonnées, même au risque de leur propre vie.

 

J'ai été un peu long, tu connaissais sans doute tout ça et bien plus, mais il me semble que    je te devais cette réponse même tardive et ce compte-rendu d'un anniversaire qui fera date.

 

Le bienheureux Charles de Foucauld que tu aimais depuis ton séjour à Colomb-Béchar, demandait qu'on s'intéresse moins aux saints qu'à Celui qu'ils désignent ! On va essayer !

 

Bernard Colombe

 

PS. Figure-toi que j'allais oublier deux événements étranges pour quelqu'un habitué à la laïcité à la  française ! Nous avons été invités au Conseil municipal de Cariacica et à l'Assemblée législative de l'Etat pour recevoir une médaille et un diplôme liés à l'histoire de Gabriel Maire sur ces territoires. A l'initiative d'un conseiller municipal, Elinho de Lima et d'une députée, Iriny Lopes, l'un et l'autre du Parti des Travailleurs, nous faisions partie des gens honorés à cause de leurs liens avec ton action exemplaire pour les droits de l'homme. Ils avaient invité des intervenants qui ont fait des discours très appropriés sur ton rôle à cette époque, puis ont décoré de nombreuses personnes actives dans la société d'aujourd'hui. Ils n'avaient pas oublié ta famille à qui j'ai remis les médailles et les diplômes. Marie-Thérèse m'a demandé de leur écrire une lettre de remerciement, ce que je viens de faire par l'intermédiaire de Penha Lopes, attachée parlementaire de Helder Salomão. Tout cela sera bien enregistré dans les archives de ces deux lieux symboliques du pouvoir, où est intervenu le missionnaire  français et le prophète brésilien, selon la trouvaille de Marlene Lopes et  de sa fille en parlant de toi, pour le T-shirt du 30ème anniversaire de ton assassinat !

 

  • Autre chose : quand tu rencontreras Jésus, demande-lui s'il te plait ce qu'il pense du samba du Carnaval de Rio de cette année qui parle de lui et l'appelle « Jesus da gente », quelque chose comme : Jésus de chez nous. Je l'ai trouvé très bon et ça devrait te plaire.
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7 février 2020 5 07 /02 /février /2020 12:54

Bernard et Ursula se sont connus à la maison de la Bise, il y a une vingtaine d'années. C'est la maison de vacances familiales d'ATD Quart Monde située près d'Arbois. Il y ont rencontré Bernard Berthet, Lucien Converset, Andrée Millot, et bien d'autres Jurassiens. Depuis la dernière rentrée scolaire, ils ont élu domicile dans le Jura avec leurs 3 enfants. Bienvenue à toute cette famille. 

Matin de commémoration de l'assassinat de Gabriel Maire, en présence d'une délégation de 7 Brésiliens. Maison diocésaine de Poligny.
Matin de commémoration de l'assassinat de Gabriel Maire, en présence d'une délégation de 7 Brésiliens. Maison diocésaine de Poligny.
Matin de commémoration de l'assassinat de Gabriel Maire, en présence d'une délégation de 7 Brésiliens. Maison diocésaine de Poligny.
Matin de commémoration de l'assassinat de Gabriel Maire, en présence d'une délégation de 7 Brésiliens. Maison diocésaine de Poligny.

Matin de commémoration de l'assassinat de Gabriel Maire, en présence d'une délégation de 7 Brésiliens. Maison diocésaine de Poligny.

Quelques échos, de la Journée du Dimanche 05 Janvier : Journée d’Accueil et de rencontre des Amis Brésiliens de Gabriel Maire, à Poligny.


• Préambule ( mais...pas de la constitution !) En redonnant ici quelques échos, sentiments et moments importants pour moi de cette journée du 05 Janvier, ils résonnent à partir de ma personnalité propre et ne sont qu’un écho particulier, parmi tant d’autres sûrement. En clair, mon naturel fait que je suis surtout un observateur, un taiseux, qui reste souvent en retrait, pour, peut-être, avec le temps accueillir intérieurement et mieux mutuellement s’apprivoiser à l’autre. Bref, en résumé ici, c’est un regard extérieur, mais quand même très sincèrement touché, que je partage.

 

• Dimanche 05 janvier : Je ne connais pas l’histoire de vie, d’engagement du Père Gabriel Maire. Je devine fortement que sa présence engagée auprès des plus démunis, a été un moteur de Foi de toute sa vie, fortement ancrée bien sûr et irrémédiablement dans le Christ, et encore ici à travers les familles et enfants avec qui il a cheminé au Brésil. Moi, qui connais Lucien Converset, Bernard Berthet, Bernard Robbe (Un Ami prêtre de Lulu, décédé), un peu Gérard Mouquod, un peu Claude Chevassu, et un peu les Millot….. je sens très fort ici une terre Jurassienne d’engagement irréversible au Christ, à travers les plus pauvres, et les plus fragiles de notre société.

Mais Dieu pourquoi alors, doit-on, dans des circonstances inhumaines et dramatiques, tellement révoltantes  le payer très souvent de sa vie ? Comme ce fut le chemin sur Terre du Christ, fils de Dieu… Oui, la réalité est tellement plus complexe, car la peur et la violence ressurgissent vite dans le face à face, et imposent souvent alors le silence, au cœur de la misère. 

 

Mais, Gabriel Maire, ou Lucien Converset, et tant d’autres ne sont pas de ceux-là, de ceux qui abdiquent et se résignent devant la violence de notre Monde, et des hommes. Déjà, ils ont témoigné par leur vie engagée ; ils sont les témoins que le royaume de Dieu est déjà ici sur Terre, qu’il faut sans cesse chercher à le bâtir, et qu’à la suite du Christ, il s’agit bien d’une vie entière donnée. Voilà, comment je ressens l’engagement du Père Gabriel Maire, comme je ressens aussi une vie donnée, comme les Moines de Tibhirine, et tant d’autres anonymes, de ces silencieux et « invisibles », souvent on dit les oubliés... pour plus de justice, de liberté et d’égalité, et enfin de dignité alors enfin respectées et partagées.

