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5 mars 2020 4 05 /03 /mars /2020 13:53

Vitoria-Flexal, le mercredi 18 décembre 2019

 

COMMENT TU AS FAIT GABY, POUR SAVOIR QUE JESUS ETAIT LA-DEDANS ?

 

Aujourd’hui nous sommes prêts à partir marcher là où Gaby a marché et tracé, aux abords du marais en plein FLEXAL. Ce territoire porte ce nom parce qu’il y a très longtemps il y avait là une forêt de bambous. C’était un endroit où vivaient des Indiens. Avec ces bambous, ils faisaient leurs arcs et leurs flèches : Fléchas.

 

Nous partons rencontrer des gens avec qui Gaby a vécu. J’ai envie de lui dire dans notre prière de contemplation et d’émerveillement : « Comment tu as fait, pour savoir que Jésus était là-dedans ? » Et je l’entends qui me répond : « Partout où il y a des gens qui sont solidaires et qui s’aiment, Jésus est là-dedans. » Et nous allons en rencontrer des gens qui s’aiment et qui sont solidaires les uns des autres ! Comme Gaby, ils continuent de donner leurs vies pour ceux qu’ils aiment. François, notre ami photographe dit : « Là où il y a un chemin, il y a une volonté. »

Nous quittons la maison de Penha et Gelso vers 8h45. C’est Ailton qui nous accompagne. Si j’ai bien compris, cet homme est responsable dans la communauté ecclésiale, et il a à dessein de se présenter aux prochaines élections municipales.

 

JUSQU’A AUJOURD’HUI, PADRE GABRIEL N’EST PAS MORT. IL EST VIVANT AVEC NOUS.

Aiton nous emmène chez une femme, où il faut passer par un tout petit jardin planté de rosiers blancs. Cette femme s’appelle Dona Laura. Elle nous raconte qu’elle est une des premières habitantes de ce coin de terre. Après avoir bâti leur petite maison, avec quelques membres de leur famille et des voisins, ils ont voulu bâtir un petit habitacle pour s’y rassembler et prier. D’emblée, elle nous dit que Gaby avait donné à cette petite maison en planches, le nom d’un homme qui avait été tué en raison de ses engagements sociaux : Santo Dias. Cette femme, Dona Laura, est très peinée, parce qu’aujourd’hui les responsables de la communauté ont arrêté d’appeler ainsi leur église. Ils lui ont donné le nom de : « Eglise du Christ-Roi ». Pendant que Dona Laura nous raconte cela, arrive Isabela, chez qui on descendra tout à l’heure.

 

 

Dona Laura continue en nous disant : « Vous êtes les amis du prêtre que je considérais comme mon papa. » Dans ce quartier, quand nous avons commencé d’y habiter, il n’y avait pas l’eau, ni l’électricité, ni les bus pour aller au travail. Il y avait à peu près 3 ans que l’on habitait là, j’ai dit un jour à quelques voisins : «  Il n’y a pas non plus d’église ici, il faut qu’on trouve des planches pour faire un abri. C’est ce qu’on a fait. C’était sur la terre battue. C’est à ce moment-là que Padre Gabriel est venu nous voir. On était heureux qu’il vienne nous voir. Il a dit : « On va donner un nom. » Il a proposé Santo Dias « parce que cet homme avait été tué à cause de ses engagements. Quand Padre Gabriel a été tué, on a enlevé notre Padre Gabriel, mais pas de notre cœur. Tout le monde a été dans la peine. »

 

 

Quand on a commencé de bâtir l'église, j’étais aide-ménagère chez des gens riches. Nous étions pauvres comme Job dont on parle dans la bible. Mais Padre Gabriel était notre père, j’étais seule avec 5 fils. Mais Dieu, avec l’Esprit-Saint nous a aidé tous les jours jusqu’à maintenant. Padre Gabriel reste en nous. Jusqu’à aujourd’hui Padre Gabriel n’est pas mort, il est vivant avec nous.

 

  « C’EST JESUS QUI EST NOTRE SECURITE »

Les nouveaux responsables de la communauté ont voulu donner un nouveau nom à cette église. Ils l’appellent : « Christ-Roi » pour moi elle dit : « C’est toujours Santo Dias » D’ailleurs, la rue porte le nom de cet homme. Je suis la dernière de l’époque à rester ici. Je prie Dieu pour que le Brésil puisse continuer longtemps… Aujourd’hui, c’est la guerre. Il y a beaucoup de violences. Les gens s’enferment chez eux. J’ai peur. C’est Jésus qui est notre sécurité.»

François notre ami photographe propose que ce témoignage soit écrit, comme d’autres et qu’il soit mis dans le dossier pour la béatification de Gaby. Il explique que l’on a rencontré l’évêque de Vitoria, Don Dario… Dona Laura dit : «  Ce que je sais, je le dirai »

Elisabeth offre à cette femme la croix de Taizé que Gaby portait sur lui et qu’il avait offerte à beaucoup de gens lors de ses retours de congé en France.

 

GABY N’A-T-IL PAS ETE « PEDAGOGUE DES OPPRIMES » ? ! (Paolo Freire)

Nous entrons dans la petite église qui est en face de la maison de Dona Laura. Je repense, en écoutant ce que cette femme vient de nous dire, à ce que les gens des Minerais dans mon village de Dampierre dans le Jura, avaient fait avec Marcel Blondeau leur curé en 1957. Sa pédagogie, sa façon de vivre avec les gens était très ressemblante à celle de Gaby qui était son ami. Les gens du hameau des Minerais et Marcel avaient réalisé ensemble une petite chapelle dont il ne reste rien hélas aujourd’hui. Il me revient aussi ce que Jésus avait dit à François d’Assise : « François, répare mon Eglise »

Puis, les gens qui sont arrivés au moment où nous sommes entrés dans l'église se mettent à chanter. Nous nous présentons les uns aux autres. J’ai l’impression que nous sommes en train de célébrer ce que nous venons d’entendre raconter par Dona Laura et ce que nous allons voir encore et reconnaitre de la « pédagogie des opprimés. » Gaby et tant d’autres ont su inventer, réaliser et susciter un nombre incroyable de « communautés ecclésiales de base » dans le sillage de Medellin et Puebla. Nous sommes en pleine « théologie de la libération ». Je suis venu chercher les traces de cette théologie et je me trouve devant la même constatation quand je cherche ce qu’il reste de ce que nous vivions en équipe JOC, ACE, ACO. Des hommes et des femmes qui vivent en conformité avec l’évangile de Jésus et qui ont grandes difficultés à continuer de trouver la communauté où coule la source qui nous a tant alimentés dans nos luttes : ta présence aimante Ami Jésus. Je crois que tu continues d’être là au milieu de nous. Il y a une même pédagogie à inventer aujourd’hui pour que nous trouvions le souffle qui nous permette de nous libérer de ce qui nous opprime. Nous sommes dans une société de consommation qui nous enferme et nous broie. Elle nous casse les uns des autres. Elle nous enfouit et nous annihile. Elle empêche de faire germer, pousser et porter du fruit. Comment ensemencer et planter tout cela ? Comment le chanter aussi ? Nos amis brésiliens entonnent alors un chant que Gaby aimait beaucoup :

 

« Vient un jour nouveau où il n’y aura plus ni esclave ni homme libre, ni femme, ni homme… »

Et quelqu’un dit : «  On chantait ce chant à toutes les messes avec Padre Gabriel… »

« … Le noir ne sera plus prisonnier, l’indien ne sera plus méprisé et spolié de sa terre, le blanc …

tous nous mangerons au même plat

la femme aura des droits

aux décisions elle pourra participer

ce n’est que quand nous serons réunis comme nous l’étions à Jérusalem,

que l’Esprit-Saint sera avec nous. »

 

Au moment où nous allons dire au revoir à ces gens qui viennent de nous aider à chanter notre libération, la leur et la nôtre, celle de toute la terre, Dona Laura sort de chez elle et vient à notre rencontre. Elle a plein de roses sur les bras et nous en donne une à chacun, une belle rose blanche sur sa tige, auréolée de feuilles vertes. En nous les offrant, elle nous raconte ce que Gaby lui avait dit un jour : « Dona Laura, fais un jardin dans la terre devant chez toi. Plante dedans des roses blanches. Un jour, tu pourras offrir des roses à des gens que tu n’avais encore jamais rencontrés… » Parole prophétique de Gaby une fois encore. Qu’en ferons-nous ? Quand ferons-nous de même ?

 

 

 

 

QU’EST-CE QUE NOUS EN AVONS APPRIS DES CHOSES AVEC PADRE GABRIEL !

Et nous voici chez Isabelle et son père Serge, dans leur maison. Nous demandons à Serge : «  Quels sont vos souvenirs avec Gaby ? »

Serge : Padre Gabriel nous a appris à nous rassembler et à savoir comment aller vers les autres. Il a célébré notre mariage ma femme et moi. Son objectif et le nôtre, c’était d’apporter la paix à Cariacica.

Les politiciens ne nous regardaient pas avec importance.

Ailton, qui a été cité par Gaby dans les « Echos de Vitoria » prend beaucoup la parole chez les gens chez qui il nous conduit. Cependant il nous aide à rencontrer des gens qui vivent vraiment en grande précarité. Ces gens que nous rencontrons ont appris à lutter grâce à Gaby, pour sortir de ce qui les opprimait. Comment se continue cette lutte ? Car l’oppression est toujours là. Dans nos cœurs, nous voudrions bien qu’Ailton se présente dans ces visites que nous réalisons, non comme un leader mais comme celui qui aide les gens qui l’éliront, à se sortir d’où ils sont enfoncés par Bolsonaro le nouveau président de la république.

 

Serge continue à nous dire : « Padre Gabriel nous avait demandé d’écrire ce que nous vivions sur un cahier. » Les gens sourient en me regardant écrire sur mon cahier ce que Serge est en train de nous partager. Savaient-ils que leurs témoignages étaient souvent écrits par Gaby dans les échos de Vitoria qui nous parvenaient dans le Jura ?

Serge continue à raconter comment Gaby les a beaucoup accompagnés dans leur vie : « Il a célébré notre mariage et le baptême de notre fille Isabelle qui est là. Avec lui nous avons créé une école pour nos enfants… »

Isabelle : « Je suis coordinatrice de la communauté du Christ-Roi. Beaucoup de gens qui ont connu Gaby sont entrés dans des groupes évangéliques… »

La petite fille Espérance nous habite en remontant ce chemin qui a pour nom Santo Dias, que la pédagogie de Gaby, sa façon de vivre avec les opprimés, se maintienne.

 

AVEC PEU, ON PEUT TRANSFORMER BEAUCOUP DE CHOSES !

Nous voici chez Lia, une jeune avocate et journaliste, qui reste dans ce quartier et qui, avec des moyens simples, essaye de promouvoir le souffle culturel que des gens voudraient faire entrer dans leur vie.

Elle n’a pas connu Gaby mais sa façon de vivre lui ressemble beaucoup. Elle est avocate. Elle a fait le choix de rester dans son quartier pour être au service des plus démunis, afin de promouvoir dans sa cuisine des cours ménagers, dans son jardin une façon de cultiver, et dans ce qui lui reste de temps, des animations de cirque. « Nous n’avons de l’eau que la nuit » nous dit-elle. Elle est en partenariat avec l’école, pour la radio, la littérature, la cuisine, le cirque et la décoration. En ce qui concerne la radio, elle cherche à donner la voix et la parole aux personnes de la communauté, et à révéler l’image du quartier. Elle nous dit : «  Je ne viens pas de la pauvreté, je viens de la misère… J’avais 8 ans quand une voix m’a fait comprendre qu’il fallait que j’étudie beaucoup, afin de ne pas rester dans les difficultés familiales et sentimentales… agir pour que les enfants ne soient pas ce que j’ai été… qu’ils ne vivent pas ce que j’ai vécu… Notre population a doublé mais les structures : eau, égouts, électricité, n’ont pas été développés en conséquence de l’augmentation de la population… »

 

 

C’est avec une profonde émotion que nous nous disons au-revoir Lia et nous. Elle nous dit alors : «  Notre maison est encore plus bénie maintenant que vous êtes venus »

 

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10 février 2020 1 10 /02 /février /2020 16:48

Vitória-Cariacica, le samedi 21 décembre 2019

 

« SOYEZ TOUS LES ACTEURS DE VOTRE HISTOIRE »

(cf. : la journaliste de la télévision de Vitória qui interviewe Gaby le 21 décembre 1989)

 

En ces jours historiques où nous sommes venus célébrer et reconnaitre à Vitória au Brésil, le prophétisme du Padre Gabriel Maire, il y a ce jour-là du 21 décembre 1989. En effet il y a 30 ans aujourd’hui, Gaby était interviewé par une personne de la télévision locale. Cette personne, émerveillée et étonnée par ce que Gaby venait de donner comme parole de vie, lui exprimait sa reconnaissance en lui disant à la fin :  « Gabriel. Merci. Soyez toujours l’acteur de votre histoire. » Gaby pressentait-il que sa mort était déjà décidée à ce moment-là ?

 

Paroles prophétiques de cette personne à l’adresse de Gaby. En effet, Gaby continue d’être l’acteur de son histoire en nous interpelant à l’être de la nôtre. N’est-ce pas ça faire entrer en nous l’esprit de Noël ? Gaby dira : « Noël, c’est Dieu avec nous Emmanuel. Et le Christ incarné dans la chair, Jésus-Christ prisonnier au milieu de la lutte du peuple … Le capitalisme est universel. Il sait très bien faire dévier le sentiment religieux des gens, occuper l’espace, profiter de toutes les fêtes religieuses pour en faire un commerce… Comment devenir levain dans la pâte ? C’est le rôle de ceux qui suivent le choix de Jésus-Christ, qui font le choix des pauvres. »

 

A nous aussi est envoyé un sacré cadeau de Noël !

