Mot d'accueil et homélie de Mgr Vincent Jordy

4ème dimanche de l’Avent
25ème anniversaire de la mort du Père Gabriel Maire
21 décembre 2014 - Eglise Saint-Jean-l’Evangéliste – Dole

Mot d'accueil

Il y a 25 ans, très exactement, le 21 décembre 1989, un homme, un prêtre, était interrogé, interviewé par la télévision brésilienne. Il disait : « Le capitalisme est universel. Il sait très bien faire dévié le sentiment religieux des gens, occuper l’espace, profiter de toutes les fêtes religieuses pour en faire un commerce, un négoce. Je ne dis pas qu’il n’est pas bon de faire la fête, de boire un peu de vin, mais pour la grande majorité, Noël est devenu la fête du consumérisme dans le monde entier. Malheureusement, et pour compense, on va se faire un peu de charité, donner une petite pièce aux pauvres. Mais ce n’est pas cela l’esprit de Noël. C’est une chose totalement différente. Noël, c’est Dieu avec nous, Emmanuel. » Ces quelques mots, vous l’imaginez bien, viennent d’une interview donnée par le Père Gaby Maire, il y a 25 ans, jour pour jour. Deux jours avant son assassinat où il préparait Noël, comme nous préparons Noël. Quelques heures plus tard, il donnait sa vie par témoignage à l’Evangile.

 
Aujourd’hui, frères et soeurs, chers amis, chers confrères, venus de loin pour cela –merci Père Colombe d’être avec nous, vous qui avez côtoyé Gaby Maire au Brésil-, aujourd’hui, nous sommes rassemblés, vous le comprenez bien, pour au moins 3 raisons. Bien entendu, parce que, comme chaque dimanche, nous célébrons la mort et la résurrection de Jésus, le Christ, nous nous nourrissons de sa Parole, de sa Vie. Nous célébrons aussi le 4ème dimanche du temps de l’Avent, la préparation à Noël, et les paroles fortes de Gaby Maire, il y a 25 ans, demeurent valables pour nous et nous interrogent : que préparons-nous au juste en célébrant Noël ? Et puis, et cela a été dit par Monsieur le Président de l’association, nous faisons mémoire d’un homme, d’un frère, d’un prêtre de chez nous qui a entendu la Parole du Christ, qui a porté cette Parole au loin, et qui a été assassiné pour avoir été fidèle à cette Parole. Nous nous rassemblons aujourd’hui, autour du Christ, mais en faisant aussi mémoire du Père Gaby Maire, nous sommes en lien avec les communautés du Brésil qu’il a accompagnées. 

Je comprends bien aussi, je souhaite le dire au début de cette célébration, que je suis peut-être un des moins habilités de l’assemblée pour parler de lui. Je ne l’ai pas connu. Je viens bien après que l’histoire ait lieu, mais j’entre dans cette histoire avec vous. Je porte avec vous le souci tout à la fois de la communion avec le Père Gaby Maire, mais aussi du besoin de justice qui est encore le nôtre aujourd’hui, afin que le procès que nous attendons tous puisse avoir lieu. 
 

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Eglise Saint-Jean l'Evangéliste

Homélie

Frères et sœurs,

Nous célébrons aujourd’hui le Christ, le 4ème dimanche du temps de l’Avent et nous faisons aussi mémoire de notre frère Gaby Maire. J’en profite encore pour saluer les membres de sa famille ici présents.
Cela nous invite, à la lumière de la Parole de Dieu, à rejoindre 3 moments de l’Histoire.

1. Le premier moment de l’Histoire que je vous invite à visiter, c’est cette scène qui se déroule, il y a plus de 2700 ans, 2800 ans. Nous sommes à Jérusalem, chez le roi David.