 


J’arrive à Poligny ce Dimanche matin. Je me dis auparavant, il y a déjà un sacré « Chemin et terreau fertile ensemencé » qui existe, pour bien accueillir et aussi longtemps chez nous, les amis Brésiliens de Gabriel Maire, eux en chemin et engagés au-delà, depuis plus de 30 ans. Je veux dire : Cela demande de donner tout de soi, notamment dans l’accueil de ces Amis-là, en qui Gabriel Maire a fait germé et reconnu leur valeur inestimable d’être humains, au travers de gestes où l’honneur et le respect étaient une ligne de vie, pour les enfants, les jeunes, les Mères, et les hommes, cela au milieu d’un quotidien tellement difficile. Ceux-ci «Amis» qui n’ont jamais cessé de grandir depuis... notamment au Brésil à Vitória et ailleurs… Mais j’imagine, que nos « Amis Brésiliens » vivent depuis longtemps cet accueil inconditionnel, et encore mis en œuvre récemment chez eux, en décembre dernier, dans l’accueil de vous, « Amis Jurassiens », et autour de Gabriel Maire.

 

Oui, l’acceuil. Eh bien, j’en suis en premier touché, en pénétrant dans la salle, quand vient vers moi Mr Lamy (je ne sais pas le prénom, pardon), mais l’on me dira plus tard que c’est Mr Lamy. Et j’apprends que Mr Lamy a eu un AVC récemment… Eh bien, à travers quelques mots prononcés difficilement, mais avec une grande sincérité, c’était : Soyez le bienvenu et rejoignez-nous, dans cette fraternité ici qui continue à grandir.. Oui, je suis touché, car c’est aussi le Christ qui accueille ici à travers Mr Lamy, puis à travers Elisabeth qui a le souci de faire le lien constant avec les personnes présentes dans la salle, Rachel, et ensuite plein d’autres. Aussi pour la traduction et le souci que tout le monde s’écoute et se comprenne, quand la parole est là. Chapeau et plein de respect pour tout ce travail là également. C’est une manière très importante de vivre l’accueil et le respect aussi, vis à vis de nos hôtes, et de tous rassemblés ici : S’écouter, se parler, se comprendre.

L’accueil, est aussi la pierre angulaire par laquelle chacun se sent partie prenante, et peut oser aller vers l’autre, déjà avec ce qu’il est. Alors Merci vraiment.

 


• Ensuite, oui pour les néophytes comme moi, ou pour tous ceux qui connaissent mal l’histoire de vie du Père Gabriel Maire, ou face encore devant la densité ici des témoignages et traductions pendant 3 heures durant (? je ne sais plus...), je dirais que la force de cette matinée a été :

- Pouvoir témoigner et nous entraîner ensemble avec la musique, si chère au cœur des Brésiliens, s’appuyer sur des photos ou un montage diapos, ou témoignages : de la sœur de Gabriel Maire, de Lulu Converset…et d’autres personnes dont je ne sais pas le nom... Oui, la richesse s’est faite dans la diversité des témoignages vrais et sincères, et cela à travers différents supports, pour rester en éveil et « vivants » ensemble, puisque ici ce n’est pas la mort qui vaincra ! Oui, « Tout est né d’une vie partagée, pas d’une théorie « ! S’il n’y avait pas cette diversité précise, les gens « se fatiguent et décrochent », puisqu’ils ne sont pas dans ce vécu concret témoigné ici. Je l’avoue, c’est ce que j’ai fait à moments, aussi parce que je n’entends pas bien... 

 

J’ai entendu exprimée cette « souffrance » à travers Lulu Converset : Comment l’église du Jura et plus largement bien sûr, peut témoigner de l’engagement du Père Gabriel Maire ; Que ce n’est pas un engagement isolé et unique, et si loin de nous, mais comment il reste vital et engage toute l’église à reconnaître les plus pauvres et les plus démunis, vivant à la rue ou dans les bidonvilles ou les favelas, les migrants, les enfants laissés à l’abandon, les paysans sans terre, etc…, comme partenaires d’une nouvelle humanité enfin libérée de la misère et de la terreur, et reconnue et digne de respect, et participante active, à la recherche et à la construction du royaume sur la Terre ? Dis plus simplement, ce n’est pas une vie sacrifiée dont je témoigne, c’est de la libération de chacun, si l’Église toute entière des croyants, et à tous les niveaux, prenne sa part, spécialement là où vivent les plus démunis de nos frères, et qu’elle le reconnaisse ouvertement aux yeux du Monde, devant les gouvernants et face aux puissants, et donc ici déjà en l’église du Jura !


• J’ai pris personnellement la parole 5 minutes. En tant que membre Volontaire du Mouvement ATD Quart Monde. Ceci pour dire qu’Il y a au Brésil 2 petites équipes d’ATD, qui sont engagées auprès d’une communauté rurale. Ceci à Mirantão et à Petropolis, banlieue de Rio. (voir Ici) Je me disais, si nous pouvions aussi renforcer des liens et se connaître sur place, cela serait une chance sûrement de se donner du courage les uns les autres, dans nos présences.


• Il y a eu aussi, le Repas partagé ensemble  : Aussi, comme le Christ qui partageait le repas, le pain avec son peuple, ou avec ses disciples. C’est toujours des moments privilégiés, où chacun ose plus parler, partager des choses avec son voisin, échanger et réagir à telle ou telle chose entendue ou mal comprise… Moi-même, j’en ai un peu « profité »…


L’après-midi   : Encore l’Accueil ! : Cette fois par les Sœurs Clarisses, du Monastère Ste Claire. Ce sont bien des Sœurs qui ont choisi comme règle de vie consacrée la pauvreté, telle que St François et Ste Claire l’ont vécue toute leur vie à Assise. Je suis content que nos Amis Brésiliens soient allés à Assise à la fin de leur séjour en Europe. Personnellement je n’y suis jamais allé. Ici avec les Sœurs Clarisses et la communauté rassemblée, c’était de pouvoir partager une foi universelle, dans le chant, la prière, l’Eucharistie, et aussi tous les gestes pleins de sens : Partager la lumière, partager la parole, partager la Bible, le livre sacré de tous les hommes et femmes et les enfants, sur la Terre.