Nos amis brésiliens nous font comprendre que les paroles, les actes, les moments de vie que Gaby leur a offerts et qu’il savait recevoir d’eux, étaient de sacrés cadeaux. A les entendre tous ces jours nous raconter ce qu’ils ont réalisé avec et grâce à Gaby, nous avons la réelle impression, qu’à nous aussi, est envoyé durant ce jour, un sacré cadeau de Noël. Nous comprenons en effet que ce que ces gens ont reçu par la médiation de Gaby il y a un peu plus de 30 ans, c’est toujours actuel, c’est toujours vivant. Par eux, nous parvient ce message : « Soyez tous les acteurs de votre histoire » Il y a comme un envoyé qui nous dit dans nos tourments :   « Rassurez-vous, car voici qu’aujourd’hui, pour votre vie de maintenant, un sauveur vous est né qui est le Christ Seigneur. » (Luc 2, 11)

 

« S’engager sur le terrain politique, c’est s’engager à aimer » (Pie XI 1931)

Nous voici dans la voiture conduite par notre amie Lourdes. Cette femme est toujours habitée et porteuse d’une parole forte et abondante, afin de renverser ce qui n’est pas juste, à l’égard des femmes et des pauvres. Tout le long du trajet qui nous emmène chez Claudio et Tereza, Lourdes n’arrête pas de faire sortir d’elle une parole libératrice. Une fois parvenus chez nos amis, nous retrouvons dans une maison très accueillante, de nombreuses personnes, assesseurs travaillant à se relever des épreuves traversées au parti des travailleurs (PT). Heureux de retrouver Claudio et Tereza, de les rencontrer chez eux, à « la barre de Jugu ». Nous reparlons de leur venue en France en 2002, probablement quand Dominique Voynet alors ministre de l’environnement les avaient accueillis. Nous les avions reçus aussi dans le foyer Emergence du CAT de Dole. Nous reparlons de Paul et Claudette Clémens qui nous traduisent leurs messages et nous les font parvenir par Elisabeth.

 

Il s’en alla avec ses disciples de l’autre côté du « torrent du Cédron » (Jean 18, 1)

Nous entrons durant la soirée dans ce moment où Gaby venait d’être témoin de l’amour d’un homme et d’une femme en célébrant leur mariage… Nous sommes dans les abords de la chapelle de Castelo Branco. Que s’est-il passé dans l’être de Gaby pour qu’il demande à la fin de la célébration de chanter avec lui ce chant prémonitoire "Eu quis comer esta ceia agora" (Luc 22) C’est de la même veine que ce que dit et fait Jésus le soir du Jeudi Saint après avoir lavé les pieds de ses disciples, partagé le pain et le vin pour signifier qu’il nous donne tout son être… certains lui tournant les talons, il part traverser le Cédron et tombe à terre en agonie au jardin des oliviers, à Gethsémani…

Lors de la célébration dans l'église de Castelo Branco le 21 décembre 2019
Lors de la célébration dans l'église de Castelo Branco le 21 décembre 2019

Lors de la célébration dans l'église de Castelo Branco le 21 décembre 2019

 

Gaby à la manière de Jésus, tu donnes toute la vie, toute ta vie depuis le commencement !

C’est étonnant comment tu nous as appris à remonter en amont des situations injustes, à énoncer et dénoncer ce qui abime notre humanité,

  • tu nous as provoqués à ne pas rester à ce que nous voyons et constatons,
  • tu nous as appelés avec respect et exigence à nous engager à briser les chaines de servitude. Qu’est-ce que la servitude ? Ce qui fait qu’un être pense légitime le fait d’avoir du pouvoir sur un autre, sur beaucoup d’autres. Et il le justifie (les Etats font de même pour partir en guerre en accaparant ce qui ne leur appartient pas)
  • Gaby, nous n’aurions jamais dû partir en guerre en Algérie. Rien ne le justifiait réellement. Nous l’avons appris là-bas.
  • Gaby, tu nous as appris à continuer ce que nous avions entrepris et commencé.
  • Gaby, tu nous as appris à aller jusqu’au bout du don.
  • Gaby, toi qui es arrivé, fais que mes amis et moi nous continuions à nous donner à celles et ceux avec qui nous avons commencé d’envisager de nous tenir par la main, de nous maintenir sans nous prendre.
  • Gaby, fais que je ne prenne pas pour moi, fais que nous ne prenions pas pour nous, celles et ceux avec qui nous nous sommes embarqués.
  • Gaby, fais que je les aime comme tu les as aimés, ces femmes et ces hommes de Vitória, ces femmes et ces hommes du Jura.
  • Gaby, tu avais commencé de les aimer en France avant que tu ne partes pour le Brésil.
  • Gaby, aide-nous à aller jusqu’au bout de ce que nous avons commencé.

 

 

* L'interview de Gaby est visible ici ! Clic ! Interview en portugais, traduite par Marcel Cortey, et lu par Jean Fugeray pour la verson française.

 

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9 février 2020 7 09 /02 /février /2020 16:20
Naitre à l'objection de conscience

 Vaudrey, vendredi 17 janvier 2020

 

« A PROPOS DE LA GUERRE D’ALGERIE JE VOULAIS ENCORE DIRE… » (Gérard Mouquod)

 

Quelques jours après, venant chez Gérard et Marie-Thérèse à Vaudrey pour la réunion de Siloé, nous constatons que nous avons encore beaucoup à recevoir les uns des autres, suite à ce qui fut initié par la venue de nos amis brésiliens lundi dernier. Gérard me dit : 

Gérard : Tu es venu pour la réunion de Siloé, mais à propos de la guerre d’Algérie, j’ai encore des tas de choses à dire.

Lucien : Je prends mon cahier afin de ramasser ce que tu vas nous partager.

 

Gérard : Quand je suis parti à l’armée, j’étais contre la guerre d’Algérie. Un gars de Parcey qui avait quelques années de plus que moi… ses parents et les miens étaient très amis … ce gars était parti soldat en Algérie, comme ça allait bientôt m’arriver… Quand il est revenu en permission depuis l’Algérie, au moment où il est arrivé en gare de Dole, au lieu de continuer jusque chez lui à Parcey, il s’est jeté dans le Doubs… Un autre, Marcel de Villette parti soldat lui aussi en Algérie… quand il est revenu en perm, il nous avait invité chez lui. Il nous a montré des photos. C’était des photos de ses copains morts, des photos de cercueils… triste, il est revenu… triste, il ne s’est jamais remis de cette guerre.

Marie-Thérèse : Dans ma famille, j’avais deux frères soldats en Algérie : Pierre et Jacques …

Lucien : A partir de 1956, il y eut en permanence en Algérie 400 000 soldats …

Gérard : Il y a eu aussi un gars de Goux qui est parti soldat en Algérie en même temps que moi. Il a dû lui aussi voir des horreurs. Il ne s’en est jamais remis. Il est mort jeune.

 

Lucien : Beaucoup d’entre nous, nous avons fait la moitié de ce temps de service en France, nous devions accomplir la deuxième moitié en Algérie où sévissait une guerre coloniale. En arrivant en Algérie, nous découvrions que nous devenions complices du maintien de ce pays sous l’empire et l’emprise de la France. L’opinion de la majorité des Français nous poussait à maintenir que les départements d’Algérie demeurent et restent des départements français.

 

Nous continuons Gérard, Marie-Thérèse et moi à nous dire que si nous en avions eu le temps, on aurait pu dire encore à nos amis brésiliens quel était l’état de l’opinion de la France au moment où nous partions soldats en Algérie. Beaucoup de gens de nos familles, de nos villages et de nos villes, prétendaient que la France allait de Dunkerque à Tamanrasset. Cet esprit impérialisant et colonialiste imprégnait l’opinion d’une grande partie des Français. Une sorte de fatalisme guidait l’attitude du gouvernement de la nation française, des politiques, de l’armée, à qui le gouvernement avait remis un temps tous les pouvoirs. Une part importante de l’Eglise catholique consentait à cet état d’esprit et s’y compromettait.

 

Cependant, dans le peuple français, dans certains partis politiques, le PSU, Le MLP, le PC, dans certains mouvements d’Eglise, les mouvements d’Action Catholique, et beaucoup grâce à un hebdomadaire comme « Témoignage Chrétien » (TC) se référant à l’évangile du sermon sur la montagne où Jésus nous interpelle à être des artisans de paix, nous nous refusions d’être inféodés à ce colonialisme envahissant et criminel. Un général de l’armée française Jacques de Bollardière, en pleine « bataille d’Alger » alla affronter le général Massu puis plus tard le général De Gaulle. Il exprimait sa réprobation devant les méthodes employées par l’armée française durant ce conflit. Il refusa de continuer à servir. Il y eut aussi plus d’objecteurs de conscience que nous ne le pensons.

 

Astreints à ce damné service militaire, nous allions mettre du temps à nous laisser travailler par la non-violence, à devenir objecteurs de conscience. Nous n’avions pas encore découvert que nous n’aurions jamais dû partir dans un service national, qui était en fait nationaliste et asservissant, inféodé au colonialisme qui empestait la France.

 

Jeunes Français, nous partions en fait continuer d’occuper un pays : l’Algérie, où une multitude d’habitants luttaient pour réaliser l’indépendance et l’autonomie de leur pays. Ils étaient le peuple algérien.

 

Afin de justifier notre acte d’occupation militaire et violente, voici comment s’y prenaient les détenteurs de l’autorité civile et militaire qui nous commandaient, nous, soldats du contingent. Nous étions tenus au service militaire de 28 mois. Voici comment nous l’accomplissions : moitié en France ou en Allemagne, avec des stages pro-AFN (Afrique Française du Nord) et la deuxième moitié dans le djébel algérien. Ceux qui pensaient être nos chefs essayaient pour la plupart de nous persuader que tous les résistants algériens étaient des terroristes.

 

Lucien : C’est dans cette terrible guerre que nous allions apprendre à devenir objecteurs de conscience. Je dirai un jour (quand je serai le 8 décembre 2018 à Oran pour la béatification des 7 moines de Thibirine et de leurs 12 compagnons, témoins-martyrs) que « l’Algérie est le pays où je suis né … à l’objection de conscience. » Je dis aujourd’hui que nous n’aurons jamais fini de naitre, renaitre, se reconnaitre dans la non-violence.

 

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8 février 2020 6 08 /02 /février /2020 13:22
Bernard Colombe, prêtre Fidei Donum, a connu Gaby au Brésil.

Bernard Colombe, prêtre Fidei Donum, a connu Gaby au Brésil.

Lettre de Gabriel Maire du 21 décembre 1989

 

Bien cher Bernard,

 

Le temps passe, et j'ai bien peu de temps pour écrire. Peut-être ne sais-je pas bien m'organiser. Je te remercie pour tes deux lettres arrivées après ton séjour au Brésil (en juillet), la dernière étant du 9 décembre.

On a un temps terrible : beaucoup de pluie, des inondations un peu partout au Brésil...C'est dommage qu'il faille attendre le 15 mars prochain pour que Collor vienne mettre un peu d'ORDRE au Brésil. Les militaires sont très contents...beaucoup de « chrétiens » aussi (Collor parle beaucoup de « Dieu »), même si beaucoup d'autres sont très déçus. La CNBB commence à montrer que les semonces de Rome portent des fruits : quelques évêques ont ouvertement pris position... mais si peu ! Suffisamment tout de même pour que, quand le nouveau président aura montré ce qu'il est (un dictateur), l'Eglise puisse dire que la hiérarchie ne l'a pas privilégié.

Vieille histoire du conflit entre le prophétisme et la prudence non-évangélique !

En tous cas, les moyens utilisés par Collor, la TV Globo, l'ensemble des supporters, ne sont guère à l'honneur du nouveau président.

Belle occasion perdue ! Pourtant la lutte a été belle ; et qu'un tourneur ait pu faire trembler si fort l'armée, le pouvoir économique, la bourgeoisie, les vieux politiques, les bons chrétiens pratiquants, etc... c'est déjà un pas énorme. Et finalement prendre les rênes d'un pays qui a un taux d'inflation de 54 % par mois (décembre) n'est pas si enthousiasmant.

La fête de l'installation de la paroisse St François d'Assise a été très belle. Pour le moment, le rythme est plus lent (heureusement!) mais les fruits seront cueillis peu à peu. Seu Zelino  dont tu me parles a voté Lula au ler tour, mais il a rejoint sa  famille naturelle au second, disant : « finalement les évêques ont dit qu'on pouvait voter l'un ou l'autre, qui ont presque le même programme ».

Je pense que j'irai en France en 90, de la 2ème quinzaine de juillet à la 2ème quinzaine de septembre. Darcio a déjà programmé d'aller en France (en réunissant l'argent de son salaire et des membres de sa famille) du 14 février à septembre. Pour avoir droit à un visa temporaire (et pas seulement de tourisme), il lui faudrait être inscrit à un cours, par exemple). J'en ai parlé à mon frère Bernard, mais je n'ai pas encore de réponse. Connais-tu quelque chose ?

Un bon Noël ! E feliz ano novo. Abraço   Gaby

 

PS Pourquoi tant de timbres ?! L'enveloppe était prête dès octobre...mais les tarifs augmentent 2 fois par mois... et l'ECT ne fait pas de timbres correspondants. Alors... !

Le 21 janvier 2020

 

Bien cher Gaby,

 

Il est temps de répondre à ta lettre du 21 décembre 1989 qui me souhaitait un bon Noël et un feliz ano novo. Mais les choses ne se sont pas du tout passées comme ça...

Deux jours après, une embuscade du coté de Castelo Branco, où tu  venais de célébrer un mariage, t'a fait entrer instantanément dans le monde nouveau pour lequel tu travaillais.