Comme le disait notre première lecture, tirée du 2ème Livre de Samuel, le roi David après des temps de guerre, est enfin dans la tranquillité. Il est délivré de tous ses ennemis. Il vit en paix dans une ville prospère, au cœur d’un royaume consolidé et pacifié. C’est alors que le roi David, encouragé par le prophète du Seigneur, Nathan qui l’assure que Dieu est avec lui, va décider de construire une maison pour le Seigneur, un temple. En effet, lui le roi d’Israël vit dans une maison de cèdre, une maison cossue, alors que l’Arche d’Alliance, la présence de Dieu au milieu du peuple, est conservée sous une simple toile de tente. Pourtant, vous l’avez bien entendu, cette idée du roi David ne va pas nécessairement plaire au Seigneur. Dieu se met, en effet, à questionner David par la médiation du prophète Nathan. Il lui dit : « Est-ce toi qui me bâtiras une maison pour que j’y habite ? ». Et Dieu rappelle alors à David, que c’est Lui Dieu qui conduit l’histoire des hommes, qui a l’initiative de toutes choses. Plus encore, Dieu tempère David et son initiative, car cette initiative n’est pas conforme à l’enseignement que Dieu tente de partager à son peuple depuis des siècles. En effet, pourquoi David veut-il vraiment construire un temple au Seigneur ? Non pas simplement pour que l’Arche d’Alliance soit à l’abri, mais peut-être aussi pour sa propre image, pour son propre rayonnement, pour sa réputation ? On le sait, à l’époque du roi David, toutes les grandes villes de l’Antiquité, toutes les grandes villes possèdent deux bâtiments essentiels qui en font la valeur. Un premier bâtiment, un palais, où habite le roi et un second bâtiment, un temple où habite la divinité. Vouloir construire un temple, c’est pour David aussi peut-être une manière de se servir de Dieu. C’est peut-être tout simplement ce que l’on appellerait aujourd’hui une bonne opération politique, une bonne opération de communication, de prestige. Comme si David voulait enfermer Dieu, en faire une idole, comme s’il mettait la main sur Dieu pour Le mettre à son service. 

C’est pourquoi, Dieu lui-même va annoncer par la bouche du prophète Nathan, la manière dont la construction d’une maison va effectivement se faire. Ce n’est pas David qui va construire une maison à Dieu, mais c’est Dieu qui répond à David, « c’est moi qui vais te bâtir une maison ». Cette maison ne sera pas une maison en pierre, en brique, en bois. Cette maison que Dieu va bâtir à David, ce sera une famille, ce sera une descendance, c’est-à-dire un peuple. L’habitation de Dieu ne sera pas une maison faite de matériaux les plus beaux, les plus nobles soient-ils ; la maison de Dieu sera faite de quelque chose de plus grand, de plus noble encore, elle sera constituée d’hommes constituant un peuple. C’est pourquoi Dieu annonce, de manière mystérieuse, qu’Il fera à David une destinée, qu’Il lui donnera une royauté éternelle. Le prophète Nathan l’annonce : »Je te susciterai dans ta descendance un successeur ». Et Dieu ajoute : « Je serai pour ce successeur un père et il sera pour moi un fils ». Cette scène a eu lieu il y a plus de 2600 ans. 

2. Une autre scène alors, un autre moment de l’Histoire se déroule devant nous, il y a près de 2000 ans à Nazareth, en Galilée. 

L’évangile selon saint Luc vient de nous le rappeler. Marie est une jeune fille, une jeune femme juive apparemment comme les autres. Elle est promise en mariage à Joseph. Elle attend, comme tous les enfants d’Israël, la délivrance, la libération de son peuple qui est sous l’oppression romaine mais aussi sous l’oppression du roi Hérode. Elle attend la libération, c’est-à-dire la venue du Messie. Et voilà qu’elle va recevoir un messager du Très-Haut qui va lui révéler que s’accomplit en elle la prophétie de Nathan, la prophétie qui concerne la descendance du roi David, la descendance royale de David. Saint Luc le précise tout de suite dans l’évangile, Marie est accordée en mariage à Joseph qui est de la maison de David ; Joseph qui donnera à Jésus sa légitimité publique, qui lui donnera son identité familiale. Mais l’ange lui-même s’adressant à Marie, déclarera en parlant de Jésus : « C’est à lui que le Seigneur donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin ». David avait voulu bâtir un temple pour le Seigneur, le Seigneur en retour lui avait promis une descendance, une maison. Cette maison, cette descendance, c’est ce peuple qui se rassemblera autour du Messie, autour de Jésus et que Jésus conduira, comme le vrai berger, le vrai pasteur d’Israël, vers le salut et vers la liberté. 