 

• Oui j’ai beaucoup aimé vraiment ce temps où... une Amie Brésilienne, a pris soin, avec chacun et chacune, de transmettre et offrir cette lumière envers chacun et chacune de nous. Précieux temps donné et offert à chaque personne comme un cadeau : Le partage de la Lumière. C’était très très beau comme geste et symbole de paix avec soi-même, vers l’autre, et vécu entre tous. Idem aussi, pour le Livre de la Bible passant de mains en mains, comme la transmission de l’essentiel en nos vies, inscrit comme un trésor :  La Messe de la Trinité.


• Un beau moment émouvant aussi, était cette entrée en dialogue, cet échange et cette communion très profonde «  Pourquoi sommes-nous réunis là, et que s’est.il donc passé ? », entre Elisabeth Lamy et Rachel sa fille. On pourrait y trouver plein de sens vrai et sincère, et touchant ouvert sur la beauté de l’Âme... moi ça m’a  beaucoup touché. Intime, sincère et universel.


• Moment fort aussi pour moi : Recevoir la communion / l’Eucharistie du Père Brésilien. Pouvoir et recevoir la communion des mains de personnes, venant de différents pays, d’histoires, et de culture différentes et autres que la sienne propre. C’est symbolique mais on peut y trouver pleinement un sens universel aussi.

 

Après-midi du 5 janvier, dans la chapelle des soeurs Clarisses à Poligny
Après-midi du 5 janvier, dans la chapelle des soeurs Clarisses à Poligny
Après-midi du 5 janvier, dans la chapelle des soeurs Clarisses à Poligny
Après-midi du 5 janvier, dans la chapelle des soeurs Clarisses à Poligny
Après-midi du 5 janvier, dans la chapelle des soeurs Clarisses à Poligny
Après-midi du 5 janvier, dans la chapelle des soeurs Clarisses à Poligny

Après-midi du 5 janvier, dans la chapelle des soeurs Clarisses à Poligny

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28 janvier 2020 2 28 /01 /janvier /2020 12:44

Lundi 13 janvier 2020

 

« OH ! C’EST MON PAPA ET MOI SUR LA BANDE DESSINEE DU PADRE GABRIEL » (Penha Lopes)

 

Pour nos amis brésiliens et pour nous-mêmes Jurassiens, nous ressentons une sacrée impression en redescendant des Monts du Jura, dans la plaine par le « train des hirondelles ».

 

Que de tunnels traversés et de ponts et viaducs enjambés, images des épreuves que nous partageons et des joies que nous nous offrons les uns aux autres au profond de nos êtres.

 

Soirée de témoignages
Soirée de témoignages

Naissance et renaissance de la petite fille Espérance, reconnaissance des personnes avec qui nous créons des liens, appels à les envisager comme ceux-là qui vont nous permettre de nous défaire de ce qui nous empêche d’aller de l’avant.  «  Notre allié, n’est-il pas appelé à devenir notre libérateur ? » (Psaume 143)

 

Les quatre jours où nous avons été accueillis et accompagnés à Chantemerle par Marie-Jo et Jean chez Michel, Geneviève et Aurore, à Bois d’Amont, les Rousses, Saint-Claude par la famille Lamy  et beaucoup d’amis, sont tout remplis de lumière et de musique, de neige et de soleil. Ce sont ces valeurs que Gaby voulait nous voir échanger les uns grâce aux autres en créant « un nouveau petit pont entre nos deux continents. »

 

Lorsque nous arrivons en gare de Mouchard lundi soir à 19h26, c’est Bruno Gauthier et Gérard Mouquod qui sont là pour nous accueillir et nous emmener chez eux à Vaudrey.

 

Nous voici revenus dans la plaine du Val d’Amour. Lorsque nous descendons des voitures dans la cour de la ferme de Gérard et Marie-Thérèse, ce sont des paroles et des mots débordants d’enthousiasme qui jaillissent du cœur de chacun d’entre nous. Jacques, Elisabeth et Rachel sont là, ainsi que Joëlle. Jérémie, le fils de Gérard et Marie-Thérèse et sa compagne Julie, ne tarderont pas d’arriver.

 

En écrivant vos noms, Raquel, Jovanir, Penha Dalva, Joana, Oscarina, Padre Manoel et Penha L., je m’émerveille de continuer à découvrir combien vous êtes résilients, amis brésiliens.  Voici ce que disait une amie à votre sujet, quand vous êtes entrés l’autre jour dans la salle où nous nous apprêtions à entendre vos témoignages, le jour de l’épiphanie à l’abbaye d’Acey : «  Je découvre des mages brésiliens chercheurs passionnés de Gaby Maire né dans le Jura. Ils m’ont paru riches d’une foi tellement vivante, nous interpelant pour chercher avec eux, afin que le témoignage de Gaby vive et rayonne chez nous, comme au Brésil »

 

Nous nous mettons à manger autour de la grande table familiale. Des intonations de voix chantantes, des rires, beaucoup de rires, se mêlent à nos propos les plus sérieux et graves. Nous avons tant de choses à nous dire. Attablés, nous sommes aussi attelés à savoir faire une place en nous-mêmes, à ce que l’autre voudrait nous offrir, nous dire et nous confier.

 

Rachel : Gérard, t’a sûrement des choses à nous partager de ce que tu as vécu avec Gaby. Nos amis brésiliens et nous-mêmes voudrions bien t’entendre.

 

Gérard : J’étais très jeune la première fois que j’ai rencontré et connu Gaby et Lulu. Je venais d’entrer dans la même école qu’eux au petit séminaire de Vaux-sur-Poligny. C’était dans les années 1951-1954. Gaby était un peu plus âgé que moi. Il est de 1936 et moi de 1938. A un moment Gaby qui apprenait bien dans les études avait été choisi pour être notre sous-surveillant. Il était très attentif à nous et on voyait bien qu’il comprenait très vite ce qui marchait bien et qu’il fallait continuer. Mais il saisissait très vite aussi ce qui n’allait pas et qu’il fallait arrêter, changer et transformer pour que ça devienne plus juste entre nous. Nous remarquions que Gaby avait une capacité très vive d’analyser les situations que nous vivions. Je garde surtout ça de Gaby. J’ai quitté cette école pour revenir travailler à la ferme familiale à Villette à côté de Dole pendant quatre ans, jusqu’à mes vingt ans.