Tu avais curieusement demandé aux participants de chanter un cantique prévu pour le Jeudi-Saint ! Ce repas est le dernier, je vais vous quitter... Trente ans après, les gens reparlent encore de ce choix qualifié de prémonitoire. Les menaces que certains t'avaient faites à visage découvert dès le mois de juin, reprises en novembre je crois, t'avaient douloureusement ébranlé mais tu avais dit que tu voulais rester sur place par fidélité aux gens de Cariacica.

 

Tout cela est revenu à nos oreilles lors d'un voyage organisé par l'association fondée dans le Jura, ta terre natale, dès 1990. Tes amis jurassiens s'engageaient alors pour soutenir financièrement l'avocat contracté par ta famille afin d'essayer de déposer une plainte pour homicide, alors que la thèse de la police était celle d'un hold-up ayant mal tourné. Personne parmi tes paroissiens de Castelo Branco et de Porto de Santana n'ont cru une minute à cette fable et tous t'ont appelé martyr et prophète dès l'annonce de ta mort et aujourd'hui encore.

 

Mgr Legrez alors évêque à Saint-Claude, lors du 20ème anniversaire de ton assassinat, était étonné, lors de sa visite à Cariacica, que les gens se souvenaient encore de toi et il se demandait avec humour qui se souviendrait encore de lui 20 ans après sa mort ! Dix ans ont encore passé et notre petit groupe de 6 personnes (Elisabeth Lamy de la présidence collégiale, sa fille Rachel revenant d'une tournée à la rencontre d'acteurs de paix dans différents pays, les Pères Lucien Converset, ton ami d'enfance, et Jean-Marie Bouhans ancien Fidei Donum d'Argentine, François Phliponneau d'ATD, notre précieux photographe) a recueilli les témoignages émus de ceux que tu as mariés ou baptisés, et aussi de toutes ces personnes que tu as mises en route par une prise de responsabilité dans les communautés : il y avait déjà des ministres du baptême ou des témoins qualifiés du mariage, choisis par les communautés et formés de manière adaptée. Et puis nous avons écouté ceux et celles qui, par le biais de la pastorale de la jeunesse, issue de la JOC locale ou par la pastorale ouvrière, avaient pris goût à l'engagement social ou politique, ce qui, quelque temps auparavant, leur paraissait bien lointain ou décourageant.

 

L'un deux, Helder Salomão, aujourd'hui député fédéral et qui a été maire de cette grosse commune de Cariacica (400.000 hs aujourd'hui), créait, dans la semaine qui a suivi ta mort, une chanson que beaucoup connaissent par cœur et qui a été traduite depuis :

Je préfère mourir pour la vie que vivre pour la mort

(une phrase que tu avais prononcée quelques temps avant)

Parmi les gens qui souffrent, ta voix résonne encore très fort

Ton rêve de paix ne meurt pas

Démocratie est à l’œuvre aujourd'hui.

 

Ref  - Prophète Gabriel, ta lutte n'a pas été vaine.

Ton sang est semence de vie

Vienne le jour de la libération.

 

Ta foi et tes engagements ont dérangé les puissants

pour défendre le droit à la vie ou la lutte du travailleur

Ton rêve obstiné ne meurt pas,

Dieu toujours accompagne son peuple.

 

Ils ont fait taire un prophète. Un frère est encore tombé.

Ton cap nous le maintiendrons : éclosion d'un monde nouveau

Ton rêve Gaby ne meurt pas

Le Royaume avec nous se construit.

 

C'est un chant-symbole qui a été repris depuis trente ans dans les célébrations nombreuses qui ont marqué l'histoire de ta vie désormais dans la Vie. Elles sont ponctuées d'un : Gabriel, presente ! qui peut se lire à deux niveaux : ta présence comme celle d'un héros de cette histoire de libération qu'on ne veut pas oublier et celui de la foi qui croit à la vie après la mort. Et c'est vrai que ce voyage de trois semaines dans l'agglomération de Vitoria nous a fait vivre dans le passé, dans le présent et dans l'avenir.

 

Le passé a une forte note nostalgique car cette décennie des années 80 que tu as parcourues   a été celle des acquis de la précédente, de la structuration du diocèse en communautés ecclésiales de base et des pastorales sociales, de la forte participation des laïcs à tous les niveaux et dans le mouvement populaire qui renaissait déjà sous la dictature militaire. On allait tous vers un mieux... Donc les gens rencontrés parlent de ces années glorieuses avec saudade.

Pourtant tu sentais bien des réticences chez des laïcs et certains prêtres. Tes Echos de Vitoria adressés à tes amis du Jura et d'ailleurs (une équipe autour de Jovanir Poleze et de Dárcio Mosquem les a traduits et publiés il y a quelque temps) en sont le témoin. Et ta lettre le montre bien : tous n'ont pas eu ta vision politique et ecclésiale dont tu as, semble-t-il, hérité de ton père Henri, conseiller municipal pendant 25 ans (on vient de l'apprendre à Port-Lesney, lors de l'inauguration d'une place Gabriel Maire devant l'église de ton baptême).

 

Le présent est douloureux pour ceux que nous avons rencontrés. Et quand tu évoques le président Collor élu en 1989, et les inquiétudes qu'il te causait, en surimpression on lit Bolsonaro… Je me suis demandé si on ne se trouvait pas devant un champ de ruines : les militants sont perdus devant la politique autrement de cet ancien capitaine, les réseaux sociaux qui sont apparus depuis avec leur montage de fake-news difficiles à contrer, la montée de groupes chrétiens adeptes de la théologie de la prospérité ou grands amateurs de miracles ou de dévotion, l'abandon fréquent de la formation biblique chère à ton cœur, malgré des efforts méthodiques comme ceux du CEBI (centre d'études bibliques) que nous avons longuement rencontré. Heureusement, beaucoup cherchent des réponses à ces nouveaux défis, dont, paradoxalement, l'amélioration du niveau de vie individuel qui, ici comme ailleurs, a encouragé les solutions individuelles. Le combat collectif qui n'avait rien d'évident à ton époque s'est encore éloigné. Nous croyons avoir compris que la recherche porte sur le projet politique national, les politiques publiques y compris au niveau municipal, le retour à un lien entre les militants et la base, non sans inclure désormais l'écologie, bien remise au centre avec les pluies diluviennes de ces derniers jours.

 

On est déjà dans l'avenir avec ces relectures politiques et ecclésiales. Il ne faudrait pas oublier, pour ceux qui le désirent, la vision chrétienne de l'articulation entre vie personnelle, vie politique et Royaume. On pourrait revisiter utilement le vieux concept de Royaume pour ne pas se priver d'une dimension humaine fondamentale, celle de la Révélation, et que d'aucuns s'approprieraient volontiers pour ne rien changer. Je sens que tu serais à l'aise pour t'engager dans ces recherches et soutenir les jeunes qui s'y intéresseraient.

 

A propos des jeunes, on a cité là-bas avec un sourire ta manière d'encourager et d'améliorer leurs pratiques :

C'est bien ! Mais, tu pourrais faire mieux !

 

Parmi les jeunes que nous avons rencontrés, il y a ceux qui t'ont connu par leurs parents et qui gardent de l'admiration pour ton service pastoral avec eux. Certains ont développé une vision critique de la réalité et une foi communautaire. D'autres sont pris par les études, y compris universitaires, favorisées au temps du gouvernement Lula et qui leur ouvrent des professions et des rémunérations bien au-delà de celles de leurs parents des années 80. Les loisirs se sont sophistiqués aussi, avec leurs normes qui semblent s'imposer même dans les quartiers populaires. Là encore, nouveau défi pour l'évangélisation. Les communautés nombreuses dans chaque paroisse seront-elles encore un lieu-source pour cette jeunesse ?

 

Ces communautés que tu évoques dans ta lettre en te réjouissant de la fête de la création de la paroisse St François d'Assise à Porto de Santana-Flexal sont bien vivantes. Penha Lopes que tu as connue adolescente et qui est maintenant grand-mère ! et ses amies se sont mises en 4 pour nous faire rencontrer les communautés du Morro Aparecida, Flexal I et Flexal II, Porto Novo, Sao Sebastiao : partout la joie d'être membres d'une communauté, d'y avoir des responsabilités (baptêmes, mariages, liturgie, homélie, enfance, finances, groupe de couples, apostolat de la prière etc...). Le contexte ne favorise pas un engagement social, mais l'expression dominante de la foi des catholiques c'est la participation à une vie communautaire. Le denier de l'Eglise est organisé pour l'autonomie financière de la communauté et la participation aux charges paroissiales et diocésaines. Je crois que ça donne une identité aux gens et une légitime fierté.

 

Bien sûr, ta volonté d'une paroisse sans église principale, avec des communautés égales en responsabilité n'a pas tenue longtemps : les vieux démons du prestige et d'un modèle plus clérical en ont eu raison. Mais selon le talent et la volonté de l'équipe prêtres et diacres, on peut éviter la perte d'une si belle richesse. Reste la question des chrétiens formés « à l'ancienne » très mal à l'aise dans le style charismatique encore dominant.

 

A la suite du voyage de 3 semaines au Brésil, qui a inclus une belle messe à la cathédrale avec l'évêque Dom Dario, fort engagé depuis son arrivée dans cette mémoire vivante de ta vie, et l'évêque émérite Geraldo en retraite à Vitória (et de tant d'autres choses organisées par le groupe Ecos de Gaby et l’association Padre Gabriel Maire pour la défense de la vie), les Jurassiens ont accueilli dans le diocèse de Saint-Claude une délégation de 7 brésiliens, dont le Père Manoel qui t'avait connu au séminaire et qui t'a remplacé un temps à Castelo Branco. J'ai été avec eux la plupart du temps, logé chez Joëlle Amiet dont le veuvage récent l'avait empêchée de participer au voyage.

 

Ils venaient découvrir le Gabriel français, comme nous avions découvert ou redécouvert le Gabriel brésilien. Penha Lopes, Penha Dalva, Raquel Passos, Joana, Oscarina d'Itaciba qui ne t'a pas connu, Jovanir Poleze qui parle français et le Père Manoel, ont circulé de Port-Lesney (où ta sœur Marie Thérèse nous a reçus au milieu de mille souvenirs de toi), à Saint-Claude en passant par Dole, Lons, Mont sous Vaudrey, Montmirey, Acey, Poligny (accueillis par l'administrateur diocésain) et j'en oublie peut-être. Ils ont découvert la campagne et le froid, le pain, le fromage et le vin, les villes historiques et leurs magnifiques églises, les quartiers populaires, le monastère des trappistes où tu allais faire des retraites, les Clarisses qui ont accueilli une étonnante célébration brésilienne tout près des reliques de Ste Colette, des engagés politiques du Jura et de vieux amis de l'armée touchés par ton engagement contre la torture. Une conférence de Rémy Gaudillier nous a fait découvrir à tous l'avant-Brésil de ton histoire. Lulu nous avait déjà branché sur la continuité entre tes engagements de jeune au petit séminaire, de soldat du contingent, de secrétaire général du Mouvement Populaire des Citoyens Du Monde, et cela nous avait éclairé et chassé quelques erreurs d'interprétation comme celle de croire que tes engagements au Brésil dataient de ton arrivée là-bas.        

 

Le groupe des 7 a été amené à se présenter à de nombreuses reprises, ce qui nous a permis à nous aussi les « Brésiliens » de mieux les connaître, de découvrir l'impact de ta vie sur la leur, la durée de cette influence, mais aussi les nouveaux défis que tu ne pouvais prévoir et qui sont de leur responsabilité aujourd'hui. Ils ont apporté un très beau livre de témoignages recueillis au Brésil lors des célébrations de décembre. A lire, bientôt !

 

Faire mémoire, recueillir tous les éléments possibles de ce puzzle, peut-être demain faire des travaux plus historiques, là-bas et ici, te situer dans une phase de l'histoire du Brésil et de l'Eglise du Brésil, en particulier de cette Eglise remarquable de Vitória, tout cela va demander des talents et du temps. A la suite de Dom Luiz, l'ancien évêque, Dom Darío reprend l'idée d'un éventuel procès en béatification pour cause de martyre. Il demande de recueillir des témoignages et selon la moisson il verra s'il est bon de nommer un postulateur de ta cause. Sans doute le livre des témoignages  aura une bonne place dans ce processus.  Je ne sais pas comment tu prends cela... mais il ne dépend pas de toi de t'en occuper cette fois !

 

Et puis la vie continue : dans quelques jours commencera la Campagne de la Fraternité pour le carême 2020. Tu y attachais beaucoup d'importance. Cette initiative de la Conférence épiscopale brésilienne depuis 50 ans s'appuie cette année sur l'épisode évangélique du bon Samaritain :

Il vit, il a eu de la compassion et s'en est occupé Lc 10, 33-36.

J'ai parcouru le matériel produit et distribué dans les communautés et les paroisses. On m'a dit que beaucoup n'en font rien, car la dimension sociale de la foi n'intéresse pas beaucoup de prêtres. Cependant pour qui veut fouiller, en particulier le gros document, appelé manuel, il y aura des chrétiens pour y puiser le courage de regarder la réalité, de se sentir touchés et la force d'agir. Certes l’image de la charité samaritaine est celle de Sr Dulce de Salvador (1914-1992) récemment canonisée qui n'est pas celle d'un martyr des conflits sociaux... et dont la liste est pourtant longue. Mais plutôt celle d'une charité compassionnelle (et efficace) sur les conséquences de la misère. Je veux croire que ce point de départ sera fécond, lorsqu'on se souvient qu'Helder Câmara, que tu appréciais et qui a guidé ton départ pour l'Amérique Latine, a été bousculé par notre Cardinal Gerlier de Lyon après le congrès eucharistique de Rio, qui s'inquiétait de la prolifération des favelles. Plus tard il dira : Lorsque je donne à manger à un pauvre, je suis un saint, lorsque je demande : Pourquoi a-il faim ? On me traite de communiste.