3. Histoire du roi David. Histoire de l’annonciation faite à Marie. Histoire qui se continue aujourd’hui.

Car aujourd’hui, nous venons d’entendre la Parole du Seigneur qui continue de s’accomplir. L’apôtre saint Paul, nous le dit, nous l’assure dans notre seconde lecture, il y a un instant : voici que se découvre le projet mystérieux gardé secret durant tous les siècles. Le secret du cœur de Dieu, dit saint Paul, est dévoilé, le cœur de Dieu est un cœur qui accueille. C’est un cœur qui souhaite que tous les hommes reconnaissent et accueillent son Fils Jésus, pour vivre de Jésus, avec Jésus, en Jésus, ici, maintenant et un jour jusque dans la vie éternelle. Oui, Dieu nous le dit par saint Paul, veut devenir l’ami de l’homme ; Dieu veut libérer l’homme de lui-même. C’est ce qui fait la beauté, la dignité, la grandeur de tout être humain. 

N’est-ce pas ce qu’avait découvert au fond de son cœur, en méditant la Parole, notre frère prêtre Gaby Maire ? Alors qu’il allait partir pour le Brésil en septembre 1980, il répondait à un journaliste qui l’interrogeait sur son départ, je le cite : «La révélation de Jésus-Christ se fait à travers des gens qui vivent humainement. L’annonce de Jésus-Christ ne se fait pas en dehors des gens qui vivent debout. » Il partait au Brésil, vous le savez bien mieux que moi, non pas d’abord pour donner mais pour recevoir, découvrir les autres et les servir. Mais servir n’est pas simple. Nous l’avons entendu dans notre première lecture, le roi David a pensé servir Dieu en lui bâtissant un temple. En fait, il allait se servir de Dieu. Marie, elle, a su servir en se rendant toute disponible à l’action de Dieu. C’est bien peut-être ce que le Père Gaby Maire avait compris quand il souligne, toujours au moment de son départ de Saint-Claude à un journaliste qui l’interroge, avec beaucoup de lucidité, je cite : « Vous n’êtes pas venu pour interviewer une vedette ». Il s’agissait bien, pour lui, d’aller servir avec un cœur libre pour porter le message de la libération intégrale de l’homme que Jésus est venu apporter au monde. Sa lutte pour cette libération, son accompagnement de ceux qui luttaient pour plus de justice n’a pas plu, a dérangé. C’est pour cela qu’il a été éliminé, assassiné. Mais son travail, l’esprit qu’il a semé, continue de porter du fruit. 

Alors aujourd’hui, frères et sœur, en ce dimanche, nous faisons mémoire du don qu’il a fait de lui-même à l’Eglise, pour servir. Aujourd’hui, nous faisons mémoire de la fécondité de sa mission. Aujourd’hui, nous voulons entretenir l’espérance que justice soit faite un jour, au sujet de son assassinat. 

Frères et sœurs, chers amis, accueillons en ce jour comme il l’a fait durant sa vie de prêtre, le souffle de l’Evangile tel que notre frère Gaby l’avait accueilli, non pas pour le garder pour soi mais pour l’annoncer et le partager. 

David voulait bâtir une maison à Dieu, mais c’est Dieu qui bâtira une maison à David, une maison vivante, une descendance par Marie, le Christ. Nous qui sommes baptisés, nous qui appartenons au Christ, nous sommes, ce matin, cette descendance de David. Nous sommes cette famille de Dieu. Nous sommes cette maison vivante de Dieu. En ces jours qui précèdent Noël, ayons un cœur qui accueille. Ouvrons nos cœurs, ouvrons grandes les portes de cette famille, de cette maison, les portes de nos cœurs pour accueillir tous les hommes, toutes les femmes qui ont soif et faim de l’Espérance. Ouvrons grand notre cœur, ayons un cœur qui accueille pour recevoir, en ce temps, le Christ par sa parole et par sa Vie.
Amen

+Vincent Jordy
Evêque de Saint-Claude