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27 février 2011 7 27 /02 /février /2011 21:57

Ce texte est paru dans le journal La Croix peu de temps après la mort de Gaby. Il a été écrit par Jean, celui que Gaby venait remplacer à Vitòria et que nous pleurons maintenant puisqu'il est mort le 23 octobre dernier. La dernière phrase de cette lettre nous paraît prophétique quand on prend en compte le travail fait par nos amis de Vitòria, dans la continuation de l'esprit du Padre Gabriel. 
 

Jean Fugeray avec Claudio Vereza en 2009

Jean Fugeray avec Claudio Vereza en 2009

En 1980, tu arrivais à Vitòria (Brésil), en pleine dictature militaire. Bernard, Marcel et moi nous étions heureux de t'accueillir. Très vite tu es devenu notre frère.


Très vite ton enthousiasme naturel t'a fait aimer le Brésil, ton pays d'adoption. Tu t'es mis avec acharnement à apprendre la langue avec une institutrice de notre quartier. Tu aimais descendre à pied de chez nous jusqu'à chez elle pour te mêler au peuple, à la foule et, tout de suite, partager la vie des gens. Des années durant, tu t'es déplacé ainsi à pied, en car urbain, bousculé dans la poussière, dans la boue ou sous la pluie comme n'importe lequel des habitants du coin.


Gabriel, prêtre de Jésus-Christ, tu y croyais, toi, à l'incarnation. Depuis longtemps tu étais "citoyen du monde" ouvert à l'univers. C'est sans doute pour cela que tu as quitté ton Jura natal. Et pour toi, être prêtre, c'était "vivre avec", vivre ensemble, travailler ensemble, évangéliser ensemble, découvrir, organiser ensemble, avec les gens, toujours avec eux.


Tu avais toujours plein d'idées, un agenda bourré de rendez-vous. Pas étonnant ! Ton peuple c'était plus de vingt communautés de base urbaines, plus de 50 000 habitants en bordure d'une capitale, dans un coin plus semblable à un bidonville qu'à autre chose. Tu étais aussi coordonnateur de tout le secteur de 200 000 habitants. Tu donnais des cours de pastorale au Grand Séminaire. Tu étais aussi responsable de la Pastorale ouvrière et de mouvements de jeunes. Et bien d'autres choses encore.


Mais tu faisais toujours confiance, tu soutenais, tu étais un "multiplicateur d'apôtres".  (…)
Tu ne savais pas – et tu ne pouvais pas – te taire. Tu aimais écrire, parler, dénoncer. Tu avais un don de journaliste. Parce que pour toi, comme pour tant d'autres en Amérique latine, "la lutte pour la justice faisait partie intégrante de l'évangélisation" (…) Tu as dénoncé les conditions d'oppression de la femme, les ligatures de trompes, faites en série et gratuitement au moment des élections, par un médecin de ton quartier, qui voulait ainsi gagner des bulletins de vote. Tu as dénoncé les injustices continues d'une famille au pouvoir dans ton coin depuis près de vingt ans, abusant du peuple et dominant de son pouvoir les gens qu'elle aurait dû servir… Et grâce à toi les gens s'organisaient, prenaient courage.
Tu dénonçais…


Tu souffrais des événements de l'Eglise, de Recife particulièrement, …de tout ce qui freinait les acquis du Concile.


Gabriel, maintenant tu as rejoint le Seigneur ton frère, celui que tu aimais rencontrer dans la prière, la Bible, les pauvres. Tu as rejoint cette foule immense d'ouvriers, de paysans, qui ont été assassinés par des tueurs à gage à la solde des grands propriétaires toujours plus avides ou des hommes politiques corrompus. Là-bas on risque sa vie quand on parle de partage, du droit à la terre pour les paysans, de réforme agraire, de justice sociale. Les grands ont tout "acheté"…et le projet de réforme agraire n'est pas entré dans la nouvelle constitution de 1988.
Et bien sûr, c'est quand on dénonce tout cela qu'on est traité de "communiste", que l'on soit prêtre, religieux ou laïc. Gabriel, tu as rejoint ces centaines de martyrs d'Amérique latine.


(…) Il y a un an tu fêtais tes 25 ans d'ordination avec tes frères, Joseph, prêtre à St Claude, Bernard, ta sœur Marie-Thérèse. Je pense à eux dans la peine et la souffrance car tu étais très sensible Gabriel, et si présent à ta famille. Et la fête avait été si belle à Porto de Santana érigé en paroisse il y a trois mois et dont tu étais le premier  curé.


Je pense à eux, ce peuple de là-bas… à tous ces visages que j'ai aussi rencontrés parfois dans ce quartier populaire et que toi, tu connaissais si bien.
Gabriel, tu vas nous manquer terriblement. Tu vas manquer intensément à ta famille, à tes amis. Tu vas manquer à ce peuple…
Mais c'est sûr, la semence va germer car ton exemple, ton témoignage, le don de ta vie ont marqué des milliers de gens…


Jean Fugeray

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  • : Les amis de Gabriel MAIRE
  • : L'association "Les amis de Gabriel MAIRE" a été créée après l'assassinat de Gaby au Brésil le 23 décembre 1989. . A associação "les Amis de Gabriel Maire" foi criada depois da morte do Padre Gabriel em Brasil o 23 de dezembro de 1989.
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