Padre Gabriel, Presente ! Les martyrs d'Algérie, presentes ! Léonie et Alice, presentes !
Frère Jean-Marc, abbé de l'abbaye, a invité Jean-Marie à prononcer l'homélie du dimanche 16 décembre à l'abbaye.
Nous vous la partageons aujourd'hui, alors que nos amis de Vitoría se réunissent pour faire mémoire des martyrs d'Amérique du Sud.
Chers frères d’Acey,
Vous tous frères et soeurs,
Et vous les amis de Gaby Maire qui vous retrouvez aujourd’hui pour faire mémoire de sa vie donnée il y a 29 ans.
La première lecture nous invite à pousser des cris de joie. Une invitation qui trouve toute sa force alors que nos vies sont marquées par tant d’événements politiques, de troubles de société, de violences en tous genres autour de nous et qui repoussent au loin la joie.
Poussez des cris de joie. C’est l’appel de Sophonie, un petit prophète, cinquante versets dans la Bible, mais un grand prophète. Car il intervient dans la Bible après environ 50 ou 60 ans de silence des prophètes. Aujourd’hui encore on a cherché, on cherche encore à faire taire les prophètes. Mais quelle émotion et quelle joie aussi de découvrir de nouveaux gestes prophétiques : qui pouvait croire il y a 10 ans, à la célébration d’il y a 8 jours à Oran en Algérie ! Chrétiens et musulmans se retrouvant en dialogue, en connivence pour faire mémoire de leurs martyrs, morts dans la même tourmente des années noires en Algérie. Ne laisse pas tes mains défaillir, nous disait Sophonie. N’abandonnons pas ce combat. Le monde a besoin de nos forces, de nos mains, de nos bras pour reprendre le chemin de la paix, de la communion, du dialogue dans tous les secteurs de nos vies. Le dialogue dans la politique, la solidarité dans la société, la non-violence dans les relations, l’entente dans les familles, l’accueil de l’étranger…
Peut-être cela nous semble-il impossible ou difficile… Paul aussi pouvait le penser, lui qui se trouvait en prison quand il écrit la deuxième lecture. Il a tout pour être triste, pour se radicaliser, ressasser les racines de sa souffrance. Non, il invite lui aussi à la joie, à la bienveillance à renouer un dialogue. Oui, Paul parle de joie et de bienveillance - et nous avons forts à faire de ce côté-là même si nos problèmes ne sont plus les mêmes… Nous avons forts à faire aujourd’hui du côté de la bienveillance écologique et sociale – comme l’indique souvent le Pape François, mais aussi les gilets jaunes. Comment faire coller aujourd’hui l’urgence écologique et l’engagement social de tous pour y parvenir. La COP 24 à Katowice est bien là pour nous le redire.
Mais alors que devons-nous faire ? La même question revient trois fois dans l’évangile – une question qui existait déjà il y a 20 siècles et que nous nous posons aujourd‘hui encore. Sans doute parce qu’elle est importante. Jean le Baptiste reçoit cette question de trois secteurs de la société : les foules, les collecteurs d’impôts, les escortes armées sans doute les escortes de ces mêmes collecteurs d’impôts. Ils viennent voir Jean le Baptiste comme une société en débandade : ils voudraient bien trouver auprès de lui une recette, propre à chacun. Jean-Baptiste donne à chacun une réponse bienveillante. Que chacun fasse bien, le mieux possible, ce qui est en son pouvoir et qu’il s’y engage pleinement. Plutôt que de rechercher individuellement des portes de sortie, chacun de son côté, n’avons-nous pas à devenir un peuple en attente. car c’est au peuple dans son ensemble que Jean le Baptiste s’adresse à la fin de l’évangile. Et Jean le Baptiste porte alors le regard de ceux qui l’écoutent sur le plus fort que nous, sur celui qui vient pour opérer un tri. N’allons pas penser qu’il vient trier les bons et les méchants. Il vient trier le grain et la paille de la même moisson, il vient trier le bon et le mauvais, en nous-mêmes et en chacun de nous. Que ce soit ici, au Brésil, à l’ONU en ce 70° anniversaire de la déclaration des droits de l’homme, en Algérie, sur nos marchés de Noël, dans les prisons françaises, dans nos diocèses et nos communautés chrétiennes, sur nos ronds-points, saurons-nous entendre l’appel de celui qui est le plus fort.
Alors pour recevoir celui qui vient, Jean le Baptiste invite à un baptême, à plonger dans une vie différente, à recevoir un autre nom, - « René » peut-être -, pour ne pas nous sentir produit de cette société, fils d’une mode passagère mais à nous enraciner, comme filles et fils chéris de Dieu. Cet enracinement qui faisait répéter à Gaby quelques jours avant Noël : « Je préfère mourir pour vivre que de vivre pour mourir ».
« Poussez des cris de joie » nous disait Sophonie. Pourrons-nous le soir de Noël pousser des cris de joie à l’enfant de la crèche si nous fermons notre cœur à tant d’hommes, de femmes et d’enfants dans le besoin et qui, eux aussi, sont fils et filles de Dieu ?
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