Voici une analyse intéressante sur la participation des Brésiliens à la vie de leur pays, sur leur façon de "résister" à ceux qui sont censés les représenter et qui, souvent, les regardent du haut de leur "trône"
Janvier se termine. Février arrive. Mois du carnaval, fête qui, cette année, sera reportée en mars. Le début du mois de février est marqué cependant par le retour des activités des pouvoirs législatif et judiciaire tandis que l'exécutif s'agite déjà fiévreusement et discute en coulisses depuis trente jours. Avec leurs salaires gonflés de plus de 60% (augmentation votée récemment par la majorité des députés ndlt) les politiques reviennent occuper la scène du Planalto Central (quartier du gouvernement fédéral à Brasilia)
(…) Par où commencer ? C'est là la question qu'ils doivent résoudre en priorité s'ils veulent arriver le plus rapidement possible à un système démocratique plus ouvert et participatif.
L'instrument privilégié, dans ce cas, est la consultation directe de la population.
A la fin des années 90 et au début des années 2000, un ensemble de mouvements populaires, d'ONG et de pastorales sociales ont organisé plusieurs "plébiscites" : sur la question de la dette extérieure, sur l'approbation ou non de l'ALCA (Zone de Libre Echange des Amériques), sur la privatisation de la Compagnie Vale do Rio Doce. De telles initiatives résultaient de recherches collectées lors des quatre Semaines Sociales Brésiliennes (SSB), qui se sont déroulées entre le début des années 90 et celui des années 2000.
Sans doute la manifestation la plus vivante et la plus créative de tout ce processus d'approfondissement de la réalité brésilienne est-il le Cri des Exclus, dans ses versions à la fois nationale et continentale. Il a surgi au cours des deuxièmes Semaines Sociales, en septembre 1995 et jusqu'à la période actuelle, et les clameurs qui s'élèvent des habitations les plus misérables de la société brésilienne demeurent en éveil. Mélange de lutte et de fête, de larmes et de rires, cet événement est en fait un cadre où se retrouvent toutes les couleurs de la culture du pays, où se mélangent et s'entrelacent douleur et espérance, rêve et recherche, résistance et opiniâtreté. Egalement significatives sont la Campagne Jubilée Sud, les Assemblées Populaires ainsi que le partenariat avec le Forum Social Mondial.
(…) Pourquoi de telles initiatives, menées avec succès sur le territoire, et légitimées par la Constitution brésilienne, n'éveillent-elles pas l'intérêt du gouvernement ? Bien au contraire, très souvent on les considère avec prudence et crainte, pour ne pas dire d'indifférence et même d'intimidation (…) Même sous la présidence de Lula la consultation directe de la base n'a pas obtenu une place plus importante (…) En un mot, la répugnance à offrir la tribune à la parole du peuple reflète ni plus ni moins que la peur d'une démocratie véritable.
(…) Serait-il si difficile, compliqué et dangereux d'organiser des consultations régulières de la population ? N'est-ce pas pratique courante dans certains pays comme la Suède, le Danemark et la Norvège ? Peut-être que l'utilisation des urnes électroniques s'avère être un obstacle à ce type de consultation. Si c'était le cas, ne vaudrait-il pas la peine de sacrifier la technologie de pointe et de favoriser une participation réelle en revenant aux bons vieux bulletins. Cela permettrait d'ajouter (…) des questions concernant l'éducation, la santé, l'environnement, les transports publics, la sécurité… Avec de tels plébiscites on pourrait organiser des politiques publiques s'appuyant sur des bases plus fermes et ainsi mieux acceptées par le peuple.
Ce qui est en jeu c'est la relation entre les électeurs et leurs représentants démocratiques. (…). Nous cheminons sur des voies parallèles : les extraterrestres du Planalto, du haut de leurs trônes, presque immortels, paraissent sourds et aveugles aux inquiétudes et aux problèmes qui tourmentent les simples terriens, pauvres mortels qui finissent par perdre leurs enfants, leurs espérances et leur confiance dans les autorités responsables.
Extraits d'Adital du 1er février 2011 (Traduction)