 

J'ai pensé à toi et à quelques autres, en Amérique Latine et maintenant en Afrique de plus en plus fréquemment, en lisant  le pape François dans sa  Lettre aux prêtres du 4 août dernier :

Il serait injuste de ne pas être reconnaissant pour tant de prêtres qui, de manière constante et honnête, donnent tout ce qu'ils sont et ce qu'ils possèdent pour le bien des autres (cf 2 Co 12, 15) et développent une paternité spirituelle capable de pleurer avec ceux qui pleurent. Ils sont innombrables les prêtres qui font de leur vie une œuvre de miséricorde, dans des régions ou des situations si souvent inhospitalières, éloignées ou abandonnées, même au risque de leur propre vie.

 

J'ai été un peu long, tu connaissais sans doute tout ça et bien plus, mais il me semble que    je te devais cette réponse même tardive et ce compte-rendu d'un anniversaire qui fera date.

 

Le bienheureux Charles de Foucauld que tu aimais depuis ton séjour à Colomb-Béchar, demandait qu'on s'intéresse moins aux saints qu'à Celui qu'ils désignent ! On va essayer !

 

Bernard Colombe

 

PS. Figure-toi que j'allais oublier deux événements étranges pour quelqu'un habitué à la laïcité à la  française ! Nous avons été invités au Conseil municipal de Cariacica et à l'Assemblée législative de l'Etat pour recevoir une médaille et un diplôme liés à l'histoire de Gabriel Maire sur ces territoires. A l'initiative d'un conseiller municipal, Elinho de Lima et d'une députée, Iriny Lopes, l'un et l'autre du Parti des Travailleurs, nous faisions partie des gens honorés à cause de leurs liens avec ton action exemplaire pour les droits de l'homme. Ils avaient invité des intervenants qui ont fait des discours très appropriés sur ton rôle à cette époque, puis ont décoré de nombreuses personnes actives dans la société d'aujourd'hui. Ils n'avaient pas oublié ta famille à qui j'ai remis les médailles et les diplômes. Marie-Thérèse m'a demandé de leur écrire une lettre de remerciement, ce que je viens de faire par l'intermédiaire de Penha Lopes, attachée parlementaire de Helder Salomão. Tout cela sera bien enregistré dans les archives de ces deux lieux symboliques du pouvoir, où est intervenu le missionnaire  français et le prophète brésilien, selon la trouvaille de Marlene Lopes et  de sa fille en parlant de toi, pour le T-shirt du 30ème anniversaire de ton assassinat !

 

  • Autre chose : quand tu rencontreras Jésus, demande-lui s'il te plait ce qu'il pense du samba du Carnaval de Rio de cette année qui parle de lui et l'appelle « Jesus da gente », quelque chose comme : Jésus de chez nous. Je l'ai trouvé très bon et ça devrait te plaire.
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7 février 2020 5 07 /02 /février /2020 12:54

Bernard et Ursula se sont connus à la maison de la Bise, il y a une vingtaine d'années. C'est la maison de vacances familiales d'ATD Quart Monde située près d'Arbois. Il y ont rencontré Bernard Berthet, Lucien Converset, Andrée Millot, et bien d'autres Jurassiens. Depuis la dernière rentrée scolaire, ils ont élu domicile dans le Jura avec leurs 3 enfants. Bienvenue à toute cette famille. 

Matin de commémoration de l'assassinat de Gabriel Maire, en présence d'une délégation de 7 Brésiliens. Maison diocésaine de Poligny.
Matin de commémoration de l'assassinat de Gabriel Maire, en présence d'une délégation de 7 Brésiliens. Maison diocésaine de Poligny.
Matin de commémoration de l'assassinat de Gabriel Maire, en présence d'une délégation de 7 Brésiliens. Maison diocésaine de Poligny.
Matin de commémoration de l'assassinat de Gabriel Maire, en présence d'une délégation de 7 Brésiliens. Maison diocésaine de Poligny.

Matin de commémoration de l'assassinat de Gabriel Maire, en présence d'une délégation de 7 Brésiliens. Maison diocésaine de Poligny.

Quelques échos, de la Journée du Dimanche 05 Janvier : Journée d’Accueil et de rencontre des Amis Brésiliens de Gabriel Maire, à Poligny.


• Préambule ( mais...pas de la constitution !) En redonnant ici quelques échos, sentiments et moments importants pour moi de cette journée du 05 Janvier, ils résonnent à partir de ma personnalité propre et ne sont qu’un écho particulier, parmi tant d’autres sûrement. En clair, mon naturel fait que je suis surtout un observateur, un taiseux, qui reste souvent en retrait, pour, peut-être, avec le temps accueillir intérieurement et mieux mutuellement s’apprivoiser à l’autre. Bref, en résumé ici, c’est un regard extérieur, mais quand même très sincèrement touché, que je partage.

 

• Dimanche 05 janvier : Je ne connais pas l’histoire de vie, d’engagement du Père Gabriel Maire. Je devine fortement que sa présence engagée auprès des plus démunis, a été un moteur de Foi de toute sa vie, fortement ancrée bien sûr et irrémédiablement dans le Christ, et encore ici à travers les familles et enfants avec qui il a cheminé au Brésil. Moi, qui connais Lucien Converset, Bernard Berthet, Bernard Robbe (Un Ami prêtre de Lulu, décédé), un peu Gérard Mouquod, un peu Claude Chevassu, et un peu les Millot….. je sens très fort ici une terre Jurassienne d’engagement irréversible au Christ, à travers les plus pauvres, et les plus fragiles de notre société.

Mais Dieu pourquoi alors, doit-on, dans des circonstances inhumaines et dramatiques, tellement révoltantes  le payer très souvent de sa vie ? Comme ce fut le chemin sur Terre du Christ, fils de Dieu… Oui, la réalité est tellement plus complexe, car la peur et la violence ressurgissent vite dans le face à face, et imposent souvent alors le silence, au cœur de la misère. 

 

Mais, Gabriel Maire, ou Lucien Converset, et tant d’autres ne sont pas de ceux-là, de ceux qui abdiquent et se résignent devant la violence de notre Monde, et des hommes. Déjà, ils ont témoigné par leur vie engagée ; ils sont les témoins que le royaume de Dieu est déjà ici sur Terre, qu’il faut sans cesse chercher à le bâtir, et qu’à la suite du Christ, il s’agit bien d’une vie entière donnée. Voilà, comment je ressens l’engagement du Père Gabriel Maire, comme je ressens aussi une vie donnée, comme les Moines de Tibhirine, et tant d’autres anonymes, de ces silencieux et « invisibles », souvent on dit les oubliés... pour plus de justice, de liberté et d’égalité, et enfin de dignité alors enfin respectées et partagées.

 


J’arrive à Poligny ce Dimanche matin. Je me dis auparavant, il y a déjà un sacré « Chemin et terreau fertile ensemencé » qui existe, pour bien accueillir et aussi longtemps chez nous, les amis Brésiliens de Gabriel Maire, eux en chemin et engagés au-delà, depuis plus de 30 ans. Je veux dire : Cela demande de donner tout de soi, notamment dans l’accueil de ces Amis-là, en qui Gabriel Maire a fait germé et reconnu leur valeur inestimable d’être humains, au travers de gestes où l’honneur et le respect étaient une ligne de vie, pour les enfants, les jeunes, les Mères, et les hommes, cela au milieu d’un quotidien tellement difficile. Ceux-ci «Amis» qui n’ont jamais cessé de grandir depuis... notamment au Brésil à Vitória et ailleurs… Mais j’imagine, que nos « Amis Brésiliens » vivent depuis longtemps cet accueil inconditionnel, et encore mis en œuvre récemment chez eux, en décembre dernier, dans l’accueil de vous, « Amis Jurassiens », et autour de Gabriel Maire.

 

Oui, l’acceuil. Eh bien, j’en suis en premier touché, en pénétrant dans la salle, quand vient vers moi Mr Lamy (je ne sais pas le prénom, pardon), mais l’on me dira plus tard que c’est Mr Lamy. Et j’apprends que Mr Lamy a eu un AVC récemment… Eh bien, à travers quelques mots prononcés difficilement, mais avec une grande sincérité, c’était : Soyez le bienvenu et rejoignez-nous, dans cette fraternité ici qui continue à grandir.. Oui, je suis touché, car c’est aussi le Christ qui accueille ici à travers Mr Lamy, puis à travers Elisabeth qui a le souci de faire le lien constant avec les personnes présentes dans la salle, Rachel, et ensuite plein d’autres. Aussi pour la traduction et le souci que tout le monde s’écoute et se comprenne, quand la parole est là. Chapeau et plein de respect pour tout ce travail là également. C’est une manière très importante de vivre l’accueil et le respect aussi, vis à vis de nos hôtes, et de tous rassemblés ici : S’écouter, se parler, se comprendre.

L’accueil, est aussi la pierre angulaire par laquelle chacun se sent partie prenante, et peut oser aller vers l’autre, déjà avec ce qu’il est. Alors Merci vraiment.

 


• Ensuite, oui pour les néophytes comme moi, ou pour tous ceux qui connaissent mal l’histoire de vie du Père Gabriel Maire, ou face encore devant la densité ici des témoignages et traductions pendant 3 heures durant (? je ne sais plus...), je dirais que la force de cette matinée a été :

- Pouvoir témoigner et nous entraîner ensemble avec la musique, si chère au cœur des Brésiliens, s’appuyer sur des photos ou un montage diapos, ou témoignages : de la sœur de Gabriel Maire, de Lulu Converset…et d’autres personnes dont je ne sais pas le nom... Oui, la richesse s’est faite dans la diversité des témoignages vrais et sincères, et cela à travers différents supports, pour rester en éveil et « vivants » ensemble, puisque ici ce n’est pas la mort qui vaincra ! Oui, « Tout est né d’une vie partagée, pas d’une théorie « ! S’il n’y avait pas cette diversité précise, les gens « se fatiguent et décrochent », puisqu’ils ne sont pas dans ce vécu concret témoigné ici. Je l’avoue, c’est ce que j’ai fait à moments, aussi parce que je n’entends pas bien... 

 

J’ai entendu exprimée cette « souffrance » à travers Lulu Converset : Comment l’église du Jura et plus largement bien sûr, peut témoigner de l’engagement du Père Gabriel Maire ; Que ce n’est pas un engagement isolé et unique, et si loin de nous, mais comment il reste vital et engage toute l’église à reconnaître les plus pauvres et les plus démunis, vivant à la rue ou dans les bidonvilles ou les favelas, les migrants, les enfants laissés à l’abandon, les paysans sans terre, etc…, comme partenaires d’une nouvelle humanité enfin libérée de la misère et de la terreur, et reconnue et digne de respect, et participante active, à la recherche et à la construction du royaume sur la Terre ? Dis plus simplement, ce n’est pas une vie sacrifiée dont je témoigne, c’est de la libération de chacun, si l’Église toute entière des croyants, et à tous les niveaux, prenne sa part, spécialement là où vivent les plus démunis de nos frères, et qu’elle le reconnaisse ouvertement aux yeux du Monde, devant les gouvernants et face aux puissants, et donc ici déjà en l’église du Jura !


• J’ai pris personnellement la parole 5 minutes. En tant que membre Volontaire du Mouvement ATD Quart Monde. Ceci pour dire qu’Il y a au Brésil 2 petites équipes d’ATD, qui sont engagées auprès d’une communauté rurale. Ceci à Mirantão et à Petropolis, banlieue de Rio. (voir Ici) Je me disais, si nous pouvions aussi renforcer des liens et se connaître sur place, cela serait une chance sûrement de se donner du courage les uns les autres, dans nos présences.


• Il y a eu aussi, le Repas partagé ensemble  : Aussi, comme le Christ qui partageait le repas, le pain avec son peuple, ou avec ses disciples. C’est toujours des moments privilégiés, où chacun ose plus parler, partager des choses avec son voisin, échanger et réagir à telle ou telle chose entendue ou mal comprise… Moi-même, j’en ai un peu « profité »…


L’après-midi   : Encore l’Accueil ! : Cette fois par les Sœurs Clarisses, du Monastère Ste Claire. Ce sont bien des Sœurs qui ont choisi comme règle de vie consacrée la pauvreté, telle que St François et Ste Claire l’ont vécue toute leur vie à Assise. Je suis content que nos Amis Brésiliens soient allés à Assise à la fin de leur séjour en Europe. Personnellement je n’y suis jamais allé. Ici avec les Sœurs Clarisses et la communauté rassemblée, c’était de pouvoir partager une foi universelle, dans le chant, la prière, l’Eucharistie, et aussi tous les gestes pleins de sens : Partager la lumière, partager la parole, partager la Bible, le livre sacré de tous les hommes et femmes et les enfants, sur la Terre.

 

• Oui j’ai beaucoup aimé vraiment ce temps où... une Amie Brésilienne, a pris soin, avec chacun et chacune, de transmettre et offrir cette lumière envers chacun et chacune de nous. Précieux temps donné et offert à chaque personne comme un cadeau : Le partage de la Lumière. C’était très très beau comme geste et symbole de paix avec soi-même, vers l’autre, et vécu entre tous. Idem aussi, pour le Livre de la Bible passant de mains en mains, comme la transmission de l’essentiel en nos vies, inscrit comme un trésor :  La Messe de la Trinité.


• Un beau moment émouvant aussi, était cette entrée en dialogue, cet échange et cette communion très profonde «  Pourquoi sommes-nous réunis là, et que s’est.il donc passé ? », entre Elisabeth Lamy et Rachel sa fille. On pourrait y trouver plein de sens vrai et sincère, et touchant ouvert sur la beauté de l’Âme... moi ça m’a  beaucoup touché. Intime, sincère et universel.


• Moment fort aussi pour moi : Recevoir la communion / l’Eucharistie du Père Brésilien. Pouvoir et recevoir la communion des mains de personnes, venant de différents pays, d’histoires, et de culture différentes et autres que la sienne propre. C’est symbolique mais on peut y trouver pleinement un sens universel aussi.