 

En France en ce temps-là, les jeunes de notre âge, nous étions très touchés et marqués par la guerre d’Algérie qui allait durer de 1954 à 1962, presque pendant huit ans. Chaque jeune Français de 20 ans était astreint à faire 28 mois de service militaire obligatoire. Je suis parti à l’armée le 4 mars 1958 à Auxonne, dans un régiment assurant les transports,  «  Le Train ». Un an après les classes et les stages, j’arrive à Colomb-Béchar dans le Sahara le 8 mars 1959. Quelle n’est pas ma surprise en arrivant dans le régiment où j’étais affecté, de trouver Gaby Maire. Il était arrivé là un peu avant moi. Nous allons rester ensemble pendant plusieurs mois. Dans ces temps difficiles, quelle joie de rencontrer un ami avec qui parler. Nous vivions tellement de situations difficiles et douloureuses !

Quel bien ça faisait de causer avec Gaby !

Gaby à Colomb-Béchar

Avec quelques copains soldats, nous étions en effet choqués et bouleversés de nous trouver embarqués dans une pareille guerre. Engagés et forcés d’accomplir notre service militaire dans de telles atrocités. Je me trouvais dans un régiment où ma compagnie devait surveiller de nuit le local où des hommes avaient été faits prisonniers, interrogés et torturés. Le matin, on les faisait sortir de leur lieu d’emprisonnement. On voyait bien qu’ils avaient été torturés par des hommes d’une autre section que la nôtre. Nous n’acceptions pas ce qui se passait. Ça nous révoltait. Mais notre espace et notre possibilité de résistance étaient bien petits et minimes. Comment signifier que nous nous opposions à ce qui avait été fait sur ces hommes ?

 

Rachel traduit au fur et à mesure à nos amis brésiliens ce qu’exprime Gérard. Notre attention à tous est très intense.

 

Gérard : Nous nous réunissions avec Gaby, quelques copains et moi, de temps en temps, déjà pour partager entre nous ce qui nous faisait mal. Nous nous demandions comment faire entendre et comprendre que nous n’étions pas d’accord avec ce qui se passait dans notre régiment et que nous nous y opposions. Nous partagions tout cela avec quelques copains, membres de ce petit groupe. Un jour avec Gaby, nous avions écrit au président de la République, le Général de Gaulle, afin de lui exprimer notre révolte devant ces faits. Notre lettre n’obtint jamais de réponse. Nous formions ce que nous appelions : « Le groupe d’amitié ». Par l’aumônerie militaire, les groupes d’amitié étaient fédérés ensemble. Dans ces groupes, nous cherchions à découvrir et reconnaitre la présence de Jésus dans toute cette part de l’humanité que nous formions. Nous luttions comme nous pouvions, afin de ne pas nous laisser déterminer par le fatalisme,  « il y aura toujours des guerres … Il y aura toujours de la violence … Tu ne peux pas empêcher quand un copain est tué qu’on aille en tuer dans le village d’à côté ».

 

Nous étions révoltés aussi de ce qu’on nous envoyait faire dans le djébel, des ouvertures de routes, les risques de sauter sur des mines anti personnelles, la peur de tomber en embuscade.

 

Lucien : Ces groupes d’amitié que nous formions, chers amis brésiliennes et brésiliens, je vais le dire humblement, ça ressemblait parfois à ce qui se vivait « en communauté ecclésiale de base »  (CEBs), au Brésil. Ça nous aidait et nous permettait d’être des résistants à la violence faite aux autres et à nous-mêmes. Ça nous aidait à prier, à reconnaitre que Jésus était notre ami, mais aussi l’ami de ceux que l’on nous faisait croire qu’ils étaient nos ennemis. Nous demandions au Christ qu’il continue à nous donner son souffle, son esprit, sa façon d’envisager tout homme.

 

Nos amis brésiliens et nous tous qui sommes autour de la grande table familiale de nos amis Gérard, Marie-Thérèse, Jérémie et Julie, nous n’avons rien perdu de ce que Gérard vient de nous donner comme témoignage. Ses camarades soldats de Colomb-Béchar et lui-même avaient trouvé durant ces années 1959-1960, en la personne de Gaby Maire, séminariste-soldat, un médiateur. Avec eux, Gaby cherchait toujours et trouvait le créneau, si petit soit-il, pour barrer la route à un déferlement plus envahissant et plus pernicieux de la violence. Rachel avait su capter ce qu’exprimait Gérard et le retraduire à nos amis brésiliens pendant que nous laissions se répandre au fond de nos êtres quelque chose de ce souffle et de cette aspiration à la non-violence. Nous sentions que tout cela nous faisait nous maintenir humblement en humanité durant les tempêtes les plus guerrières qui soient.

 

Rachel : Voici ce que veulent exprimer nos amis du Brésil.

Oscarina : J’avais jamais entendu quelqu’un parler de la guerre.

Penha L : Grâce à ce qui se dit entre vous et nous brésiliens sur les pas de Padre Gabriel, ici dans son pays,  encore ce soir, il y a un pont qui se réalise entre Vitoria et le Jura. Puis timidement elle ajoute, avec des larmes qui perlent au coin de ses yeux : «  Oh ! C’est mon papa et moi, sur la bande dessinée de Padre Gabriel, avec mon petit garçon sur mes genoux »

 

Qu’est-ce qui a bien pu se passer pour que Penha nous dise cela ?

Rachel avait remarqué durant la soirée que la bande dessinée sur la vie de Gaby était dans la bibliothèque de Gérard et Marie-Thérèse, dans la salle à manger où nous étions en train de souper.

