Le 8 octobre dernier, Gabriel Maire était installé comme curé de la paroisse Saint-François-d'Assise, le frère, le pauvre, le non-violent, sur la commune de Cariacica. Paroisse toute nouvelle créée comme un rassemblement de dix communautés ecclésiales de base. L'évêque, Mgr Sylvestre Scandian, venait de renouveler pour trois ans son mandat dans le diocèse. Gabriel était heureux de voir aboutir un long travail de formation de centaines de chrétiens, jeunes et adultes. Depuis neuf ans, il accompagnait cette population de 40 000 habitants, de gagne petit, soumis à de dures conditions de transport, de travail, de logement et de sécurité.
A l'autre bout de la même commune, il était au service d'une demi-douzaine de communautés de la paroisse du Bon Pasteur. Ce long cheminement quotidien de visites, de réunions, de célébrations, de joies et de souffrances individuelles et collectives, avait donne à Gabriel une énergie très forte pour défendre cette population contre tous ceux qui se moquaient d'elle. Il y avait des gens qui ne supportaient pas ce travail de libération, de mieux être collectif, d'espérance populaire que quelques droits fondamentaux seraient un jour respectés. C'était notamment le cas d'un petit groupe d'hommes qui s'étaient maintenus à la tête de la mairie pendant vingt ans, pour en tirer les meilleurs bénéfices et retarder le plus possible les installations de routes, égouts, écoles, postes de santé dont les gens avaient besoin.
Le 15 novembre 1988, un nouveau maire est élu sur un programme social qui va forcément léser les intérêts de ce groupe. Diverses manœuvres que Gabriel a racontées dans les Echos de Vitoria vont empêcher le maire élu, Vasco Aives, d'exercer son mandat. Les communautés se mobilisent alors dans toute la commune « pour la paix et la démocratie à Cariacica », selon le slogan adopté et affiché devant toutes les églises.
Avec deux autres prêtres, Gabriel reçoit alors des menaces de mort, en juin 1989. Protégé par la police pendant un ou deux jours, il préfère ne plus dormir chez lui pendant quinze jours. En décembre, les menaces reprennent, anonymes ou directes. L'évêques les a rendues publiques au cours de la célébration des funérailles de Gabriel, à la cathédrale de Vitoria, le dimanche 24 décembre. Devant des milliers de paroissiens et d'amis, cette annonce a coupé court à la version divulguée par les journaux d'un crime crapuleux... alors que rien n'a été volé, ni la voiture ni les documents ni l'argent.
Gabriel est mort d'une balle dans le cœur tirée à bout portant. L'enquête de la police fédérale devra chercher le tueur et ses motifs. Peut-être montrera-t-elle qui a donné l'ordre de tuer. Même si elle ne le faisait pas, les gens, eux, ont compris la logique de la vie du Padre Gabriel : ensemble, on peut faire quelque chose pour se rendre la vie moins dure ; ensemble on peut faire respecter quelques lois et pour cela il faut de la ténacité et du courage.
Les gens des communautés l'ont entendu réagir, prier, prêcher sur les événements qui abîmaient ou supprimaient la vie de tant d'êtres humains appauvris, opprimés par des « structures de péché » comme dit Jean-Paul II. Il voulait que cela change, il formait des responsables en grand nombre et dans une intense diversité de fonctions : baptêmes, Bible, trésorerie, associations, politique, rédaction de bulletins, histoire des communautés, chants, conseils, etc. Sa capacité d'animation et de coordination avait été reconnue : il était le coordinateur des communautés de Cariacica (200000 habitants) et célébrait souvent la messe télévisée locale.
Témoignages de Bernard COLOMBE, du diocèse de LYON, de Marcel CORTEY du diocèse d'AUTUN, de Jean FUGERAY du diocèse de LANGRES
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