 

Après-midi du 5 janvier, dans la chapelle des soeurs Clarisses à Poligny
Après-midi du 5 janvier, dans la chapelle des soeurs Clarisses à Poligny
Après-midi du 5 janvier, dans la chapelle des soeurs Clarisses à Poligny
Après-midi du 5 janvier, dans la chapelle des soeurs Clarisses à Poligny
Après-midi du 5 janvier, dans la chapelle des soeurs Clarisses à Poligny
Après-midi du 5 janvier, dans la chapelle des soeurs Clarisses à Poligny

Après-midi du 5 janvier, dans la chapelle des soeurs Clarisses à Poligny

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28 janvier 2020 2 28 /01 /janvier /2020 12:44

Lundi 13 janvier 2020

 

« OH ! C’EST MON PAPA ET MOI SUR LA BANDE DESSINEE DU PADRE GABRIEL » (Penha Lopes)

 

Pour nos amis brésiliens et pour nous-mêmes Jurassiens, nous ressentons une sacrée impression en redescendant des Monts du Jura, dans la plaine par le « train des hirondelles ».

 

Que de tunnels traversés et de ponts et viaducs enjambés, images des épreuves que nous partageons et des joies que nous nous offrons les uns aux autres au profond de nos êtres.

 

Soirée de témoignages
Soirée de témoignages

Naissance et renaissance de la petite fille Espérance, reconnaissance des personnes avec qui nous créons des liens, appels à les envisager comme ceux-là qui vont nous permettre de nous défaire de ce qui nous empêche d’aller de l’avant.  «  Notre allié, n’est-il pas appelé à devenir notre libérateur ? » (Psaume 143)

 

Les quatre jours où nous avons été accueillis et accompagnés à Chantemerle par Marie-Jo et Jean chez Michel, Geneviève et Aurore, à Bois d’Amont, les Rousses, Saint-Claude par la famille Lamy  et beaucoup d’amis, sont tout remplis de lumière et de musique, de neige et de soleil. Ce sont ces valeurs que Gaby voulait nous voir échanger les uns grâce aux autres en créant « un nouveau petit pont entre nos deux continents. »

 

Lorsque nous arrivons en gare de Mouchard lundi soir à 19h26, c’est Bruno Gauthier et Gérard Mouquod qui sont là pour nous accueillir et nous emmener chez eux à Vaudrey.

 

Nous voici revenus dans la plaine du Val d’Amour. Lorsque nous descendons des voitures dans la cour de la ferme de Gérard et Marie-Thérèse, ce sont des paroles et des mots débordants d’enthousiasme qui jaillissent du cœur de chacun d’entre nous. Jacques, Elisabeth et Rachel sont là, ainsi que Joëlle. Jérémie, le fils de Gérard et Marie-Thérèse et sa compagne Julie, ne tarderont pas d’arriver.

 

En écrivant vos noms, Raquel, Jovanir, Penha Dalva, Joana, Oscarina, Padre Manoel et Penha L., je m’émerveille de continuer à découvrir combien vous êtes résilients, amis brésiliens.  Voici ce que disait une amie à votre sujet, quand vous êtes entrés l’autre jour dans la salle où nous nous apprêtions à entendre vos témoignages, le jour de l’épiphanie à l’abbaye d’Acey : «  Je découvre des mages brésiliens chercheurs passionnés de Gaby Maire né dans le Jura. Ils m’ont paru riches d’une foi tellement vivante, nous interpelant pour chercher avec eux, afin que le témoignage de Gaby vive et rayonne chez nous, comme au Brésil »

 

Nous nous mettons à manger autour de la grande table familiale. Des intonations de voix chantantes, des rires, beaucoup de rires, se mêlent à nos propos les plus sérieux et graves. Nous avons tant de choses à nous dire. Attablés, nous sommes aussi attelés à savoir faire une place en nous-mêmes, à ce que l’autre voudrait nous offrir, nous dire et nous confier.

 

Rachel : Gérard, t’a sûrement des choses à nous partager de ce que tu as vécu avec Gaby. Nos amis brésiliens et nous-mêmes voudrions bien t’entendre.

 

Gérard : J’étais très jeune la première fois que j’ai rencontré et connu Gaby et Lulu. Je venais d’entrer dans la même école qu’eux au petit séminaire de Vaux-sur-Poligny. C’était dans les années 1951-1954. Gaby était un peu plus âgé que moi. Il est de 1936 et moi de 1938. A un moment Gaby qui apprenait bien dans les études avait été choisi pour être notre sous-surveillant. Il était très attentif à nous et on voyait bien qu’il comprenait très vite ce qui marchait bien et qu’il fallait continuer. Mais il saisissait très vite aussi ce qui n’allait pas et qu’il fallait arrêter, changer et transformer pour que ça devienne plus juste entre nous. Nous remarquions que Gaby avait une capacité très vive d’analyser les situations que nous vivions. Je garde surtout ça de Gaby. J’ai quitté cette école pour revenir travailler à la ferme familiale à Villette à côté de Dole pendant quatre ans, jusqu’à mes vingt ans.

 

En France en ce temps-là, les jeunes de notre âge, nous étions très touchés et marqués par la guerre d’Algérie qui allait durer de 1954 à 1962, presque pendant huit ans. Chaque jeune Français de 20 ans était astreint à faire 28 mois de service militaire obligatoire. Je suis parti à l’armée le 4 mars 1958 à Auxonne, dans un régiment assurant les transports,  «  Le Train ». Un an après les classes et les stages, j’arrive à Colomb-Béchar dans le Sahara le 8 mars 1959. Quelle n’est pas ma surprise en arrivant dans le régiment où j’étais affecté, de trouver Gaby Maire. Il était arrivé là un peu avant moi. Nous allons rester ensemble pendant plusieurs mois. Dans ces temps difficiles, quelle joie de rencontrer un ami avec qui parler. Nous vivions tellement de situations difficiles et douloureuses !

Quel bien ça faisait de causer avec Gaby !

Gaby à Colomb-Béchar

Avec quelques copains soldats, nous étions en effet choqués et bouleversés de nous trouver embarqués dans une pareille guerre. Engagés et forcés d’accomplir notre service militaire dans de telles atrocités. Je me trouvais dans un régiment où ma compagnie devait surveiller de nuit le local où des hommes avaient été faits prisonniers, interrogés et torturés. Le matin, on les faisait sortir de leur lieu d’emprisonnement. On voyait bien qu’ils avaient été torturés par des hommes d’une autre section que la nôtre. Nous n’acceptions pas ce qui se passait. Ça nous révoltait. Mais notre espace et notre possibilité de résistance étaient bien petits et minimes. Comment signifier que nous nous opposions à ce qui avait été fait sur ces hommes ?

 

Rachel traduit au fur et à mesure à nos amis brésiliens ce qu’exprime Gérard. Notre attention à tous est très intense.

 

Gérard : Nous nous réunissions avec Gaby, quelques copains et moi, de temps en temps, déjà pour partager entre nous ce qui nous faisait mal. Nous nous demandions comment faire entendre et comprendre que nous n’étions pas d’accord avec ce qui se passait dans notre régiment et que nous nous y opposions. Nous partagions tout cela avec quelques copains, membres de ce petit groupe. Un jour avec Gaby, nous avions écrit au président de la République, le Général de Gaulle, afin de lui exprimer notre révolte devant ces faits. Notre lettre n’obtint jamais de réponse. Nous formions ce que nous appelions : « Le groupe d’amitié ». Par l’aumônerie militaire, les groupes d’amitié étaient fédérés ensemble. Dans ces groupes, nous cherchions à découvrir et reconnaitre la présence de Jésus dans toute cette part de l’humanité que nous formions. Nous luttions comme nous pouvions, afin de ne pas nous laisser déterminer par le fatalisme,  « il y aura toujours des guerres … Il y aura toujours de la violence … Tu ne peux pas empêcher quand un copain est tué qu’on aille en tuer dans le village d’à côté ».

 

Nous étions révoltés aussi de ce qu’on nous envoyait faire dans le djébel, des ouvertures de routes, les risques de sauter sur des mines anti personnelles, la peur de tomber en embuscade.

 

Lucien : Ces groupes d’amitié que nous formions, chers amis brésiliennes et brésiliens, je vais le dire humblement, ça ressemblait parfois à ce qui se vivait « en communauté ecclésiale de base »  (CEBs), au Brésil. Ça nous aidait et nous permettait d’être des résistants à la violence faite aux autres et à nous-mêmes. Ça nous aidait à prier, à reconnaitre que Jésus était notre ami, mais aussi l’ami de ceux que l’on nous faisait croire qu’ils étaient nos ennemis. Nous demandions au Christ qu’il continue à nous donner son souffle, son esprit, sa façon d’envisager tout homme.

 

Nos amis brésiliens et nous tous qui sommes autour de la grande table familiale de nos amis Gérard, Marie-Thérèse, Jérémie et Julie, nous n’avons rien perdu de ce que Gérard vient de nous donner comme témoignage. Ses camarades soldats de Colomb-Béchar et lui-même avaient trouvé durant ces années 1959-1960, en la personne de Gaby Maire, séminariste-soldat, un médiateur. Avec eux, Gaby cherchait toujours et trouvait le créneau, si petit soit-il, pour barrer la route à un déferlement plus envahissant et plus pernicieux de la violence. Rachel avait su capter ce qu’exprimait Gérard et le retraduire à nos amis brésiliens pendant que nous laissions se répandre au fond de nos êtres quelque chose de ce souffle et de cette aspiration à la non-violence. Nous sentions que tout cela nous faisait nous maintenir humblement en humanité durant les tempêtes les plus guerrières qui soient.

 

Rachel : Voici ce que veulent exprimer nos amis du Brésil.

Oscarina : J’avais jamais entendu quelqu’un parler de la guerre.

Penha L : Grâce à ce qui se dit entre vous et nous brésiliens sur les pas de Padre Gabriel, ici dans son pays,  encore ce soir, il y a un pont qui se réalise entre Vitoria et le Jura. Puis timidement elle ajoute, avec des larmes qui perlent au coin de ses yeux : «  Oh ! C’est mon papa et moi, sur la bande dessinée de Padre Gabriel, avec mon petit garçon sur mes genoux »

 

Qu’est-ce qui a bien pu se passer pour que Penha nous dise cela ?

Rachel avait remarqué durant la soirée que la bande dessinée sur la vie de Gaby était dans la bibliothèque de Gérard et Marie-Thérèse, dans la salle à manger où nous étions en train de souper.

Ce livre dépassait un tout petit peu sur l’étagère du haut, juste ce qu’il fallait pour être remarqué.

Rachel l’avait retiré de la bibliothèque et mis sur la table. Pendant que nous partagions le repas, et écoutions le témoignage de Gérard, Penha avait feuilleté cette bande dessinée  réalisée en 1994.

 

Je me souviens que c’étaient les membres des familles de Gaby Maire, des deux prêtres jurassiens auxquels Gaby avait su si bien se référer : Jean Jourdain et Henri Godin, qui avaient donné des photos aux dessinateurs que Philippe Aubert avait su trouver. En ce qui concerne Gaby,  c’était sa sœur Marie-Thérèse qui avait donné les photos qu’elle avait gardées de son voyage auprès de Gaby en 1982.

Elle avait dit : « Ces photos, je les ai prises dans une famille où Gaby nous avait emmenés, Joseph et moi. C’était la famille Lopez chez qui Gaby aimait beaucoup se retrouver. »

Gaby aimait aller voir les gens chez eux. Les gens aimaient bien aussi voir arriver Gaby dans leur maison, c’était sur une de ces  photos que Penha était en train d’attirer notre regard.

 

Elle disait : « J’étais en train de parler avec mon papa, là c’est mon fils assis sur mes genoux ! »

Nous sommes heureux de reconnaître avec elle les traits de son visage et ceux de son papa …

 

Lucien : « Nous étions encore chez tes parents Penha il y a à peine 15 jours. C’est bien les traits de ton visage et ceux de ton papa que nous découvrons sur cette bande dessinée. Quelle relecture des évènements nous sommes en train de vivre ! »

Gaby savait si bien prendre le temps d’apprécier et savourer ces instants et de nous apprendre à faire de même. Accueillir l’évènement, c’est ce que nous faisons. Nous sommes véritablement en train de célébrer et reconnaitre ta vie, ta mort, et ta résurrection Gaby. Nous les relions à celles de toute l’humanité, dans le drame vital de celles de Jésus.

 

Quelques mots s’échangent entre nous sur les recettes et façon de faire les gâteaux que nous sommes en train de partager. Des comparaisons remplies de délicatesse se font avec les gâteaux que nous avons dégustés au Brésil. Souvent les références s’expriment par rapport à nos mamans …

 

Lucien : Il y a aussi un moment qu’il serait important que vous nous partagiez Gérard et Marie-Thérèse, c’est le moment de votre ordination au diaconat. Gaby vous a signifié son amitié et sa prière depuis le Brésil. C’était au début du mois de septembre 1989 quelques mois avant que Gaby donne sa vie jusqu’au bout.

Gérard : Nous étions plusieurs à être ordonnés diacres dans le Jura par le père Gilbert Duchêne : René Besson, Michel Blanc, Jean Roch et moi-même.  Nous avions reçu les échos de Vitoria. Lorsque Gaby était venu durant l’année 1987 dans le Jura pendant deux mois, il était venu nous voir chez nous. Au moment où le jour de notre ordination approchait, voici le télégramme que nous avions reçu de lui :

Et quelques jours après, nous avons reçu cette lettre :

 

Lucien : Quels trésors pour vous et pour nous aussi, que quelques mois avant que Gaby ne donne sa vie jusqu’au bout, il vous avait envoyé ces précieux messages.

Elisabeth : C’était au moment où Gaby avait reçu des menaces de mort. Il était allé chez Roberto et Carlita.