Ce livre dépassait un tout petit peu sur l’étagère du haut, juste ce qu’il fallait pour être remarqué.

Rachel l’avait retiré de la bibliothèque et mis sur la table. Pendant que nous partagions le repas, et écoutions le témoignage de Gérard, Penha avait feuilleté cette bande dessinée  réalisée en 1994.

 

Je me souviens que c’étaient les membres des familles de Gaby Maire, des deux prêtres jurassiens auxquels Gaby avait su si bien se référer : Jean Jourdain et Henri Godin, qui avaient donné des photos aux dessinateurs que Philippe Aubert avait su trouver. En ce qui concerne Gaby,  c’était sa sœur Marie-Thérèse qui avait donné les photos qu’elle avait gardées de son voyage auprès de Gaby en 1982.

Elle avait dit : « Ces photos, je les ai prises dans une famille où Gaby nous avait emmenés, Joseph et moi. C’était la famille Lopez chez qui Gaby aimait beaucoup se retrouver. »

Gaby aimait aller voir les gens chez eux. Les gens aimaient bien aussi voir arriver Gaby dans leur maison, c’était sur une de ces  photos que Penha était en train d’attirer notre regard.

 

Elle disait : « J’étais en train de parler avec mon papa, là c’est mon fils assis sur mes genoux ! »

Nous sommes heureux de reconnaître avec elle les traits de son visage et ceux de son papa …

 

Lucien : « Nous étions encore chez tes parents Penha il y a à peine 15 jours. C’est bien les traits de ton visage et ceux de ton papa que nous découvrons sur cette bande dessinée. Quelle relecture des évènements nous sommes en train de vivre ! »

Gaby savait si bien prendre le temps d’apprécier et savourer ces instants et de nous apprendre à faire de même. Accueillir l’évènement, c’est ce que nous faisons. Nous sommes véritablement en train de célébrer et reconnaitre ta vie, ta mort, et ta résurrection Gaby. Nous les relions à celles de toute l’humanité, dans le drame vital de celles de Jésus.

 

Quelques mots s’échangent entre nous sur les recettes et façon de faire les gâteaux que nous sommes en train de partager. Des comparaisons remplies de délicatesse se font avec les gâteaux que nous avons dégustés au Brésil. Souvent les références s’expriment par rapport à nos mamans …

 

Lucien : Il y a aussi un moment qu’il serait important que vous nous partagiez Gérard et Marie-Thérèse, c’est le moment de votre ordination au diaconat. Gaby vous a signifié son amitié et sa prière depuis le Brésil. C’était au début du mois de septembre 1989 quelques mois avant que Gaby donne sa vie jusqu’au bout.

Gérard : Nous étions plusieurs à être ordonnés diacres dans le Jura par le père Gilbert Duchêne : René Besson, Michel Blanc, Jean Roch et moi-même.  Nous avions reçu les échos de Vitoria. Lorsque Gaby était venu durant l’année 1987 dans le Jura pendant deux mois, il était venu nous voir chez nous. Au moment où le jour de notre ordination approchait, voici le télégramme que nous avions reçu de lui :

Et quelques jours après, nous avons reçu cette lettre :

 

Lucien : Quels trésors pour vous et pour nous aussi, que quelques mois avant que Gaby ne donne sa vie jusqu’au bout, il vous avait envoyé ces précieux messages.

Elisabeth : C’était au moment où Gaby avait reçu des menaces de mort. Il était allé chez Roberto et Carlita.

Lucien : Presque le même jour, il envoyait les échos de Vitoria n°26, le 10 septembre 1989. Il nous invitait en commençant son message : «  Croyants ou non, nous pourrons découvrir dans le psaume 55 (54) l’état d’esprit du croyant devant les agressions de ce monde. » Voulez-vous chers amis que nous le reprenions maintenant en prière, en communion avec Gaby :

« Ce n’est pas un ennemi qui m’insulte,

Car je le supporterais.

Ce n’est pas un adversaire qui triomphe de moi …

Mais c’est toi, mon compagnon,

Mon collègue, mon ami intime.

Nous allions ensemble adorer dans le temple avec le peuple,

Et nous conversions en toute liberté ! »

 

Il se fait tard. Il va falloir aller nous reposer. Gérard et Marie-Thérèse nous signifient qu’ils auraient encore beaucoup de choses à nous partager. Ils tiennent à dire à nos amis brésiliens que leur venue chez eux ce soir en communion avec Gaby, nous a apportés à tous une profonde lumière.

Penha découvre la BD "Un jour de soleil, un jour de lumière"
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23 janvier 2020 4 23 /01 /janvier /2020 09:29

Port-Lesney, samedi 18 janvier 2020

 

COMMENT CONTINUER A CROIRE QUE NOS NOMS SONT ECRITS DANS LE CIEL, S’ILS NE LE SONT PAS SUR LA TERRE ? (cf Luc 10, 20)

 

Nous avons été touchés et marqués durant notre séjour au Brésil à Vitória du 5 au 28 décembre 2019, de découvrir écrit le nom : « Padre Gabriel Maire » dans beaucoup d’endroits. Nous l’avons vu, pour dénommer un quartier populaire à Cariacica, une ligne d’autobus dans le même coin ou encore l’entrée d’un institut accueillant des enfants, des adolescents et des adultes « exceptionnels » comme sont appelées les personnes en difficulté. Nous sentions bien que ces inscriptions étaient signes que le nom de Gaby était écrit dans le cœur de celles et ceux avec qui il avait créé des liens et entrepris un ouvrage de libération. « Tu avais donné ta vie Gaby, à ces personnes et à ces communautés que tu avais aimées ». Elles le reconnaissaient en continuant de se laisser habiter par « le souffle de la théologie de la libération »

 

Sept d’entre ces personnes : Joana, Penha L, Raquel, Penha Dalva, Oscarina et Jovanir, membres des deux associations brésiliennes des amis de Gaby, et Padre Manoel représentant de l’archidiocèse, nous accompagnaient pour un séjour en France de trois semaines, lorsque nous étions de retour fin décembre.

