Ce dimanche 26 novembre, frère Régis Morelon, supérieur de la communauté des dominicains annonce le décès de Henri Burin des Roziers.
Voici son dernier message :
Les obsèques du fr. Henri Burin des Roziers seront célébrées le vendredi 1er décembre à 15 heures dans l'église du couvent des Dominicains, 20 rue des Tanneries, 75013 Paris.
Diffusez au maximum cette nouvelle, comme ce que vous avez fait pour celle de son décès, sans avoir peur des doublons...
Merci pour tous vos messages qui soulignent les merveilleuses qualités d'Henri, ce qui motive d'autant plus l'immense peine que cause son départ.
Très fraternellement à tous
Fr. Régis Morelon
Voici l'article que Jelson Oliveira a publié sur son blog. Cet article a été repris par IHU-ADITAL et traduit par les membres des Amis de Gabriel Maire.
Clic ici pour lire la version en portugais.
J’ai reçu aujourd’hui, à l’aéroport de Johannesboug, en Afrique du Sud, la triste nouvelle de la mort de Frère Henri Burin des Roziers, frère dominicain qui, pendant plus de 40 ans a travaillé au combat contre le travail esclave, à la lutte pour la réforme agraire et pour les droits humains au Brésil. Henri est mort à Paris, dans le couvent où il a passé les dernières années de sa vie, avec une santé fragile, une attention intacte et une joie que beaucoup lui enviaient. Source d’inspiration pour de nombreuses personnes, Henri avait réuni autour de lui une centaine de gens qui conspiraient et s’inspiraient conjointement, qui se retrouvaient autour de la vie de cet homme qui avait fait de ses actions individuelles les gestes collectifs de lutte et de résistance. Je suis fier d’ajouter mon nom à cette liste.
Sa vie a toujours été une vie politique. Et c’est cet appel qu’il adressait à tous. Et pour cela, il montrait le chemin qu’il avait lui-même suivi : les grandes utopies de liberté, l’expérience radicale de la foi incarnée et vécue par des hommes tels que Antonio Montesinos et Bartolome de Las Casas, aux premières heures de la colonisation de l’Amérique. Pour son travail, il a reçu prix et honneurs. Mais rien ne lui a retiré son humilité. Il a été, par-dessus tout, un constructeur de ponts, dont le ciment était l’espérance en la lutte pour la justice. Dans cette tâche, il a relié des mondes qui, apparemment ne pouvaient communiquer. Il a fait se rencontrer l’étudiant français de la Sorbonne de mai 68 avec le sans-terre du sud du Para ; il a fait que les jeunes Katangais partagent leur sort avec les jeunes victimes du travail esclave d’Amazonie ; que des avocats de Haute-Savoie servent d’exemple aux avocats du nord du Brésil ; que les Frères français se voient en Tito de Alencar et dans les jeunes Frères en lutte contre la dictature ; que l’humanisme chrétien rencontre la théologie de la libération ; que Congar, Chenu et le Cardinal Arns (évêque au Brésil) s’asseyent à la même table ; que le Centre Saint-Yves (de Paris) et la Commission Pastorale de la Terre se reconnaissent réciproquement ; que l’autorité juridique de l’avocat s’unisse à l’autorité morale du religieux ; que le droit rencontre, enfin, les pauvres. Ainsi, Henri a vécu sa vocation jusqu’aux extrêmes et a donné un sens à sa vie comme peu de gens y sont parvenus. (…)
C’est avec des mots (brésiliens) enveloppés dans un accent français et avec des vêtements usés qu’il a fréquenté des tribunaux pour défendre des gens sans défense contre l’impunité. Avocat des causes de la terre, il connaissait de tout près les victimes et leurs souffrances. Il en a fait sa stratégie de combat et n’a jamais perdu courage face aux menaces qu’il avait subies. Au contraire, chaque fois que son nom apparaissait sur les listes de ceux qui étaient « marqués pour mourir » la lumière dans ses petits yeux brillait avec plus de force. Et c’est cette source de lumière qui donnait du courage à ceux qui étaient près de lui.
J’avais 16 ans quand je l’ai vu pour la première fois, il est venu dans ma maison, dans le sud du Tocantins. Bien que ne le connaissant pas et ne comprenant pas bien le pourquoi de sa visite, j’ai senti que cet événement était décisif pour moi. Dès lors, j’ai suivi cet homme autant que j’ai pu. La dernière fois que je l’ai vu, dans sa chambre au couvent Saint Jacques, où se trouve la fameuse bibliothèque souvent visitée par Foucault et tant d’autres, à Paris, il était expansif. Je l’ai laissé à la fenêtre devant laquelle se déployait la frondaison d’un arbre dont il ne se lassait pas de contempler les feuilles dorées venant mourir en douceur contre les vitres de la chambre. Cet arbre automnal préfigurait pour moi le destin de l’homme qui, à l’automne de la vie, se fanait comme les feuilles. Mais comme elles, il déclinait aussi, en beauté, devenant un terreau fertilisant pour d’autres vies. Comme cet arbre, la vie d’Henri s’est prolongée dans son terreau.
Pour ceux qui restent, demeurent encore d’autres saisons, étés et hivers. Nous continuerons à contempler les arbres, attentifs aux saisons, prenant soin du temps qui est le nôtre. Bien qu'une partie de nous soit morte aujourd'hui avec Henri, une autre se rajeunit avec lui. En silence, les yeux mouillés de larmes, nous cueillerons les fruits et les semences fertiles du monde qui viendra. Oui vraiment, cet arbre aura été sa dernière leçon.
Ecrit par Jelson Oliveira, professeur de philosophie dans le Parana, et publié dans son blog : Blog com Jota, 26-11-2017.
Ce n'est pas l'arbre que Henri regardait de sa chambre... mais le Ginkgo Biloba de Dampierre riche de nombreux symboles.
Ecoutez-le !
commenter cet article …