Lucien : Presque le même jour, il envoyait les échos de Vitoria n°26, le 10 septembre 1989. Il nous invitait en commençant son message : «  Croyants ou non, nous pourrons découvrir dans le psaume 55 (54) l’état d’esprit du croyant devant les agressions de ce monde. » Voulez-vous chers amis que nous le reprenions maintenant en prière, en communion avec Gaby :

« Ce n’est pas un ennemi qui m’insulte,

Car je le supporterais.

Ce n’est pas un adversaire qui triomphe de moi …

Mais c’est toi, mon compagnon,

Mon collègue, mon ami intime.

Nous allions ensemble adorer dans le temple avec le peuple,

Et nous conversions en toute liberté ! »

 

Il se fait tard. Il va falloir aller nous reposer. Gérard et Marie-Thérèse nous signifient qu’ils auraient encore beaucoup de choses à nous partager. Ils tiennent à dire à nos amis brésiliens que leur venue chez eux ce soir en communion avec Gaby, nous a apportés à tous une profonde lumière.

Penha découvre la BD "Un jour de soleil, un jour de lumière"
Penha découvre la BD "Un jour de soleil, un jour de lumière"

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2 décembre 2019 1 02 /12 /décembre /2019 21:27

Témoignage de Thomas :

il a connu Gaby à Saint-Jean à Dole

extrait du livre de Jean Dole :

Saint-Jean au cœur du Jura et de la cité doloise - 1994

Une figure à ne pas oublier : Gaby Maire

Peut-on parler de l'histoire de l'église Saint-Jean et mesurer sa dimension ecclésiastique sans parler de Gaby Maire ? Il fut pendant 6 ans vicaire de la paroisse de 1963 à 1969 date à laquelle il partit sur Saint-Claude.

 

Il est à souligner combien il fut le moteur d'une dynamique au niveau des jeunes du quartier. Il conviendra également de mettre un accent sur la reconnaissance et le respect que lui marquaient "les petites gens" dont il était "le" prêtre ; sans que cela donne un caractère restrictif à son ouverture, car il était très ouvert et discutait avec tout le monde.

 

Sa manière d'entrevoir et de s'ouvrir à sa mission, le regard qu'il portait sur le rôle qu'il avait à jouer, son implication directe dans la vie du quartier faisaient de lui, un prêtre différent des autres. Il dénotait également par le contact qu'il possédait et par ce qu'il faisait passer dans toute relation individuelle avec les gens. C'était quelqu'un de franc et de direct qui ne prenait pas les sentiers de traverse pour exprimer ce qu'il avait à dire. Jamais blessant ni cassant, attentif et sensible il aimait qu'on le respecte, disons plutôt qu'on lui retourne le respect qu'il nous accordait.

 

Ses méthodes d'évangélisation étaient très vivantes et rattachées à notre quotidien dont il se servait pour jalonner son discours évangélique, l'ornementant d'exemples précis, vécus. Sa foi, sa croyance en Dieu étaient transparentes. Sa confiance en l'homme, ses convictions sur son devoir étaient une corde de plus à cet "arc" qui nous orientait dans la bonne direction. Ceux qui l'écoutaient, jeunes ou moins jeunes n'avaient souvent qu'un désir : "en devenir la flèche".

 

On sentait que pour Gaby Maire, car c'est ainsi qu'on l'appelait plus communément, cette phrase de l'évangile "Dieu a créé l'homme à son image" revêtait une importance primordiale. Cette considération rendait moins abstraite l'existence de Dieu, à nos regards d'enfants. Dieu est ce qu'il y a de bon en nous, tel était son message. L'abbé Maire nous demandait de chercher quel était notre rôle et non de jouer tel rôle. A chacun de nous restait une notion de liberté, de choix qu'il respectait. Il nous parlait de Jésus Christ en nous en racontant avant tout l'histoire d'un homme ; ce vers quoi il avait voué sa vie, ce en quoi ce "Héros" (j'écris volontairement ce mot car c'est l'image que j'en avais dans ma tête d'enfant) méritait qu'on s'y intéressât.

 

Gaby Maire était plus un homme de bon sens qu'un moraliste. Sa philosophie de l'existence était empreinte de valeurs morales mais toujours sous tendue par une logique, une bonté qui tombait sous le sens. Ses propositions et ses actions de charité étaient toujours orientées au profit des plus nécessiteux. Il nous apprenait à faire don d'un peu de notre temps libre, à nous priver pour en faire profiter un peu les autres. On n'était pas obligé de le faire, mais on avait envie de le faire car on sentait alors concrètement qu'on servait à quelque chose.

 

Se mobiliser autour d'une cause sur une action humanitaire avec Gaby Maire c'était aussi vivre en groupe avec un autre état d'esprit, d'autres valeurs que la société ne prenait pas en compte. Etre là où il y avait carence.

 

Durant ces quelques années, j'étais très proche de Gaby. Je participais aux offices, baptêmes, mariages, enterrements en tant qu'enfant de chœur. Il y avait entre nous une réelle complicité.

 

C'était un personnage captivant qui avait beaucoup d'humour. Un jour, alors que nous allions donner une messe au foyer St Joseph, avec l’abbé "sans cordes" (c'est ainsi que l’on appelait entre jeunes ce brave abbé Grebot qui avait les cordes vocales abimées, et que l’on comprenait mal). J'accompagnais alors Gaby. Il était un rituel auquel on ne pouvait échapper. A chaque fois après l'office, l'abbé Grebot débouchait une bouteille de soda pour les enfants de chœur et nous offrait les petits gâteaux secs. Incontournables petits gâteaux secs qui devaient bien avoir au moins deux ans et être le reliquat de plusieurs carêmes successifs ! Nous le savions, nous finissions par être habitués et Gaby nous décochait toujours un merveilleux sourire, en nous passant la boîte, après en avoir pris un. Il n'ignorait bien évidemment pas que nous ne les aimions pas. Lui-même n'en prenait jamais deux, mais cela faisait vraiment trop plaisir à ce brave abbé Grebot qui n'avait que cela à nous offrir.

 

Gaby Maire était un personnage. Il était attentif aux autres, bon-vivant et possédait un merveilleux sourire derrière ses lunettes légèrement fumées.

 

Pour lui, ceux qui faisaient ou pouvaient faire du mal, étaient des gens que nous devions aider car ils n'avaient pas la chance d'avoir appris et senti ou appris à sentir ce que pouvait apporter de faire du bien autour de soi.

 

En cela, l'abbé Maire était vraiment un disciple de Jésus Christ. C'était un homme de pardon et de tolérance. Pour donner une image plus proche de lui, je dirais que Gaby était un drôle d'apôtre qui ne faisait office d'intolérance que par rapport à l'injustice, aux inégalités qui le révoltaient.

 

Mais à cette intolérance bien légitime se substituaient son intelligence, son bon sens, sa générosité, son ingéniosité pour proposer des systèmes, équilibrer les choses ; mettre en place plus de justice. Gaby n'avait rien de ces révoltés passifs, fatalistes soumis. Ses démarches personnelles allaient plus dans le sens d'une action "pour" plutôt que dans le sens d'une réaction "contre".

 

L'abbé Maire a souvent été étiqueté politiquement car ses engagements ont vite pris une couleur politique. Â partir du moment où un homme s'engage, dénonce les aberrations d’un système qui opprime certains et profite à d'autres : il devient vite "un politique".

 

Proche des partis de gauche dans l'idéologie, il n'a cependant pas été, à ma connaissance affilié à une organisation politique. Il ne s'est pas caché d’en être sympathisant ; en ceci il dénotait du courant ecclésiastique du moment. Cette facette de sa personnalité lui valut de ne pas toujours être apprécié par les gens plus partisans d'une église traditionnelle ou par des gens opposés à lui politiquement car il leur donnait mauvaise conscience. Il lui était alors reproché de ne pas être "à sa place".

 

Pour ma part avec mon regard d'enfant, je n'ai jamais eu l'impression qu'il sortait du cadre de travail de-prêtre ni de son rôle. Aujourd'hui, "que je suis grand" je n'ai toujours pas cette impression.

 

Gaby Maire était un homme tellement guidé par des pulsions naturelles de charité et de générosité, qu'il fonçait, avec une énergie formidable, sur les patins à roulettes de ses convictions, vers des solutions plus justes et égalitaires. Il faisait partie de l'Association des « Citoyens du Monde » ce citoyen ?

 

On a l'impression que ces notions de justice et d'égalité des hommes étaient tellement ancrées" au plus profond de lui qu'il ne pouvait pas comprendre (et non supporter) que d'autres puissent en être dépourvus.

 

Gaby croyait en l'homme en tant que notion mais en tous les hommes pris individuellement. Pour lui l'homme naissait "bon" perverti parfois par des systèmes certes qu'il fallait changer, pour qu'il retrouve cette bonté fondamentale.

 

Utopiste ? Non, Plutôt : homme de cœur !

 

Car Gaby avait un cœur immense, généreux, il y avait de la place pour tout le monde. Un cœur si grand, si ouvert qu'on pouvait y entrer.

 

Malheureusement un cœur qu'on ne pouvait pas rater ! Il est mort d'une balle pour rien.

Une balle de violence qui l'a traversé, en a traversé d'autres avant lui, qui en traversera encore d'autres. Comme une balle folle perdue, celle qui semble-t-il rien ne peut arrêter !

Celle qui transperce les remparts de l'Amour. Celle qui détruit au lieu de bâtir.

Folle. Perdue tout autant que cet homme ; un de nos semblables, nous, parfois... ici, là-bas, avant, maintenant, après. Plus jamais... Toujours...

Tous ceux qui n'ont pas cette chance de savoir ou de croire que pourrait exister un monde meilleur de justice, de respect, de charité et d'amour.

Ce monde qu'il avait commencé à bâtir.

 

Pardonne-lui, pardonne-nous Gaby, nous ne savons parfois pas ce que nous faisons !

Et j'ai comme l'impression d'être sous ta dictée.

Pardonnés, nous le sommes. Excusables, nous ne le serons jamais !

Gaby Maire nous a laissé son empreinte d'homme sur la terre, au fond de ceux qui l’ont aimé. Comme un message de Dieu. Il existe encore en moi. Il fait encore partie de moi. En le cherchant c'est peut-être Dieu que je rencontre... à qui je mets un visage pour...

Thomas

feuillet de célébration en 2012

feuillet de célébration en 2012

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13 septembre 2019 5 13 /09 /septembre /2019 09:27

Le livre "Prefiro morrer pela vida a viver pela morte" est divisé en chapitre. Chacun des chapitres est introduit par un texte poétique écrit par Oscarina. Voici le texte qui accompagne le premier chapitre : 

 

"E de você que falamos"

La nuit apparaît avec la bénédiction du soleil. Son obscurité s'empare de la nature qui, sombre et sinistre, aux aguets, conspire et prépare les pièges de la mort et de la vie. Les pensées prennent des ailes... Dans le creux de l'oreille, les sentiments racontent ce qui se passe ; dans les couloirs obscurs des profits, des turbulences complotent, empêchant la salive de se mêler à la terre et de faire de la boue ; argent et pouvoir cadenassent les chaînes de la peur et font taire le cri de liberté. Dans tous les coins, les larmes inondent les cœurs ; les cris sont étouffés par les pleurs. C'est de toi que nous parlons. Ton souffle s'est modifié, contredisant les archives du destin qui t'ont placé devant nous : multitude assoiffée de justice et de paix. Le jour prend congé, (comme) la vie annonce qu'avec la nuit la mort perfide vient montrer que l'histoire d'un grand homme va devenir la saga d'un peuple en quête du droit à une vie digne et accomplie.

C'est de toi dont nous parlons

A noite surge com a bênção do sol. Sua escuridão apodera-se da natureza que, sombria e sinistra, trama e prepara as armadilhas da morte e da vida. Os pensamentos criam asas... Os sentimentos relatam fatos ao pé do ouvido; circunstâncias gaiatas às espreitas manipulam nos corredores obscuros dos interesses, impedindo que a saliva se misture à terra e faça lama; dinheiro e poder fecham grilhões do medo e calam o grito de liberdade. Lágrimas inundam corações por todos os cantos; gritos se calam sufocados pelo pranto. É de você que falamos. Sua respiração mudou, contrariando os arquivos do destino que te colocaram diante de nós: uma multidão dos sedentos de justiça e paz. O dia se despede como a vida anuncia que com a noite a morte traiçoeira vem mostrar que a história de um grande homem vai torna-se a saga de uma gente em busca do direito à vida digna e plena.


Oscarina Penha da Silveira
 

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23 août 2019 5 23 /08 /août /2019 09:27

Alors que les Brésiliens de Vitoria se préparent activement aux commémorations du 30ème anniversaire de l'assassinant du Père Gabriel Maire, nous voulons apporter notre pierre à ces temps forts. 

Vous avez déjà réservé le 5 janvier 2020 pour participer avec Mgr Vincent Jordy, évêque de Saint-Claude, et avec une délégation de Brésiliens, à un temps de mémoire à l'évêché et chez les soeurs Clarisses. 

Pour nous préparer à ce 30ème anniversaire, nous vous proposons la traduction du livre “Prefiro morrer pela Vida a viver pela morte” édité pour le 25ème anniversaire. Ces paroles, ce sont celles de Gaby, alors qu'il se savait menacé.

Jovanir nous avait fait une présentation de ce livre que vous trouverez en cliquant sur ce lien.

Un livre gardé précieusement dans nos cœurs

Chers amis et chères amies,


C’est avec une affection particulière que nous, un groupe d’amis du père Gabriel Roger Maire, avons décidé de rassembler, dans un livre, des témoignages et des écrits sur sa vie.


Nous avons considéré son expérience de chrétien au côté des membres des petites communautés ecclésiales de base à la périphérie de Cariacica / Viana - ES.