 

Souvent dans les lieux dont nos amis nous avaient ouvert les portes à Vitoria, nous les avions entendus chanter et invoquer  le nom de « Padre Gabriel » et ils nous interpelaient à ajouter avec une ferme conviction : « Presente », ou encore « Profeta Gabriel, ta lutte n’a pas été vaine. »

 

Pendant les neuf ans que Gaby a vécu au Brésil, deux ou trois fois par an, il nous écrivait les « Echos de Vitoria ». A la lecture de ces écrits, nous entendions les cris de révolte des membres de ce peuple opprimé, avec qui Gaby se solidarisait. Nous entendions aussi les paroles d’espérance des gens de « ces communautés écclésiales de base »(CEBs), qu’il accompagnait. Nous recevions ces échos d’une profonde « théologie de la libération » qui les imprégnait. Au travers de toutes ces luttes, Gaby prenait le temps encore de nous écrire personnellement, quand nous vivions une épreuve ou une joie. Il m’avait écrit une lettre très fraternelle lorsque ma maman était morte le 8 septembre 1981. Gaby me faisait penser à Job qui disait dans la bible : « Oh, je voudrais qu’on écrive mes paroles, qu’elles soient gravées en une inscription avec le ciseau de fer et le stylet, et sculptées dans le roc pour toujours. » (Job : 19, 23-24).

 

Comment chercher à ce que les traces du travail d’évangélisation de Gaby ne soient pas perdues pour nous amis du Jura et de Vitoria ?

Dans l’association des Amis de Gaby Maire en France, nous nous étions dit depuis très longtemps déjà, bien avant ce voyage : « Et si nous inscrivions le nom de Gaby Maire, ici dans le Jura, dans une communauté ou dans un lieu de vie où Gaby s’était mis au service des gens, dans un endroit du Jura où il avait planté ses racines, dans un lieu important à ses yeux et aux nôtres ? »

 

Il y avait eu alors dans l’église de son village, Port-Lesney, l’endroit où il a été baptisé. Voici ce que nous y avions écrit et fait graver :

Qu’est-ce que nous avions été heureux de pouvoir concrétiser cette inscription. Mais, l’Esprit qui s’était révélé habiter Gaby à son baptême, et dans le fait de devenir prêtre, l’avait poussé sur les places publiques, dans les rues des cités, en solidarité avec les « Citoyens du Monde », au profond des favelas,  dans des endroits qu’il avait arpentés à la recherche des déshérités. C’était donc « au dehors » qu’il fallait écrire le nom de Gaby et pas rien qu’« au-dedans. »

 

Durant l’année 2019 au Brésil et en France, à Vitória et dans le Jura, nous communiquions et nous nous interpelions les uns et les autres afin de préparer le 30ème anniversaire de la mort de Gaby. Une demande était faite aux municipalités de Port-Lesney, de Dole et Saint-Claude de donner le nom de Gabriel à une rue de leur village, de leur ville. Un jour, le maire de Port-Lesney nous répondit. Son conseil municipal et lui, en lien avec la famille de Gaby, faisaient une proposition à notre association. Nous convenions avec eux, que lorsque nous serions de retour du Brésil, avec les membres des associations brésiliennes des Amis de Gaby, que la journée du samedi 18 janvier 2020, serait consacrée à nommer « Place Gabriel Maire », la place du village sise entre le pont qui enjambe la Loue et l’église du baptême de Gaby.

 

Et nous voilà à ce samedi 18 janvier 2020 dans le village de Port-Lesney avec nos amis brésiliens. Je me passionne à écrire vos noms sur mon cahier, amis qui arrivez pour vivre ce moment humblement historique. Mais je cherche surtout à ramasser nos paroles et nos attitudes, nos pensées échangées en cet instant. Elles contribuent à révéler ce qui peut « se cacher depuis le commencement du monde » dans le fait que nos noms soient écrits sur la terre. Y a-t-il un rapport avec le fait que « nos noms sont écrits dans le ciel », d’après ce que dit Jésus ?

 

Nos noms sont inscrits dans le cielNos noms sont inscrits dans le ciel
Nos noms sont inscrits dans le cielNos noms sont inscrits dans le ciel

En inscrivant le nom de Gabriel Maire sur la place de son village natal, nos noms s’entremêlent brésiliens et jurassiens. « Le petit pont entre les continents » souhaité par Gaby se réalise. Nous nous envisageons les uns les autres. Désormais les visages des migrants nous feront moins peur. Leur présence nous paraitra moins étrange. Nous écrirons les noms d’Abdoulai, Fatmir, Zohra, sur nos agendas de rencontre, comme les noms de Pierre, Paul et Marie-Madeleine. L’inscription de leurs noms ne se réduira pas au risque de leur expulsion du territoire.  Le vent qui a poussé Gaby à aller jusqu’à « donner sa vie pour ses amis » souffle à notre porte.

 

Nous allons chercher davantage quel dynamisme travaillait dans l’être de Gaby et dans son comportement. Il racontait et écrivait dans les échos de Vitoria comment il se référait au sermon sur la montagne de Jésus : «  Heureux les Pauvres, les Doux, les Artisans de paix, par le respect du droit et de la justice … » (Matthieu 5). Son amitié avec Helder Camara, l’évêque de Récife, l’avait conduit à se reporter sans cesse à « l’option prioritaire pour les pauvres, » définie à Medelin et à Puebla. Gaby était un homme qui sans cesse faisait correspondre ses actes avec ses paroles et ses écrits.

 

Gaby, tu voulais aller jusqu’au bout de l’évangélisation, « jusqu’aux extrémités du monde » Tu disais Gaby ce que racontait Jésus. Nous sentons à travers tout le prophétisme de ta vie au Brésil et déjà chez nous, que tu faisais tout ton possible pour que les noms des personnes les plus éprouvées soient écrits sur la terre. C’est à travers le respect de leurs droits et de leur dignité sur la terre des hommes, dans nos rapports humains, qu’ils découvraient que « leurs noms sont écrits dans les paumes des mains de Yahvé Dieu », comme il est écrit dans le prophète Isaïe (49, 1-16)

En gravant ton nom Gaby sur la place de ton village, nous sentons bien que nous le lirons en passant à cet endroit. Nous continuerons alors d’entendre ton appel à ce que les noms des plus déshérités de la planète, et il y en a dans le Jura et il en arrive encore, soient écrits sur un morceau de Terre, sous un Toit, dans un contrat de Travail, les trois T que le pape François nous interpelle à réaliser.

Les Brésiliens l’ont bien conscientisé Gaby !

 

S’ils ont écrit ton nom sur un de leurs quartiers, sur une ligne de leurs bus, à l’entrée d’un institut pour personnes en difficulté, c’est parce que tu étais là avec eux dans leurs luttes pour obtenir, un Toit, une Terre, un Travail avec les plus réprouvés de la Terre. En cercle de silence Gaby, continue de nous souffler l’Esprit qui t’a fait prophète !

 

Quand nous lirons ton nom écrit sur la place de ton village natal Port-Lesney ou dans les écrits que nous nous transmettrons, aide-nous à nommer et écrire au profond de nos vies les noms de tous « les chercheurs de refuge ».

Ainsi, il en sera un peu plus sur la terre comme il en est dans le ciel. Qu’est-ce que nous serons heureux de nous être coltinés à l’impossible.

 

Gaby, nous avons grand besoin que tu sois prophète en ton pays le Jura, comme tu l’es encore à Vitória, le pays de nos amis brésiliens.

C’est pour cela que j’ai rapporté un peu de terre du Brésil, cette poignée que je tiens dans mes mains, je l’ai ramassée sur la tombe de Docteur Ewerton, le premier avocat qui a travaillé pour faire connaitre la vérité sur ton assassinat. Cette terre a fait pousser des justes et des prophètes à Vitoria. En la déposant au pied de la stèle où est gravé ton nom et tout à l’heure sur ta tombe, cette terre rendra possible que ton prophétisme pousse dans ton pays, le Jura.

 

Lucien Converset

Sur la tombe de Maitre Ewerton. Lulu ramasse un peu de terre pour la déposer à Port-Lesney.
Sur la tombe de Maitre Ewerton. Lulu ramasse un peu de terre pour la déposer à Port-Lesney.

Sur la tombe de Maitre Ewerton. Lulu ramasse un peu de terre pour la déposer à Port-Lesney.

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21 janvier 2020 2 21 /01 /janvier /2020 23:10

Noël est signe d’espérance lumineuse.

 

Eis os votos de Gaby para o Natal de 1985. Eles foram lidos em uma igreja da periferia de Vitória o 23 de dezembro. Padre Manoel ao ouvir disse: É ainda muito atual!

Feliz ano novo de 2020!

 

Voici les vœux de Gaby pour Noël 1985. Ils ont été lu dans une église dans la banlieue de Vitoria le 23 décembre. Padre Manoel en l'écoutant a dit : c'est toujours d'actualité !

Heureuse année 2020 !

 

célébration de Noël en famille. (Photo F. Phliponeau)

célébration de Noël en famille. (Photo F. Phliponeau)

Por muitas semanas, os envelopes estão prontos para os amigos a quem não escrevo ou respondo há muito tempo. Mas o tempo está correndo rapidamente, tudo se precipita.

 

 E O NATAL CHEGOU!

Paradoxalmente, é somente nesta tarde de 24 de dezembro, pouco antes de celebrar o Natal com cristãos de três comunidades, às 19:30, 21:30 e 23:30, que eu paro para lhes enviar esta breve mensagem. O NATAL É UM SINAL DE ESPERANÇA LUMINOSA. Que esta Esperança, esta Luz, esteja conosco todos os dias de 1986. Ano Internacional da PAZ, o que isso vai significar concretamente para nós?

 

 No Brasil, a vida do povo não está melhorando (eufemismo). O que significa TER ESPERANÇA?

 

O racismo existe aqui, triunfa na África do Sul, é bem classificado na França. O que significa TER ESPERANÇA?

 

Em quase todos os lugares, uma certa religião retrô, às vezes incentivada pelos dignitários da Igreja, cúmplices de opressores que precisam usar uma religião alienante, está ganhando terreno. O que significa TER ESPERANÇA?

 

O Ano Internacional da Juventude está terminando, mas as crianças deixadas sozinhas nas ruas e os jovens vítimas de desemprego são dezenas de milhões. O que significa TER ESPERANÇA?

 

Os ricos e os países ricos se fecham em seus privilégios, enquanto os pobres são marginalizados na miséria, que assume muitas formas. O que significa TER ESPERANÇA?

 

Os políticos de todos os países competem com truques e mentiras. O que significa TER ESPERANÇA?

 

E a doença, a solidão e os amores que não duram, e a vida que não é respeitada ...! O que significa TER ESPERANÇA?

 

Não direi o que significa ESPERANÇA. Cada um  descobre seus motivos para manter a esperança.

 

Só direi PORQUE eu, eu luto contra o desespero, PORQUE quero manter a ESPERANÇA. Quando meu coração quer endurecer, quando tenho vontade de chorar, quando minha vontade conhece a tentação de largar tudo, quando sofro violentamente por causa das infidelidades da Igreja, por causa de MINHAS infidelidades e fraquezas, por causa de tudo, quando tudo parece condenado ao fracasso, que tudo parece efêmero e inútil ... PORQUE eu quero manter viva a ESPERANÇA e garantir que minha vida não tenha outro sentido senão SER UM TESTEMUNHO DE ESPERANÇA.

 

POR QUÊ?

"As pessoas que caminhavam no escuro viram uma GRANDE LUZ ... o jugo que pesava sobre os ombros do povo, VOCÊ o quebrou. "(Isaías, 9, 1 e 3). É simples, é tudo. Isso anima muitas pessoas.

CRISTO ESTÁ NO MEIO DE NÓS.

ELE É LUZ, É ESPERANÇA.

Então, apesar de tudo, apesar de todos, apesar de mim, minha vida deve ser um sinal de ESPERANÇA e LIBERTAÇÃO, libertação total.