Le contenu de ce livre - bien avant d’avoir été écrit - a été vécu. Il a pris forme, il a plongé dans les luttes et le projet d'un peuple. Pourquoi ne pas dire que ce livre relate le moment où l'Eglise a mis un pied ferme dans les caminhadas, s'est organisée et a fait une avancée en prenant une option : celle de Jésus-Christ ? Nous devons comprendre notre père Gabriel qui s’est inséré et incarné dans l'histoire et la vie des CEBs et la réalité concrète qui avait besoin d’être transformée.


Nous avons eu le privilège de vivre effectivement à son côté dans la pratique religieuse, dans la vie et dans le témoignage de foi avec les chrétiens qu’il accompagnait.


Gabriel était un ami, un compagnon, un confident, on le rencontrait souvent dans des réunions où la lumière de l'Evangile préparait le peuple à avoir une vie cohérente avec les exigences évangéliques dans les luttes, les revendications  et les caminhadas.


Comme de nombreux politiciens, il savait clairement que le Brésil est un pays riche, mais avec des richesses mal distribuées. Ce qu'il voulait, c'était voir les chrétiens se battre pour plus d’égalité dans le monde, agissant pour la vie, par la foi, dans des syndicats, des partis ... Et il rappelait dans toutes ses homélies que tout chrétien, où qu’il se trouve, devait répercuter la voix de Dieu. Et c’est là, dans la conscience et la lutte pour la paix et la démocratie à Cariacica, qu’ils l’ont menacé et ont fait taire sa voix. Le père Gabriel a été brutalement assassiné le 23 décembre 1989.


Nous voulons honorer et remémorer celui qui fut citoyen du monde... un missionnaire français qui n'avait pas peur et qui a déclaré "J'aime mieux mourir pour la vie que vivre pour la mort".


25 ans ont passé ... Qu'est-ce qui a changé? Les CEBs continuent-elles d'appeler à la justice et à l'égalité?


Nous désirons que ce meurtre cruel, commis il y a 25 ans et toujours en attente de justice, ne tombe pas dans l'oubli; et que ceux qui auront la possibilité de lire ce livre connaissent encore mieux l’action du père Gabriel et sa vie avec les habitants des communautés des banlieues.

Par l'équipe organisatrice,
Cleunice Alves de Souza

 


 

Um livro guardado no nosso coração

Queridos amigos e queridas amigas,


É com carinho especial que nós, um grupo de amigos do Padre Gabriel Roger Maire, decidimos reunir, numa só obra, testemunhos e escritos sobre sua vida. 


Lançamos um olhar sobre sua experiência de cristão ao lado do povo das pequenas Comunidades Eclesiais de Base (as CEBs) da periferia de Cariacica/Viana - ES.
Este livro – muito antes de ter sido escrito – foi vivido. Ele foi gerado e banhado nas lutas e no projeto de um povo. Por que não dizer que ele registra o tempo do “pé firme na caminhada”, da organização e avanço da Igreja que fez uma opção: a opção de Jesus Cristo? É preciso compreender o nosso Padre Gabriel inserido e encarnado na história e na vida das CEBs e na realidade concreta que precisa ser transformada.


Somos privilegiados por termos vivido efetivamente ao seu lado na prática religiosa, na vida e no testemunho de fé junto aos cristãos a quem acompanhava.
Gabriel era amigo, companheiro, confidente e se reunia com frequência em preparação do povo à luz do Evangelho, para que nas lutas, reivindicações e caminhadas tivessem uma vida coerente com as exigências evangélicas.


Sabia claramente – como muitos de nossos políticos sabem – que o Brasil é um país rico, porém com má distribuição. O que queria era ver os cristãos na luta por um mundo de igualdade, atuando para a vida, através da fé, nos sindicatos, partidos... E lembrava, em todas as suas homilias, que o cristão precisa ser a voz de Deus onde quer que esteja. E foi aí, na conscientização e luta pela paz e democracia em Cariacica que o ameaçaram e calaram sua voz.
Padre Gabriel foi brutalmente assassinado em 23 de dezembro de 1989. 


Queremos honrar e fazer memória a ele que foi um cidadão do mundo, um missionário francês que não teve medo e disse: “Prefiro morrer pela vida do que viver pela morte”.
25 anos se passaram... O que mudou? As CEBs continuam seu clamor por justiça e igualdade?


Desejamos que esse cruel assassinato, acontecido há 25 anos, ainda aguardando por justiça, não caia no esquecimento; e que aqueles que tiverem a oportunidade de ler esta obra conheça ainda mais a prática e a vida do padre Gabriel junto ao povo das comunidades da periferia.

Pela Equipe Organizadora, 
Cleunice Alves de Souza

 

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28 novembre 2018 3 28 /11 /novembre /2018 08:30

Cet article est reposté depuis Lulu en camp volant.

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31 juillet 2018 2 31 /07 /juillet /2018 18:00

Pour marquer l'anniversaire de la naissance de Gabriel MAIRE, né le 1er août 1936 à Port-Lesney, voici une longue page écrite en janvier 2018 par le père Bernard COLOMBE, prêtre fidei donum avec Gabriel à Vitória. Il nous montre comment son confrère était engagé dans la nouvelle évangélisation, priorité de l'Eglise Catholique depuis le pontificat de Jean-Paul II.

Acrostiche de Gabriel par Darcio

Acrostiche de Gabriel par Darcio

L’Eglise universelle s’engage vers une nouvelle évangélisation 

 

Dix ans avant l'assassinat du père Gabriel MAIRE, le 23 décembre 1989, l'Eglise universelle était entrée par la voix de Jean Paul II dans la nouvelle évangélisation. C'était exactement le 9 juin 1979, en Pologne. Cette expression a été reprise par lui 250 fois ! Le pape Benoit XVI l'utilisera assez souvent, par exemple lorsqu'il promulgua une année de la foi du 11 octobre 2011 au 24 novembre 2012 en vue d'un « engagement ecclésial plus convaincu en faveur d'une nouvelle évangélisation ».

 

Gaby, Martyr de la libération

 

Les témoignages écrits et oraux de Dom Silvestre Scandian, archevêque de Vitoria, Espirito Santo, Brésil, puis de son successeur Dom Luiz Mancilha, comme d'une multitude de laïcs et de religieux brésiliens, font un écho clair et direct à ces paroles de Benoit XVI. Ils peignent le portrait d'un prêtre engagé dans son Eglise d'adoption, au titre de Fidei donum de 1980 à sa mort. Un livre édité au Brésil pour les 25 ans de son assassinat en est un témoin essentiel : -Padre Gabriel Prefiro morrer pela vida a viver pela morte (pas encore traduit en français). 134 pages de témoignages recueillis dès 1990, par un groupe d'amis.

 

Zé Vicente, compositeur que Gabriel avait fait venir du Nordeste à Porto de Santana, écrit ainsi :

Jusqu'à quand annoncer la libération sera-t-il une raison de mourir assassiné ? Triste société qui ne supporte pas la moindre dose d'amour envers ses opprimés ! Pauvre démocratie commandée par des criminels, sinistres messieurs habillés d'impunité et de propagande !

 

Et Sr Terezinha :

Père Gabriel, merci d'avoir collaboré à mon processus de formation, comme Missionnaire de Jésus crucifié ! Merci, car vous m'avez aidé à découvrir l'eucharistie comme une révolution dans ma vie. Vous êtes vivant dans le cœur de celles et ceux qui vous ont connu. Pour votre engagement auprès des privilégiés de Jésus, vous êtes devenus martyr de la libération, pour la plus grande gloire de Dieu.

 

Nous pouvons citer ici une partie de l'homélie de Dom Silvestre pour le 1er anniversaire de la mort du Père Maire :

Notre compagnon et frère sur le chemin parcouru ensemble a laissé une phrase prophétique qui s'est dressée comme un drapeau de convocation afin de ne pas nous décourager et continuer la lutte : je préfère mourir pour la vie que de vivre pour la mort. Cette phrase a été une devise, un idéal de vie, inspirée des paroles du Maître dont nous commémorons la naissance : Je ne suis pas venu pour être servi mais pour servir et donner ma vie pour la libération de beaucoup. (In : Serenidade em meio a altas ondas - biographie de Dom Silvestre, éditée au Brésil).

 

Et puis 27 ans plus tard, Dom Luiz Mancilha qui n'avait pas connu Gabriel écrivait à l'évêque de St Claude, Mgr Jordy :

Dans ma visite pastorale à la paroisse St François à Porto de Santana, j'ai entendu de fidèles chrétiens des beaux commentaires au sujet du Père Gabriel Maire comme un homme de Dieu. Son témoignage fort et la clarté de ses paroles et de ses attitudes ont résonné dans le cœur de plusieurs prêtres de ce diocèse. 27.09.17

Quelques jours plus tard, après l'annonce de la prescription du procès le 18 octobre, Dom Luiz signe un communiqué à la presse qui se termine ainsi :

Le Père Gabriel est certainement un des martyrs de l'Eglise en ces temps de tant d'injustice et de manque d'éthique.

 

Poster créé par l'association

Poster créé par l'association

Prêtre Fidei Donum à Vitória

 

Gabriel Maire avait répondu à la demande de Dom João Batista e Dom Luiz Fernandes de venir travailler dans ce grand diocèse où étaient déjà passés 4 prêtres français. Deux d'entre eux avaient pourtant déjà été menacés de mort en 1987, à Linhares. Son ministère sacerdotal aura été essentiellement paroissial et d'accompagnement de la pastorale ouvrière diocésaine. Sa volonté de rester au milieu du peuple qui lui avait été confié, au moment où des menaces de mort se précisaient sur sa personne, reste le signe le plus parlant de l'adhésion de Gabriel Maire à ce projet missionnaire universel, concrétisé sur un point limité de l'immense Brésil. Par sa mort, il rejoignait les dizaines de personnes assassinées pour leur résistance à l'oppression, dont plusieurs au nom de leur foi et de leur ministère, appelées spontanément par le peuple croyant : les martyrs du chemin fait ensemble.

Grand désir de vivre au diapason du monde

 

Ces 9 années au Brésil faisaient suite à une présence originale et résolument missionnaire dans le diocèse de St Claude, Jura, dans la diversité des ministères reçus. Grand désir de vivre au diapason du monde, aux côtés de tout homme de bonne volonté, comme « citoyen du monde », et déjà, comme séminariste, présence précieuse pour ses camarades pendant la guerre d'Algérie. Le 24 octobre 1977, il concluait dans La Croix jurassienne la riche interview qu'il avait donnée à propos de « prêtre et politique » :

« Je souhaite qu'on s'habitue à connaître les options de chaque prêtre sans croire qu'il veuille imposer ses idées. C'est l'apprentissage de la liberté dans l'Eglise, donc une franche diversité. Je souhaite que les communautés chrétiennes, prêtres et laïcs ensemble, deviennent plus prophétiques, en actes, pour que la Parole devienne plus crédible. (in Un prêtre... Karthala p 17-21.)

Evangélisation du monde moderne

 

Il était nourri de la réflexion et des décisions des Pères du Concile Vatican II et quelques années plus tard de l'Exhortation apostolique de Paul VI Evangelii nuntiandi de 1975 sur l’évangélisation du monde moderne. La même année le Conseil permanent de l'épiscopat français publiait : Libérations des hommes et salut en Jésus Christ, où on pouvait lire :

Nous ne serons pas fidèles à l'unité et à l'unicité du dessein de Dieu, à l'unité de la vocation de la personne humaine et de l'humanité, si nous ne prenons pas une part active aux actions et aux combats de libération humaine. C'est au cœur du monde qu'il s'agit d'annoncer aux pauvres la Bonne Nouvelle, aux opprimés la libération, aux affligés la joie.

Le choix prioritaire des pauvres

 

A son arrivée dans le diocèse de Vitoria, il s'est intégré dans une Eglise locale largement organisée en Communautés ecclésiales de base (CEB) par l'archevêque Dom Joao da Motta et son auxiliaire Dom Luis Fernandes. Un grand enthousiasme parcourait les paroissiens heureux de participer à la mission dans les périphéries et les campagnes. Gabriel Maire ne faisait pas partie des résistants à ce renouveau ecclésial promu par la Conférence des évêques du Brésil (CNBB). Au contraire, il apportait toute sa fougue et ses compétences à ce vaste chantier. Le choix prioritaire des pauvres assumé par le CELAM (Conseil épiscopal d'Amérique latine) dès 1968 était devenu le sien.

Photo d'un ami du Brésil

Photo d'un ami du Brésil

Malheur à moi si je n'annonçais pas l'Evangile !

 

Pour ses 25 ans de presbytérat, Gabriel Maire avait célébré une messe en plein air. Sur un calicot en arrière de l'autel, il y avait la phrase de st Paul citée par Jean Paul II pour faire entrer dans le grand Jubilé de l'an 2000 :

Nous devons raviver en nous le sentiment enflammé de Paul qui s'exclamait : Malheur à moi si je n'annonçais pas l'Evangile ! 1 Co 9, 16. Cette passion ne manquera pas de susciter dans l'Eglise un nouvel esprit missionnaire, qui ne saurait être réservé à un groupe de spécialistes, mais qui devra engager la responsabilité de tous les membres du peuple de Dieu.

 

Engager la responsabilité de tous les membres du peuple de Dieu, a été la priorité de Gabriel Maire en lien avec l'Eglise de Vitoria, attaché qu'il était à donner à ses membres jusque là passifs, se jugeant incapables, l'expérience d'assumer progressivement leur vocation de laïcs à part entière.

Transformation de la société comme signe de la réalisation du Royaume

 

Ses lettres à sa famille et à ses amis français appelées par lui Echos de Vitoria ont été éditées en 2014 sous le titre Gabriel Maire Un prêtre français assassiné au Brésil 1936-1989, chez Karthala.