 

Tudo pode acontecer neste ano de 1986. Para mim, para cada um de vocês, para o mundo. Cada um de nós pode, neste ano, perder a esperança mil vezes. Mil vezes, teremos que retornar às fontes da Esperança. Isso é a lealdade à vida, à vocação, à missão, ao amor libertador e construtivo.

Então, Feliz ano novo de 1986! Ano de paz.

 

Gaby

 

(Trad : Angela)

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17 janvier 2020 5 17 /01 /janvier /2020 11:10

Article de Jean-Claude Gerez.  journaliste, travaillant pour différents supports catholiques francophones. Paru le 26 décembre 2019. 

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10 janvier 2020 5 10 /01 /janvier /2020 15:33
Photo F. Scalese

Photo F. Scalese

Pourquoi faire mémoire de la mort de Gabriel 30 ans après sa mort ? Beaucoup se posent cette question ! Je crois que ceux qui ont pu participer à l’une ou l’autre célébration, que ce soit au Brésil ou en France, ne sont pas repartis comme ils étaient venus.  S’il vous est déjà arrivé de vivre des moments de souffrance, de tristesse, de désespoir, tricoté avec du bonheur d’être ensemble, de fraternité, d’amour comme un souffle pour rester debout et avancer envers et contre tout, vous êtes capable de comprendre… Au Brésil, nous avons accueilli des témoignages très étonnants qui montrent que si Gaby a été tué, il est toujours vivant dans la vie, dans la réflexion, dans le quotidien de ceux avec qui il a cheminé, ou qui l'ont connu depuis son assassinat. Le grain semé en terre a porté du fruit !

 

Joana, Penha, Oscarina, Penha Dalva, Rachel, Jovanir, et Padre Manoel sont venus mettre leurs pas dans les pas de Gaby en France. Les Français qui les ont rencontrés  ont été touchés par leur dynamisme, leur joie communicative, leurs chansons. La célébration de mémoire des martyrs d’aujourd’hui a été associée à la fête de l’Epiphanie ce 5 janvier à Poligny. Joie, émotion et larmes étaient mêlés. Chacun a pu se laisser interpeler personnellement sur ce qu’il pouvait donner à son tour.

"Jésus, de l'or, de l'encens, ou de la myrrhe, je n'en ai pas ! Mais voici ce que je peux donner !"

 

Elisabeth Lamy

Journée de mémoire des martyrs et fête de l'Epiphanie (Photos Rosaline Coulon)
Journée de mémoire des martyrs et fête de l'Epiphanie (Photos Rosaline Coulon)
Journée de mémoire des martyrs et fête de l'Epiphanie (Photos Rosaline Coulon)
Journée de mémoire des martyrs et fête de l'Epiphanie (Photos Rosaline Coulon)
Journée de mémoire des martyrs et fête de l'Epiphanie (Photos Rosaline Coulon)
Journée de mémoire des martyrs et fête de l'Epiphanie (Photos Rosaline Coulon)
Journée de mémoire des martyrs et fête de l'Epiphanie (Photos Rosaline Coulon)
Journée de mémoire des martyrs et fête de l'Epiphanie (Photos Rosaline Coulon)
Journée de mémoire des martyrs et fête de l'Epiphanie (Photos Rosaline Coulon)
Journée de mémoire des martyrs et fête de l'Epiphanie (Photos Rosaline Coulon)
Journée de mémoire des martyrs et fête de l'Epiphanie (Photos Rosaline Coulon)
Journée de mémoire des martyrs et fête de l'Epiphanie (Photos Rosaline Coulon)
Journée de mémoire des martyrs et fête de l'Epiphanie (Photos Rosaline Coulon)
Journée de mémoire des martyrs et fête de l'Epiphanie (Photos Rosaline Coulon)

Journée de mémoire des martyrs et fête de l'Epiphanie (Photos Rosaline Coulon)

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9 janvier 2020 4 09 /01 /janvier /2020 15:00
Programme haut-jurassien pour les Amis Brésiliens

Joana  Jovanir Manoel Oscarina Penha Penha-Dalva, et Raquel sont bien équipés pour visiter le Haut-Jura du  10 au 13 janvier. 

 

Vendredi 10 janvier :

Ils prennent la ligne des hirondelles jusqu'à Saint-Claude avec Lulu qui saura leur faire partager l'histoire et la géographie locale.

Petite visite de Saint-Claude et de la Maison du Peuple dans l'après-midi. 

20h : Conférence de Rémy Gaudillier, Salle Witchi à Saint-Claude.

 

Samedi  11 janvier :

Ils profiteront que les JO jeunes 2020 aient lieu dans les parages, pour voir une course féminine de Biathlon  aux Tuffes.

Repas Bois d’Amont       

Après-midi : Visite de la boissellerie à Bois d’Amont

20h : Un film brésilien : Au cœur du monde, à la maison de peuple. + échanges à l'issue du film. Ce film sera projeté à nouveau le mercredi suivant, mais sans la présence des Brésiliens.

 

Dimanche 12 janvier :

10h30 Messe à la Cathédrale en présence de l'administrateur diocésain Raymond Monnoyeur.*

Repas partagé au presbytère.

Temps d’échange, témoignages du vécu avec Gaby.

Visite de la Cathédrale,

 

Lundi 13 janvier :

Visite de la Fromagerie des Moussières et des Musées de Saint-Claude

Retour dans le bas-Jura le soir par le train des Hirondelles.

 

Venez les rencontrer ! ils ont beaucoup à nous partager, et surtout leur joie de vivre, et leur espérance.

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Présentation

  • : Les amis de Gabriel MAIRE
  • : L'association "Les amis de Gabriel MAIRE" a été créée après l'assassinat de Gaby au Brésil le 23 décembre 1989. . A associação "les Amis de Gabriel Maire" foi criada depois da morte do Padre Gabriel em Brasil o 23 de dezembro de 1989.
  • Contact

A partir de novembre 2014, le blog devient bilingue. Les pages pour nos amis brésiliens sont visibles à partir du lien "Em portuguès" N'hésitez pas à vous inscrire ci-dessous pour être informé des mises à jour. Merci !

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