Il a été traduit en portugais par des amis et édité depuis. Au long des presque 300 pages, on peut suivre l'évolution de ses convictions et de ses pratiques, ses joies et ses souffrances et ainsi accompagner la mise en œuvre de cette évangélisation renouvelée dans les paroisses de Cariacica et de Viana. Mise en œuvre « nouvelle en son ardeur, dans ses méthodes, et dans ses expressions », selon Veritatis splendor du 6 août 1993, déjà bien pratiqué en particulier dans de larges secteurs de l'Amérique latine. On peut aussi se reporter aux Options et directives pastorales de l'Eglise de Vitoria, éditées en 1987 chez Paulinas, où l'on parle entre autres priorités de collaborer davantage dans la transformation de la société comme signe de la réalisation du Royaume cf. p 48 et 49.

Conversion individuelle et pastorale

 

Quand on entend aujourd'hui, 28 ans après la mort de ce missionnaire français, les laïcs commenter, en se souvenant de paroles et de gestes concrets, la manière dont leur curé leur permettait de donner le meilleur d'eux-mêmes, à partir d'une connaissance de l'Evangile, ou mieux d'une expérience d'Evangile, on se réjouit que la nouvelle évangélisation avait été prise très au sérieux.

 

L'objectif général de l'action de l'Eglise au Brésil commençait d'ailleurs son intitulé par : Evangéliser. C'était un processus de conversion individuelle et pastorale auquel le Père Maire avait joyeusement adhéré.

 

Le coté infatigable de sa vie ministérielle, les méthodes de participation appliquées à toutes les décisions pastorales et missionnaires, les expressions liturgiques dans les petites chapelles en planche ou en dur, les grands temps forts de l'année, avec leurs neuvaines, processions, en particulier au sanctuaire marial de Nossa Senhora da Penha, théâtres, formation biblique, chants, rédaction de psaumes etc... comme sa présence courageuse dans les conflits de la terre urbaine, le soutien des femmes menacées dans leur intégrité corporelle, l'appui aux balbutiements de la démocratie, le renforcement de la pratique syndicale, après 20 ans de dictature, bref une lutte contre les « structures de péché » comme l'avait remarqué Jean Paul II, voilà bien quelques exemples faciles à retrouver et avec force détails dans sa correspondance qui confirment un choix missionnaire résolu.

Formation des prêtres et des laïcs

 

Les prêtres étaient vus aussi par le pape de l'époque comme des acteurs privilégiés, à condition, écrivait-il dans un texte de 1993, qu'ils aient une formation initiale et continue, une connaissance intime de la Parole de Dieu, une sainteté de vie, un nouveau style de vie pastorale, une collaboration avec les laïcs et une profonde communion avec le Pape et les évêques. La résidence provisoire e Gabriel au séminaire diocésain a permis un beau témoignage sur ce point.

 

Les laïcs, eux, selon Christifideles laici, 1988, étaient encouragés : ils ont leur rôle à jouer dans la formation de la communauté ecclésiale, non seulement par une participation active et responsable à la vie communautaire, mais aussi par l'élan et l'action missionnaire en direction de ceux qui n'ont pas encore la foi ou qui ne vivent pas selon la foi reçue au baptême. Les lettres lues dans les Echos de Vitoria tout autant que les témoignages recueillis après la mort du Père Gabriel Maire rassemblent un grand nombre de réalisations dans ce sens.

 

Les temps de retraite spirituelle, parfois loin de Vitoria du côté d'Alagoinhas (BA) dans la communauté de Taizé ou bien à Crateus dans le Piaui, montrent bien son souci du ressourcement pour un engagement aussi fort dans l'évangélisation. Les prédications au cours des nombreuses messes du dimanche dans 3 ou 4 communautés, étaient de riches moments d'approfondissement de l'Evangile, tout comme les enseignements donnés par exemple aux charismatiques de la paroisse de Campo Grande.

La théologie de la libération

 

L'Instruction sur Liberté chrétienne et libération, du 22 mars 1986, rédigée par le Cardinal Ratzinger et approuvée par Jean Paul II, faisait suite au premier document de septembre 1984 intitulé Quelques aspects de la théologie de la libération. Les dates situent ces deux documents en plein dans le ministère du Père Maire. L'Eglise de Vitoria a bien sûr fait des études sur les remarques et recommandations romaines, qui mettaient beaucoup de réserves sur le type d'engagement qu'elle vivait, en lien avec beaucoup d'autres au Brésil et en Amérique latine. Et cependant on trouvera dans le 2ème document la reconnaissance de cette manière de rendre présent l'évangile auprès des pauvres. Citons n° 57 :

 

Une foule de chrétiens, depuis le temps des apôtres, ont engagé leurs forces et leur vie pour la libération de toute forme d'oppression et pour la promotion de la dignité humaine. L'expérience des saints et l'exemple de tant d’œuvres au service du prochain constituent un stimulant et une lumière en vue des initiatives libératrices qui s'imposent aujourd'hui.

 

Le 100ème et dernier paragraphe commence ainsi :

Il est vrai que devant l'ampleur et la complexité de la tâche, qui peut requérir le don de soi jusqu'à l’héroïsme, beaucoup sont tentés par le découragement, par le scepticisme ou par l'aventure désespérée.

 

Ses amis savent que Gabriel Maire a eu des moments de découragement, mais pas de scepticisme et moins encore de tentation d'aventure désespérée, ce qui dans le langage ecclésiastique de cette Instruction désigne la guérilla.

Bâtir une civilisation de l’amour

 

Bâtir une civilisation de l’amour (expression de Paul VI) au sein d'un Brésil fortement inégalitaire, dans la rudesse de la vie des classes populaires, avec leurs souffrances, leurs blessures et leurs espoirs, dans les déceptions surmontées lorsque les puissants impriment leurs pensées par la télévision dans des foyers où tout manque, évoquées ainsi par Dom Silvestre :

Je pense surtout aux élites économiques et politiques de notre pays, je pense aux banquiers et aux grands propriétaires, nos grands politiques et entrepreneurs... eux tous, sauf de rares et louables exceptions, tournent le dos au futur, sentant l'odeur de la fumée de l'incendie qui se développe dans les maisons voisines tout en fermant les yeux sur le danger qui frappe leur propre maison... et donc je préfère mourir pour la vie à vivre en causant la mort des autres. (dans l’homélie de Dom Silvestre du 1er anniversaire)

 

Oui bâtir une civilisation de l'amour, telle est la relecture que l'on peut faire de la vie de ce prêtre diocésain français, le Père Gabriel, Roger, Félix Maire, comme il était connu officiellement au Brésil et plus encore comme Padre Gabriel, comme en témoignent des signes durables : un quartier de Cariacica, une place, un buste sur une place publique et une école pour handicapés mentaux qu'il avait aidée à construire, sans compter les brésiliens qui ont reçu Gabriel comme nom de baptême !

Note : outre les documents cités dans cet article, en français ou en portugais, un petit livre m'a aidé dans les dates et les citations : La nouvelle évangélisation de Jean Paul II à Benoît XVI, de Jean Philibert, aux éditions des Béatitudes 2012 112 pages

 

                                                                                                               Bernard Colombe - Janvier 2018

Les amis de Vitória se réunissent le 1er août.

Les amis de Vitória se réunissent le 1er août.

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23 novembre 2014 7 23 /11 /novembre /2014 02:36

!!! Ne tenez pas compte des liens qui apparaissent sur les mots rencontre et rencontrer !!!!!!

Quand Gaby était au Brésil, il nous avait invités à venir découvrir cette terre qu’il aimait et rencontrer les personnes qu’il côtoyait. Mais nous n’avons pas eu l’opportunité de faire ce voyage. Il est revenu en visite en France avec des amis qu’il nous a fait connaitre.
 
Quando Gaby estava no Brasil, ele nos convidou a vir conhecer esta terra que ele amava e as pessoas que ele encontrava. Mas nós não tivemos a oportunidade de fazer essa viagem. Ele voltou em visita à França com amigos a quem ele nos apresentou.
 
Pour le 10ème anniversaire de sa mort, deux de nos enfants, Michaël et Marie-Laure faisaient partie du voyage organisé avec Mgr Yves Patenôtre et une trentaine de Français. Puis notre dernière fille Rachel en stage à Vitoria a participé aux célébrations du 20ème anniversaire de l’assassinat de Gaby, avec Mgr Jean Legrez, Michel, Maryse et Eliane de l'association.
 
Por ocasião do 10º aniversário de sua morte, dois dos nossos filhos, Michael e Marie-Laure fizeram parte da viagem organizada com Dom Yves Patenôtre e uns trinta franceses. Depois a nossa filha caçula Rachel, em estágio em Vitória, participou das celebrações do 20º aniversário de assassinato de Gaby, com Dom Joao Legrez, Michel, Maryse et Eliane da associação.
 
Pour le 25ème anniversaire, il était temps que je réponde à l’appel de Gaby. Avec Rachel comme fidèle interprète, et entourée, accompagnée par les amis brésiliens, je ne craignais rien !
 
Para os 25º aniversário, já era hora de responder ao convite de Gaby. Com Rachel como fiel intérprete, e cercada pelos amigos brasileiros, eu não temia nada!
 
La réalité a dépassé mes espérances ! Et je me rends compte qu’il me manquait quelque chose de primordial pour m’investir au mieux dans l’association « les amis de Gabriel MAIRE », qu’il est bon et même indispensable de regarder, sentir, écouter, vivre au moins quelques heures avec les habitants de cette terre que Gabriel chérissait tant.
 
A realidade ultrapassou minhas expectativas! E eu me dou conta de que me faltava algo de primordial para eu me entregar mais e melhor à associação “Amigos de Gabriel Maire”: olhar, sentir, escutar, viver ao menos algumas horas com os habitantes desta terra que Gabriel tanto gostava.
 
Nous remercions tout d’abord, Carlita, sa fille Katia, son gendre Ronaldo et leurs enfants, qui nous accueillent. Nous remercions Darcio et Cleu et tant d’autres. Ils nous ont permis d’aller à la rencontre des personnes qui entretiennent la mémoire du Padre Gabriel.
 
Agradecemos primeiramente a Carlita, sua filha Kátia, seu genro Ronaldo e seus filhos, que nos acolheram. Agradecemos ao Dárcio e Cleu e tantos outros. Eles nos permitiram de ir ao encontro das pessoas que mantêm viva a memória do Padre Gabriel.
 
Nous avons tout d’abord, rencontré l’association, « Padre Gabriel pour la défense de la vie », sa présidente Marlène et quelques personnes. Chaque personne présente a partagé ce que Gabriel avait changé dans sa vie. Carlinda nous a fait visiter l’atelier couture qu’elle crée pour des mamans. Quelques enfants sont accueillis pour une aide aux devoirs. Des activités qui ne demandent qu’à se développer maintenant que le local est plus accueillant grâce à l’aide financière de l’association française, et à l’investissement sur place des membres de l’association brésilienne.
 
Encontramos primeiro a associação “Padre Gabriel em defesa da vida”, sua presidente Marlene e algumas pessoas, em Porto Novo, Cariacica-ES. Cada pessoa presente compartilhou o que Gabriel mudou na sua vida. Carlinda nos mostrou o atelier de costura que ela criou para as mulheres. Algumas crianças são acolhidas para uma ajuda nos deveres da escola. As atividades se desenvolvem agora que o local é mais acolhedor graças à ajuda financeira da associação francesa, e ao investimento local dos membros da associação brasileira.
  
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Darcio nous a emmenées à la rencontre de l’équipe de rédaction d’un livre qui sortira pour le 23 décembre, jour du 25ème anniversaire de l’assassinat du Padre Gabriel. Un beau livre qui rassemble des écrits par et sur Gabriel.
 
Dárcio nos levou ao encontro da equipe de redação de um livro que será lançado em 23 de dezembro, dia do 25º aniversário do martírio do Padre Gabriel. Um belo livro que reúne escritos sobre Gabriel.
 
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Nous avons rencontré Seu Pedro, (conseilleur municipal à Cariacica) et son équipe. Tous très chaleureux et disponibles. D’une grande simplicité, ils nous ont fait visiter le quartier « Padre Gabriel », et plusieurs lieux ou bâtiments qui portent le nom de Gabriel. Il faut relever aussi que non seulement des lieux, mais aussi de nombreux enfants portent aujourd’hui le nom de Gabriel ici. 
 
Encontramos Seu Pedro, vereador de Cariacica, e sua equipe. Todos muito calorosos e disponíveis. Com grande simplicidade, eles nos guiaram a uma visita ao bairro “Padre Gabriel” e vários locais ou prédios que levam o nome de Gabriel. Deve-se ressaltar que não somente os lugares, mas também muitas crianças trazem hoje o nome de Gabriel aqui.
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Nous participerons aux manifestations organisées le dimanche 23 novembre, en préparation des commémorations du 25ème anniversaire du martyr de Gabriel. Le matin avec l’association « Padre Gabriel pour la défense de la vie » et l’après-midi avec un autre groupe qui se réunit tous les 23 de chaque mois pour prier ensemble en lien avec Gabriel.
 
Participaremos das manifestações organizadas no domingo, 23 de novembro, em preparação ao 25º aniversário do martírio de Gabriel. De manhã com a associação ‘’Padre Gabriel em defesa da vida’’ e de tarde com outro grupo que se reúne mensalmente – a cada dia 23 – para orar juntos em memória de Gabriel.
Tradução: Jovanir Poleze e Dárcio Mosquem.
 
A bientôt pour d'autres nouvelles ! em breve para mais notícias !
Elisabeth Lamy 
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  • : Les amis de Gabriel MAIRE
  • : L'association "Les amis de Gabriel MAIRE" a été créée après l'assassinat de Gaby au Brésil le 23 décembre 1989. . A associação "les Amis de Gabriel Maire" foi criada depois da morte do Padre Gabriel em Brasil o 23 de dezembro de 1989.
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